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13 octobre 2014

TYCHO: « Les émotions et l’espace physique sont interconnectés »

par rédaction Tsugi

 Quand on écoute Tycho, on voyage, on s’imagine marcher sur les routes ensablées des déserts de Californie, regarder les étoiles la nuit tombée. C’est que la musique de Scott Hansen se veut très évocatrice, sans paroles, invitant au rêve, ce genre de musique dans laquelle on projette très facilement ses propres émotions. Projets plus aboutis, nouvelle configuration de groupe, après le succès incontestable de Dive, Tycho est en tournée mondiale pour son dernier album sorti en mars dernier, Awake, et s’arrête le temps d’un concert à La Gaîté Lyrique.

TSUGI: C’est vraiment chouette que tu passes à Paris ! On assistait aux balances tout à l’heure dans la salle de la Gaîté Lyrique et on voyait toutes ces images défiler… c’est toi qui les a toutes conçues ?

Tycho: Oui, comme on le sait, tout le projet est pensé comme une entité audiovisuelle, avec de la musique instrumentale, sans paroles. Alors ces images servent à connecter les choses entre elles, à combler ce ‘manque de paroles’, ce manque de références que certaines personnes peuvent ressentir. J’ai toujours été un artiste visuel, même avant de commencer à faire de la musique. Les concerts c’est le moment où tout vient en même temps: l’expérience visuelle, la performance et la musique. À ce moment là je me dis que les visuels sont vraiment essentiels.

Et du coup, vu que tu as ces visuels, tu ne veux pas chanter du tout sur tes morceaux ?

En fait ça ne m’est pas vraiment venu à l’esprit, je ne suis pas un chanteur ! La plupart des musiques que j’écoute ont des paroles, mais quand je crée de la musique ce n’est pas comme ça que je l’imagine. Ce n’est pas une décision consciente, je pense juste que les idées que j’essaye d’exprimer sont mieux restranscrites par le biais de la musique instrumentale. Et aussi, je ne suis pas très fort pour les paroles, je pense que je ne serais même pas capable d’écrire une chanson avec des paroles en fait !

Quand tu composes un album, qu’est-ce qui arrive en premier dans ton esprit, les visuels ou les chansons?

Aucun des deux, les deux ont la même provenance, c’est juste une question de temps, et si j’ai le temps d’en sortir de mon esprit. Les visuels sont chose facile pour moi, j’ai fait ça toute ma vie ! Ce n’est qu’à partir de mes 30 ans que j’ai décidé de me mettre vraiment dans la musique, avant j’étais juste designer graphique. La musique c’est plus complexe, donc je passe beaucoup de temps dessus. Et à la toute fin, je m’occupe de la partie vidéo, et de la pochette d’album, parce que ça ne me prend pas beaucoup de temps.
Mais Star Wars par exemple, il y a un film qui existe et ensuite on crée la BO. Alors que personnellement, je pense que je fonctionne de manière contraire, qu’en général je crée la musique, et ensuite ça crée une sorte d’espace physique qui peut te transporter, un espace émotionnel. Et je sais que je peux recréer ça de façon visuelle assez facilement.

Donc ce que tu cherches c’est partager cet espace émotionnel avec ton public, plutôt que de t’exprimer directement par ta musique ?

Les émotions et l’espace physique sont interconnectés. Quand tu vas dans les montagnes ou dans le désert, tu peux sentir toute cette énergie qui provient du lieu où tu es, c’est très puissant. La seule manière de l’exprimer pour moi c’est de faire de la musique. Je suis beaucoup allé au Burning Man, c’est tout un état d’esprit là-bas, et d’ailleurs tu vois le beige de la pochette d’Awake ? C’est celui du sable du désert de Burning Man.

L’inspiration te vient soudainement par bouffées ou est-ce que tu travailles dans la durée ?

Un peu les deux. La chanson ‘Awake’ est venue super vite. On est parti avec Zac (Brown), qui est à la guitare et à la basse au Lac Tahoe en Californie, au milieu des bois, et on a passé deux semaines à parler d’idées. Ces petites graines de chansons ont fait l’album plus tard. Certaines chansons comme « Awake » ou « Spectre » sont venues très vite et la première idée était très proche de la version finale. Mais tout ce qui est sur l’album est le résultat d’un long temps passé, à se pencher sur des détails méticuleux, sur chaque petite couche.  Je pense qu’on est non seulement des musiciens, des artistes, mais aussi des artisans. Comme un graveur, comme ces gens qui gravent des pistolets…ce n’est pas des beaux-arts mais il y a une vraie beauté dans cette attention que portent les artisans aux détails et tout ce temps passé à travailler dessus. Comme les carreaux aux sol, les pavés, des fois c’est super travaillé, et personne ne va les mettre dans des musées pour autant. Penser que quelqu’un a passé autant de temps à concevoir tout ça… il y a une vraie beauté dans la chose. Pour la musique, tu as la partie inspiration, et après c’est du savoir-faire, du véritable artisanat.

Et maintenant tu ne travailles plus seul mais avec un groupe…

Oui, avant je faisais beaucoup de trucs avec mon ordi, même sur scène. Mais le truc c’est que j’ai créé ça avec des claviers et après j’ai appris la guitare, j’ai commencé à en utiliser de plus en plus avec le temps. Ensuite j’ai rencontré Zac qui a commencé à jouer avec moi pendant les concerts. Des fois il me sortait des riffs de guitare qui me faisaient dire « waouw ». Il y avait quelques chansons sur Dive comme ça, et je me suis dit que le prochain album allait être axé sur le processus collaboratif. Et entre les deux albums, on a eu un batteur, Rory, rencontré pendant la tournée de Dive. J’ai tout de suite adoré Rory, il comprend très bien ce que j’attends, il a tout de suite trouvé des rythmiques folles. C’était le batteur de Com Truise avant, je l’ai un peu volé, je l’avoue. Au début je voulais juste avoir plus de musiciens sur scène pour que ça sonne plus vivant, et maintenant on écrit un peu plus des chansons ensemble, c’est un peu plus comme un groupe.

Tu préfères cette configuration ?

Oui ! C’était drôle avant, j’ai enregistré quelques albums et EPs comme ça, mais travailler avec d’autres gens c’est une véritable expérience, je pense que je deviens meilleur sur les choses que je fais aussi. Trois têtes c’est mieux qu’une seule ! Et sur scène c’est top ! Beaucoup moins ennuyeux. Maintenant j’ai l’impression qu’on arrive vraiment à se connecter au public quand on joue, et ça c’est important. Et au studio c’est pareil.

Et toi, vu que tu manies un peu de tout, avec quel instrument préfères-tu jouer ?

La guitare, je pense, parce que c’est avec les riffs que l’on fait avec Zac qu’on commence toutes les chansons. Et ensuite les synths. Au début je commençais par les synthés mais je l’ai fait tellement…alors que la guitare j’apprends encore, c’est plus excitant parce que j’ai encore plein de choses à découvrir.

 Et ton synthé fétiche ?

Sans hésiter le Mini Moog !

Il y a des gens qui ont dit qu’ ‘Awake’ ressemblait assez à ‘Dive’, que leur répondrais-tu ?

Ah bon, ça a l’air proche ? À la toute fin de Dive, j’ai commencé  à bosser avec Zac, et j’ai commencé à entrevoir tout plein de possibilités… donc d’un album à l’autre il n’était pas sensé y avoir de changement radical, mais plus une évolution, une réalisation finale du ce son sur lequel j’avais bossé pendant tout ce temps. J’ai pris conscience d’une chose : je suis davantage un producteur, je voudrais être plus dans le rôle du producteur. J’ai voulu pendant si longtemps arriver à ce point que là je me suis dit : c’est bon. Je comprends que certaines personnes pensent que les deux albums sont un peu similaires mais maintenant que j’ai achevé ce que je voulais faire, je suis peut-être prêt à faire  quelque chose de plus différent.

Tu aurais presque pu faire un super-album avec les deux du coup !

Non, c’est bien que Dive reste là où il est, parce que les chansons culminantes de cet album, comme ‘Dive’ ou ‘Hours’ qui ne partagent pas les mêmes sentiments qu’Awake. Et ‘Ascension’ par exemple était plus un prototype, une sorte de version pas encore terminée d’un concept qui est venu plus tard dans Awake. Donc je ne pourrais pas vraiment les combiner !
 

Pourquoi une version japonaise d’Awake ?

En fait, je crois qu’ils ont juste ajouté quelques remixes mais c’est juste un mec d’un label qui a voulu faire ça, donc ils l’ont fait.

Tu es sur Ghostly International depuis longtemps, ça se passe bien ?

Oui, ils nous laissent pas mal de liberté, c’est plus comme un partenariat !

Tu dis qu’une de tes plus grandes sources d’inspiration est l’Allemand Ulrich Schnauss, tu en as d’autres ?

Oui, j’ai même joué avec lui ! Sinon, Boards Of Canada bien sûr, et la drum’n’bass dans les années 90, ou des mecs comme Roni Size…Mais si tu écoutes bien, y’a quelques trucs drum’n’bass sur certaines de mes chansons, des moments où les rythmes sont doublés comme la drum’n’bass pendant une minute. Mais pour le timbre et la texture du son, c’est indéniablement Boards Of Canada ma plus grande inspiration. Pour l’énergie, c’est Ulrich Schnauss. C’est le premier musicien électro que j’ai entendu qui avait une véritable structure dans ses sons, et pas juste des trucs jetés par-ci par-là.

Tu parles de structure… tu as étudié la musique dans une école ou tu as appris tout seul ?

Non, j’étais pas trop nul en informatique, alors ça m’a permis de comprendre pas mal de trucs en MAO déjà, le reste est venu après…

 …C’est bientôt à toi !
Ah oui, je file ! A tout à l’heure au concert !

 

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