Après un long combat pour attester ses droits sur un DJ set et un morceau, Peshay vient d’annoncer avoir récupéré ses droits sur la plateforme Youtube.
Figure emblématique de la scène drum n bass britannique, Peshay se retrouve malgré lui au cœur d’un affrontement juridique. Le DJ et producteur lutte depuis plusieurs mois pour restaurer la visibilité de son mix culte « Studio Set 1996« , supprimé à plusieurs reprises de YouTube à la suite de réclamations pour violation de droits d’auteur. Un événement qui soulève des questions profondes sur la préservation du patrimoine musical à l’ère numérique.
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Un set sur la sellette
Publié initialement par la chaîne YouTube Ambiance, « Studio Set 1996 » est depuis longtemps considéré comme un jalon de la culture jungle et drum n bass des années 1990. Carrément. Techniques riches et sélection pointue, le mix comptait plus de 3.8 millions de vues avant sa suppression brutale par la plateforme. La raison ? Une plainte DMCA (Digital Millennium Copyright Act) émise par un certain Dice Ryu Sykes, opérant sous le nom de Ninj Yang Productions.
Au cœur de la contestation, le morceau « Links », sorti en 1995 sur le label Good Looking Records, composé par The Chameleon (Mark Pritchard et Tom Middleton), et qui figurait en bonne place dans le set. Dice Ryu Sykes, qui affirme en détenir les droits via une version rebaptisée « Tropical Jungle (Remade) », aurait enregistré ce titre auprès de l’US Copyright Office début 2025… Près de 30 ans après sa sortie originale.
Failles et lacunes du système
Pour Peshay et son manager Ron Pye, cette situation met en lumière une faille structurelle dans la protection des œuvres dites « legacy« (ces créations antérieures à l’ère numérique). « À moins qu’il soit voyageur temporel, il est impossible qu’il ait créé un morceau sorti avant sa naissance« , déclare Pye dans un entretien à DJ Mag. Selon lui, Dice Ryu Sykes exploiterait une faille légale : enregistrant des œuvres existantes pour les revendiquer comme siennes, puis lançant des demandes de retrait sur les plateformes de streaming et de partage.
Les effets de cette stratégie ne s’arrêtent pas au cas Peshay. Plusieurs autres artistes issus de la sphère Good Looking Records sont également visés : Future Engineers, Makoto, Shogun, ou encore Intense. Des morceaux emblématiques comme« Shifting Suns« , « Radical Train (Remade) » ou « Ulysees » auraient été rechargés en ligne par Dice Ryu Sykes , sous des titres modifiés, avant que ce dernier ne réclame leur suppression lorsqu’ils sont utilisés par des tiers.
Résistances et soutiens
Face à ces offensives, la riposte s’organise. Le 10 mai une pétition en ligne a été lancée, réclamant des mesures contre les strikes abusifs visant la musique patrimoniale. Elle a récolté plus de 2 600 signatures. Un mois plus tard, Peshay annonce que son « Studio Set 1996 » a finalement été restauré sur YouTube, tout comme le morceau « Links ». Une victoire symbolique, mais fragile : « Le plaignant peut à tout moment re-déposer une plainte. Et la plateforme, encore une fois, pourrait la valider sans vérifier les faits », avertit Peshay.
Sur les réseaux sociaux, l’artiste a tenu à remercier la communauté pour son soutien, tout en soulignant que le combat ne faisait que commencer.
« Ce mix, ce n’est pas juste un moment de ma carrière. C’est une archive vivante. Pour beaucoup, il symbolise leur première rave, leur premier lien à cette scène. Le voir supprimé par des procédures contestables, c’est une attaque contre notre culture commune. »
Peshay
Et maintenant ?
Si la restauration du contenu représente un premier pas, elle ne règle pas les questions de fond. La fragilité des protections juridiques pour les œuvres anciennes, la place trop grande laissée aux algorithmes dans les décisions de retrait, et l’absence d’évaluation humaine dans les litiges posent des défis considérables.
Pour Peshay, cette bataille dépasse largement son cas personnel. Elle cristallise une inquiétude partagée par de nombreux artistes issus des années 1980 et 1990 : celle de voir leur héritage culturel se volatiliser sous l’effet d’outils pensés pour la vitesse, et non pour la vérité.
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