Le chanteur et producteur vient de sortir Break, un deuxième EP, réalisé encore une fois en solitaire. Interview avec un artiste ayant pour mot d’ordre la sincérité.
C’est à l’agence Savoir Faire, dans le 10ème arrondissement de Paris que le nouvel espoir du rock français nous reçoit. Il vient de sortir Break, son deuxième EP. Un projet qu’il a voulu le plus “intime” possible. Les cheveux ébouriffés, Max Baby — c’est son vrai nom de famille sinon il n’aurait pas choisi un alias “aussi flingué” — raconte le chaos qui l’a inspiré, le besoin de solitude pour concevoir ses disques, mais aussi son travail de producteur.
Ces dernières années, il a collaboré avec Clara Luciani, Weyes Blood, Disiz — sur le tube “melodrama” en collaboration avec Theodora —, Hannah Jadagu ou encore Goldie Boutilier. Avant de commencer l’interview, le jeune homme prévient “là je suis un peu dans le gaz”. Finalement, il n’en sera rien, Max Baby est plutôt volubile, parfois cryptique, toujours sincère. Rencontre.
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Ton premier EP s’appellait Out of control, into the wall, le deuxième s’appelle Break. On reste dans le motif de la destruction…
C’est marrant parce que, pour pleins de raisons différentes, on dirait un EP concept. Il s’appelle Break. Tous les patterns de batterie sont breakés, il n’y en a aucun qui est droit. Ça ne parle que de rupture au sens large, rupture dans les habitudes, les codes, la naïveté, l’enfance et aussi dans l’amour. Ce qui est drôle, c’est qu’on dirait que j’ai eu l’idée avant, alors que je te jure que le nom est la toute dernière chose qui m’est venue. Je m’en suis rendu compte en ayant le disque devant moi “ah mais en fait ça ne parle que de ça”.
C’était peut-être aussi parce que tu traversais des ruptures à ce moment-là ?
Oui, complètement. Mais je ne pensais pas que c’était aussi clair et finalement c’est apparu tout seul. C’est assez fascinant. Quand je l’explique, on dirait que c’était hyper réfléchi alors qu’en réalité, ça ne l’était pas du tout : c’était complètement inconscient.

Dans « Dogma » tu parles justement des croyances avec lesquelles tu as rompu.
Ça se passe en permanence, je pense que plus on mûrit, plus on déconstruit des choses que l’on pensait sûres. C’est ça qui fait grandir et, en tout cas, c’est comme ça que j’essaie d’avancer : en devenant ma propre personne. C’est terrifiant cette sensation de, (il hésite), détruire ses attaches pour des idées plus grandes, pour faire avancer les choses.
C’est renoncer à un confort, à quelque chose d’agréable. C’est se dire “non, en fait, ça ne vaut plus le coup de me battre pour ça, pour ce en quoi je crois » . Ça peut être tout et n’importe quoi, je ne veux pas te donner d’exemples précis, parce que ça peut être différent pour tout le monde. J’espère que tu vois ce que je veux dire, chacun peut se l’approprier. C’est ça l’idée, c’est le fait de se dire que ça fait peur, mais que tout doit s’écrouler un jour ou l’autre.
Même si tu parles de rupture, on sent que tu peux être nostalgique comme sur “Playground” où tu parles de l’enfance.
Complètement, c’est la rupture avec l’enfance, l’insouciance et les mauvaises habitudes, c’est la réalisation de « You got to get your shit together”. Il n’y a que toi qui peux le faire. Tu te retrouves face à tes propres fantômes, c’est le moment de tenir sur tes deux jambes. C’était déjà présent sur le premier EP mais j’en parlais différemment : c’était plus chaotique, plus brutal. Là, c’est autre chose. C’est plus nostalgique, parce que c’est plus doux.
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En gros, tu es sorti du chaos là ?
Il y en a encore, mais oui c’est juste après quoi. C’est plus intime en fait, c’est moins le constat brut du lendemain matin, c’est un peu plus profond, un peu plus vulnérable aussi, un peu plus précis.
Et pour ça tu avais besoin de créer cet EP seul, comme pour le premier ?
Oui, toujours. C’est quelque chose de très important pour moi — difficile, mais très fun. Il y a beaucoup de doutes puisque je suis seul. Mais, en même temps, ce qui est bien, c’est que ça m’amène à vraiment faire ce que je veux, à prendre des décisions sans être influencé par le regard des autres.
Quand je suis persuadé d’un truc, j’en ai rien à foutre de l’avis des autres, parce que je sais que c’était ça l’idée et que je suis allé jusqu’au bout. C’est pour ça que le processus en solitaire compte autant : je me retrouve face à moi-même et ça me permet de faire la musique la plus honnête possible.

Quels sont les morceaux dont tu es le plus fier ?
Ah, tu ne peux pas me poser cette question-là.
Tous j’imagine, mais peut-être qu’il y en a qui ont été plus compliqués à produire.
Il y a le morceau, « Always », qui clôt l’EP. C’est une espèce de truc où je me suis dit : “personne ne va jamais vouloir écouter ça”. Il est incompréhensible. On l’a joué plusieurs fois en live, et je suis assez surpris parce que ce morceau ressort souvent chez les gens alors qu’il est complètement zinzin : zéro structure, très expérimental. C’est une sorte de montée qui s’effondre, puis qui remonte, (il fait des gestes avec les mains), pour s’effondrer encore plus. C’est hyper rempli, saturé, jusqu’à un passage dénudé guitare-voix, très intime. On entend même, à la fin, que j’éteins les machines et que je prends la porte.
Il y a quelque chose de brumeux dans le son.
Oui, complètement. Il y a beaucoup d’effets, ce qui crée presque une distance : on ne sait pas vraiment où on est, on a l’impression d’être dans un glitch de pixels d’un JPEG qui a buggé. Et pourtant, la fin est très, très naturelle. Je suis content de ça. Pour moi, c’est l’un des morceaux les plus intéressants, et après « Playground« , c’est celui qui me touche le plus. Mais je les aime tous, donc je ne peux pas vraiment faire de distinction.
Celui que je me suis le plus amusé à produire, c’est « Mirror« . Je me suis éclaté avec les harmonizers, les vocodeurs. Ça sonne très moderne, alors que j’ai utilisé uniquement du matériel vintage, des machines digitales des années 1990 que Imogen Heap a utilisées sur « Hide & Seek ». Tu connais ce morceau ? Je suis obsédé par ce track, que je trouve magnifique. Du coup, je voulais savoir quel vocoder et quel harmonizer elle avait utilisés. Après des heures de recherches sur un forum obscur, j’ai trouvé la machine sur Leboncoin pour 100 balles, et je l’ai achetée directement.
Dans ton EP, il y a « I can do anything », un morceau qui sonne un peu désespéré. Comment est-ce que tu l’as créé ?
C’est peut-être mon premier morceau de rupture. C’est un peu l’idée derrière la phrase “un seul être vous manque et tout est dépeuplé” : “I can do anything but forget about you”. C’est un refrain qui m’est venu comme un mantra de surpuissance : “je peux tout faire », sauf ce putain de truc qui me gâche la vie : t’oublier. Après, ce n’est pas forcément littéral, parce que ça peut aussi parler du rapport que tu as à une ancienne version de toi. J’ai essayé de brouiller subtilement les pistes dans le texte à ce niveau-là.
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Justement, comment écris-tu tes paroles ?
Toutes les paroles de cet EP sont brutalement réelles. Pour ceux qui veulent me connaître un peu, il suffit de lire les textes. C’est le plus important : si ce n’est pas complètement sincère, ça ne me touche pas. Les paroles viennent assez instinctivement. Je n’ai pas ce schéma du type “je fais la prod’, j’ai une idée de mélodie”.
Bien sûr, la mélodie compte aussi, c’est ce qui reste en tête. Je me suis d’ailleurs surpris de voir à quel point les paroles pouvaient influencer les mélodies, et vice-versa. C’est un ping-pong constant. Mais ce n’est clairement pas du remplissage de cases — ça, je déteste. En tout cas pour moi.
Moins pour les autres ?
C’est différent, parce que, parfois on me demande des idées de mélodie, et, les artistes avec qui je travaille écrivent leurs textes par rapport à la mélodie. Et justement, la mélodie évolue ensuite en fonction des textes qu’ils écrivent. Par exemple, c’est ce qui s’est passé avec Clara Luciani. Dans ce sens-là, quand c’est collaboratif, c’est super intéressant.
Mais quand c’est juste moi, c’est un peu bizarre. C’est comme si je faisais un mot croisé où j’avais écrit les lignes moi-même et que je devais ensuite remplir les cases derrière. Tu vois ce que je veux dire ? Quel intérêt ?
Est-ce que tu sépares complètement la production pour toi et celle pour les autres ?
Oui, complètement. C’est assez particulier de passer d’un mode à l’autre. Là, j’ai fini mon disque et je dois passer à la production pour quelqu’un d’autre. C’est beaucoup plus facile dans ce sens-là que l’inverse, parce que je me nourris énormément des artistes avec qui je travaille. Comme je ne l’ai pas composé en studio tout seul, c’est hyper “rafraîchissant” (rires). Tu vois ce que je veux dire ? C’est très agréable, et je me rends compte que j’adore collaborer, mais pas encore sur mon projet. Je ne suis pas encore prêt, pas assez mature.

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Le 19 novembre, tu fais ton premier concert en tête d’affiche, à Main Room. Comment te sens-tu ?
Surexcité, je sors juste de répétition. J’ai créé un show exprès pour Main Room. C’est très fun à faire, ça va être très lourd, j’ai hâte. J’ai un peu peur aussi. Enfin, peur n’est pas le mot… Je me situe entre excitation et appréhension.
En concert, tu sautes dans la foule, tu aimes reprendre les codes du rock ?
Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas plus de gens qui sautent dans la foule. Je ne comprends pas de quoi ils ont peur. Mais c’est génial d’être au contact du public. J’ai toujours ce mantra en tête : “chaque concert que je fais, je me donne à fond”. C’est parfois un peu épuisant, mais qu’il y ait dix personnes ou 2 500, je mets la même énergie. Ces personnes sont venues et on leur doit ça en tant qu’artistes. Si tu donnes tout sur scène, il est impossible de passer un mauvais moment.

