A Rome, tous les chemins mènent à la deep-techno

Depuis plusieurs années, les artistes ital­iens, et plus par­ti­c­ulière­ment les Romains (Dona­to Dozzy, Gior­gio Gigli, Dino Saba­ti­ni, ou encore Clau­dio Prc), dressent les con­tours sub­tils et sin­guliers d’une musique élec­tron­ique atmo­sphérique, organique et hyp­no­tique. Une spé­ci­ficité qui leur per­met d’occuper aujourd’hui une place cen­trale dans la scène tech­no contemporaine.

Lui­gi Tozzi est l’une des fig­ures mon­tantes de ce mou­ve­ment. Après plusieurs EPs remar­qués, le jeune pro­duc­teur a sor­ti same­di dernier son pre­mier album Deep Blue Vol.2 et a offert, en guise de célébra­tion, un DJ set à la soirée du label Hyp­nus, organ­isée par Con­tain­er au Glazart le même jour. Rencontre.

Tsu­gi : On par­le de plus en plus de “scène romaine” dans la musique tech­no, sou­vent con­sid­érée comme l’avant-garde de la “deep tech­no”. Selon toi, quelles en sont les racines ? 

Lui­gi Tozzi : Il n’y a pas de doute sur l’apport des Romains dans la scène tech­no con­tem­po­raine, générant un très fort sen­ti­ment d’unité, même si de toute évi­dence chaque artiste y ajoute sa touche per­son­nelle. Cepen­dant, je ne par­lerais pas néces­saire­ment des mêmes racines pour tout le monde. Pour ma part, tout est venu de l’é­coute atten­tive de Basic Chan­nel et de la musique dub tech­no en général, cela me stim­u­lait de décou­vrir les aspects tech­niques der­rière la musique électronique.

En 2010, le site Res­i­dent Advi­sor a pub­lié un arti­cle explo­rant l’émergence de la scène con­tem­por­raine ital­i­enne dont le titre était “Ital­ian do it dark­er”. Te reconnais-tu dans cette formule ? 

Je ne me sens pas à l’aise de par­ler au nom de toute la scène ital­i­enne, mais en ce qui con­cerne ma musique, je ne serai absol­u­ment pas d’accord pour l’appeler “dark tech­no”. Peut-être qu’elle est par­fois perçue comme mélan­col­ique, mais j’essaye tou­jours de fau­fil­er des élé­ments “lumineux” à l’intérieur de mes morceaux. Quoi qu’il en soit, ce qui est cru­cial à mon avis, c’est de créer du con­traste, autant dans la pro­duc­tion que dans le mixe, donc la phrase “ital­ians do it dark­er” sonne un petit peu trop mono­chro­ma­tique pour moi. (rires)  

Nous retrou­vons plusieurs références spir­ituelles dans ton univers, notam­ment avec ton EP Quet­zal­cóatl (référence à la divinité maya du Ser­pent à Plume) ou encore dans les visuels du label Hyp­nus (un ser­pent enroulé). Penses-tu que ta musique est plus “a spir­i­tu­al thing” qu’une “body thing” ?

Je con­sid­ère ma musique comme l’expression de ma per­son­nal­ité et de mes émo­tions à un moment par­ti­c­uli­er, quand je deviens créatif dans le sut­dio. Ensuite, l’auditeur est libre de danser dessus ou d’en faire une écoute intro­spec­tive et médi­ta­tive. Il y a sans aucun doute un lien entre la musique et l’effet “spir­ituel” ou cathar­tique qu’il provoque sur l’auditeur ou le danseur.

© S&E

Le mot “ciné­tique” est sou­vent util­isé pour décrire ta musique. Es-tu influ­encé par le cinéma ? 

Étant né d’une famille tra­vail­lant dans l’industrie ciné­matographique, je suis très influ­encé par cela, c’est cer­tain. Par­mi les films qui m’ont mar­qué, trois me revi­en­nent instinc­tive­ment en tête : La Pris­on­nière du désert de John Ford, Blade Run­ner de Rid­ley Scott et Macadam Cow­boy de John Schlesinger. Mon autre source d’inspiration prin­ci­pale est cer­taine­ment l’apnée. C’est quelque chose de très relax­ant et intro­spec­tif. On se sent con­nec­té à la nature. 

Tu viens de finir ton pre­mier album qui sort sur Hyp­nus. J’imag­ine que ça doit être un accom­plisse­ment pour toi ? 

C’est sans aucun doute une étape très impor­tante. Les morceaux on été pro­duits pen­dant une péri­ode très intense pour moi et je pense avoir com­mu­niqué une palette assez large d’é­mo­tions tout au long de l’al­bum, qui a une pro­gres­sion bien pré­cise : presque tous les morceaux ont été com­posés dans le même ordre que la track­list finale. Par ailleurs, je pense pou­voir com­mencer à jouer et voy­ager de manière plus régulière tout en con­tin­u­ant à faire de la musique. Pour faire cela j’ai besoin de pou­voir com­pos­er partout, ce qui m’a porté à me retourn­er à nou­veau sur un set­up dig­i­tal. Par exem­ple tout l’al­bum à été com­posé hors du stu­dio, avec un mac­book pro et des casques ! 

Pour finir, on retrou­ve dans ta musique des influ­ences dub tech­no, de la musique ambi­ent. Pourrais-tu nous sug­gér­er quelques morceaux que tu aimes dans ces styles ? 

En dub tech­no Basic Chan­nel (“Phy­lyps Trak II/II” et “Quad­rant Dub”) et I Cio D’Or (“Ur”). Et en ambi­ent Van­ge­lis (“Blade Run­ner Blues”), Aphex Twin (“Rhubarb”) et ASC (“Half The Words You Say”).

Joakim Michaux