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25 août 2016

Aaliyah, more than a woman

par rédaction Tsugi

Papier originellement publié dans le numéro 60 de Tsugi (mars 2013). Pour commander nos anciens numéros, c’est par ici

Il y a exactement quinze ans (le 25 août 2001), Aaliyah mourait dans un crash d’avion aux Bahamas alors qu’elle venait de tourner la vidéo de « Rock The Boat », le troisième single de son troisième album éponyme. Pour la France, qui n’avait réellement découvert la jeune femme qu’un an plus tôt avec le single « Try Again » (présent sur la bande originale du film dont elle était aussi l’héroïne, Roméo doit mourir), le choc était encaissable. Pour l’Amérique, qui chérissait son enfant prodige depuis douze ans déjà, le traumatisme fut profond: l’industrie musicale lui rend encore fréquemment hommage.

ENFANT STAR

Aaliyah Dana Haughton naît le 16 janvier 1979 à Brooklyn mais grandit en partie à Detroit, dans un cocon religieux noir américain classique, répétant ses gammes à la chorale de l’église. Son oncle Barry Hankerson, avocat puis label manager, épouse Gladys Knight. Leur divorce n’empêchera pas Aaliyah de rejoindre occasionnellement sur scène « l’impératrice de la soul » dès ses 11 ans, quand elle n’écume pas les castings télé et pub. Ce même oncle signe Aaliyah sur son propre label, Blackground Records, l’introduisant à R. Kelly qui deviendra son mentor et le songwriter et producteur de son premier album Age Aint’ Nothing But A Number alors qu’elle n’a que 14 ans. L’album se vend à 3 millions d’exemplaires aux États-Unis, le pays a sa nouvelle enfant star. Tout comme En Vogue ou Jodeci, le duo trace les plans du R&B pour les années 90. Les rumeurs d’un mariage entre les deux stars (le magazine Vibe publiera même le certificat de l’union, annulée par les parents de la chanteuse quelques mois plus tard), alors qu’Aaliyah n’a que 14 ans et R. Kelly 13 de plus, terniront la réputation du producteur et leur relation.

En 1996, Aaliyah arrive chez Atlantic Records et se trouve de nouveaux pygmalions avec Timbaland et Missy Elliott, qui prennent la direction de la totalité de son deuxième album. One In A Million est acclamé, se vend à 10 millions d’exemplaires, et finit d’établir Aaliyah comme la chef de file du renouveau R&B. Son « Are You That Somebody ? » servira de patron aux premiers succès des Destiny’s Child, de « No, No, No » à « Bills, Bills, Bills » : beats ludiques, au groove sautillant et vocaux séducteurs, presque lascifs, même si Aaliyah possède une retenue et une pudeur qui font défaut à toutes ses concurrentes. C’est aussi le début de l’âge d’or de Timbaland, qui règnera sans partage ou presque (les Neptunes auront leur mot à dire) sur la production R&B jusqu’en 2006, année de ses deux dernières pièces maîtresses : Loose de Nelly Furtado et FutureSex/LoveSounds de Justin Timberlake. Aaliyah devient actrice à la télé (dans la série NewYork Undercover) et réussit tout ce qu’elle entreprend. En 2000 vient Roméo doit mourir et le tube « Try Again », son plus gros succès international. Ce remake Benetton de Roméo et Juliette est proche du navet, Jet Li toujours aussi fade, mais la présence angélique d’Aaliyah fascine, on tombe un peu plus amoureux chaque jour. Mais elle se fiance au cofondateur de Roc-A-Fella Records, Damon Dash, et sort son troisième album, Aaliyah, dont Timbaland ne produit que trois (excellents) morceaux. Son décès intervient moins de deux mois après la sortie du disque. Son avion, alourdi par le matériel et trop de passagers, piloté par un homme sous cocaïne, alcool et sans licence, s’écrase peu après le décollage.

SUR TOUTES LES LÈVRES 

Il était attendu que sa mort gonfle les ventes de ses albums et les recettes de son dernier film, le bien mauvais La Reine des damnés (elle n’aura jamais fini ses scènes pour les deux derniers Matrix). Il était attendu aussi que se multiplient les sorties posthumes plus ou moins cyniques, comme I Care 4 U, compilation mélangeant succès et raretés. Il était attendu, encore, que le milieu hip-hop crie son désespoir des mois durant avec plus ou moins de décence (voir le clip post-mortem du single « Miss You » où un quarteron de stars hip-hop sont filmées la mine triste, mimant vaguement les paroles). Mais rien n’aurait pu laisser supposer que quinze ans après sa mort, Aaliyah serait toujours sur toutes les lèvres et citée en référence par des artistes de tout bord. Alors que le R&B n’a jamais été aussi expérimental et passionnant, ses nouvelles têtes chercheuses vouent un culte à sa princesse damnée, de Jessie Ware (qui la sample sur « What You Won’t Do For Love » et lui a rendu hommage avec Katy B sur le morceau « Aaliyah ») à The Weeknd (qui la sample pour « What You Need »), Frank Ocean ou Purity Ring en passant par AlunaGeorge, la relève la plus crédible du duo Aaliyah/Timbaland.

Le hip-hop n’est pas en reste: Aaliyah avait su trouver le compromis idéal, au top de la street credibility tout en gardant son image de petite fille modèle de l’Amérique cosmopolite (elle est de descendance amérindienne en plus de ses origines afro). Les étoiles montantes du rap l’idolâtrent, de Kendrick Lamar (qui la sample sur « Blow My High ») à A$AP Ferg (sur « Death B4 A Million ») en passant par Azealia Banks (sur « Need Sum Luv ») et sa meilleure ennemie Angel Haze, qui en plus de la sampler sur « Hot Like Fire », lui ressemble étrangement. Les XX la reprennent (« Hot Like Fire ») et tout le monde la remixe, de Jimmy Edgar à Shlohmo, Hudson Mohawke ou Dam-Funk.

Mais le plus grand fan d’Aaliyah en activité reste Drake, qui lui témoigne une réelle admiration (« Quand j’ai commencé à chanter je me suis servi d’Aaliyah comme exemple, elle pouvait communiquer toutes les émotions, aux hommes comme aux femmes », confiait-il au magazine Complex) ainsi qu’une affection un brin excessive. Un bijou la représentant à l’oreille gauche, deux tatouages hommages, une lettre pour le neuvième anniversaire de sa mort, la superstar canadienne s’est même mis en tête depuis un an de sortir un nouvel album posthume d’Aaliyah. Il a fait paraître un premier morceau collaboratif produit par son acolyte de toujours Noah « 40 » Shebib, nommé « Enough Said ». Missy Elliott et Timbaland avaient été évoqués au tracklisting, ils ont finalement déclaré ne pas vouloir faire partie du projet, alors que la famille de la chanteuse n’a pas donné son approbation. L’album, annoncé pour 2012, est maintenant aux abonnés absents… La mémoire d’Aaliyah, elle, est toujours plus vive.

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