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©Alexis Janicot
23 mai 2017

Ce week-end, on est tombé amoureux des 3 Éléphants

par Clémence Meunier

« Vous êtes bien arrivé en gare de Laval », dit le haut-parleur. Et le Parisien de base de sourire ironiquement, habillé de tout le mépris réflexe de ceux qui vivent « à la capitale » : Laval, ça fait pas rêver. On plaide coupable. Et, promis monsieur le juge, on regrette. Car au delà de découvrir une petite ville charmante, propre, avec ses rues pavées et ses maisons à colombages, c’est une certaine manière d’organiser un festival que l’on a retrouvé aux 3 Éléphants. Verre de vin à 1€30, pinte à 5€, aucune attente pour être servi. Des vigiles, barmen et secouristes adorables. Un public intergénérationnel, et une programmation qui essaye, le plus sincèrement possible, de faire plaisir à tout le monde. On est loin des ambitions toujours plus grandes de certains festivals, franciliens notamment, qui n’hésitent pas à oublier d’accueillir correctement ses spectateurs pour gagner plus de sous – et ainsi pouvoir se payer toujours plus de têtes d’affiche.

Non, du côté des « 3LF », on mise sur la qualité plutôt que sur la quantité. Mais ce n’est pas pour ça que le festival, avec ses trois scènes, a oublié de fignoler son affiche. Qui retenir ? Buvette d’abord, sorte de crooner-loser irrésistible, errant nonchalamment sur scène entre ses trois musiciens et incorporant toujours plus de styles différents dans ses morceaux : ce n’est pas parce qu’un titre commence rock qu’il ne se retrouvera pas habillé de sonorités dub au bout de quelques minutes. Oiseaux-Tempête en collaboration avec Mondkopf aussi, offrant sur la microscopique troisième scène un beau moment stoner et psychédélique. Ou encore Acid Arab qui, armé de son nouveau live, est tout simplement bluffant, oscillant entre musiques orientales et moments carrément acid – tout est dans leur nom, certes, mais le groupe arrive enfin avec son premier album et son live à dépasser la blague pour en faire un vrai concert… Chapeau ! Autre moment pour danser ? Møme, son gros show à l’américaine et un public en folie, ou encore Pouvoir Magique et un DJ-set ultra-dansant pour clore le samedi soir.

Les 3 Eléphants, c’est également une belle place accordée à la chanson en français, avec Fishbach notamment. Habitée, sexy, bête de scène… Ce ne sont pas les clichés qui manquent pour décrire le show, et pourtant, c’est tout à fait ça : un univers rappelant parfois Tarantino, avec une femme forte, sensuelle, parfois un peu masculine, qui fume une clope allongée sur scène et n’hésite pas à taper la pose à chaque fin de morceaux, pour autant de tableaux en clair-obscur. Mais, aussi, un côté Rita Mitsouko assumé, avec choré, grimaces, sons eighties et tout le toutim. La veille, c’est l’immense Christophe qui aura occupé la scène de l’Arène. L’événement du week-end. Il régalera avec des titres extraits de son nouvel album Les Vestiges du Chaos mais également avec des reprises modernisées de « Señorita », « Aline » et « Les Mots bleus ».

Un superbe portrait de Christophe par Lame de Son.

Mais attention, danger : on a beau écouter des concerts toute la soirée et danser toute la nuit, c’est qu’il faut pouvoir se réveiller… Car les 3 Eléphants se vivent aussi de jour ! Une compagnie de danse contemporaine néerlandaise (Woest) a ainsi pris d’assaut le joli jardin de la Perrine, pour un spectacle poétique et loufoque, à quelques mètres du Freakyclub, le plus petit club qu’on n’ait jamais vu, installé dans une espèce d’abri de jardin. Et puis, Les Trois Points de Suspension. La compagnie aura marqué tout le monde ce week-end avec son spectacle de théâtre, musique et d’acrobaties pas vraiment gamins-friendly (on pense avec émotion à cette pauvre gosse traumatisée à vie samedi après-midi), parfois queer, parfois dada, toujours drôle et absurde. En même temps, ça fait 10 ans que cette pièce, Voyage en bordure du bout du monde, tourne un peu partout en France – c’est qu’il y a une raison !

Comment finir un week-end pareil ? Faire la fête ? C’est fait. Chanter « Joyeux anniversaire Les 3 Éléphants ! » avec Meute comme fanfare ? C’est fait. Ecouter un concert de Cléa Vincent en se laissant tranquillement bercer sur une péniche ? Ah, pas con. Et c’était exactement la dernière étape du festival, où les gueules de bois carabinées côtoient des enfants fascinés, où les petites mamies prenant le soleil sur les rives de la Mayenne font coucou au bateau et où le capitaine de la péniche s’offre une standing ovation… A savoir le meilleur moyen existant pour finir un week-end en beauté et douceur… « J’m’y attendais pas, à t’aimer comme ça… », chante Cléa Vincent. Nous non plus les 3LF, nous non plus.

Meilleur moment : La belle surprise Fishbach, magnétique en live – mieux vaut tard que jamais pour s’en rendre compte !

Pire moment : Avoir la tête dans les nuages en rentrant à Paris, c’est bien. En oublier son sac à main dans le métro avec toute sa vie dedans, c’est vachement moins bien.

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