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15 septembre 2016

Comment l’Elysée Montmartre renaît de ses cendres

par rédaction Tsugi

Il aura fallu près de deux ans de travaux pour que l’Élysée Montmartre retrouve de sa superbe grâce à une équipe déterminée à faire revivre l’âme de cette mythique salle de concert parisienne. Explications. 

Depuis le 22 mars 2011, l’Élysée Montmartre délabré faisait bien pâle figure sur le boulevard de Rochechouart à Paris, coincé entre la devanture rouge pétant d’une friperie et un vendeur de paninis montmartrois. Ce jour-là, un incendie causé par un terminal de carte bancaire défectueux avait ravagé le lieu du sol au plafond, emportant avec lui les souvenirs musicaux de milliers d’artistes et de spectateurs. Depuis, on s’était presque habitué à voir ces filets de protection qui empêchaient les quelques dernières pierres de l’édifice de dégringoler, n’attendant hélas plus grand-chose du lieu. Ouverte en 1807, celle qui dans un premier temps est une salle de bal accueille le gratin de la société parisienne. On y invente le french cancan, on y refait le monde lors d’assemblées révolutionnaires au moment de la Commune de Paris et, dès 1949, on s’y affronte à la boxe ou au catch et on se rince l’oeil devant des effeuilleuses. Vingt ans plus tard, les derniers utopistes sont enterrés, les gants sont raccrochés et l’Élysée est transformé en salle de concert où se côtoient grands noms de la scène française (Noir Désir lors de sa première tournée, Bashung, Souchon) et internationale (les Ramones, Dinosaur Jr. et Bowie y ont tous livré des concerts mémorables). Le culte est tel qu’en 2013, l’artiste André monte une mascarade de toutes pièces à grand renfort d’affiches collées sur les murs de la Capitale, fantasmant une ultime soirée french touch à l’Élysée Montmartre avec Daft Punk, Air, Justice, Cassius et consorts.

Illustration : Ecartfixe

Pour Abel Nahmias et Julien Labrousse, les nouveaux propriétaires, la question s’est vite posée de savoir comment rester fidèle à l’esprit d’un tel lieu, plus de deux cent ans après son ouverture. « L’Élysée Montmartre a formé culturellement une génération qui découvrait pour la première fois le rap, l’électro… », confie Abel. « Cette salle a une place un peu particulière dans le coeur des gens et c’est pour cela qu’on a essayé d’être fidèle à son héritage très riche aussi bien historiquement que culturellement. » Les deux associés ne sont pas des novices sur le marché du spectacle parisien. C’est également à eux que l’on doit la remise sur pied d’une autre adresse de la nuit parisienne, à quelques mètres seulement de l’Élysée Montmartre : le Trianon. « On a acheté l’Élysée Montmartre au même marchand de biens que le Trianon, il possédait le pâté de maisons. À cause de l’incendie, la boîte de production Garance qui détenait jusqu’alors le bail l’a perdu, et comme le vendeur nous connaissait et nous faisait confiance, nous avons récupéré la salle. Bizarrement, repartir de zéro n’est pas forcément plus difficile qu’une rénovation, où tu dois composer avec ce que tu as déjà. Cela a été très vite, seulement un an et demi de travaux, on avait une super équipe », explique fièrement l’heureux copropriétaire.


Illustration : Ecartfixe

RESTAURER, HARMONISER, PROGRAMMER 

À l’intérieur, tout est d’un blanc cassé très chic. Le grand escalier un peu « casse-gueule » fait désormais place à de belles marches aux tons clairs, éblouissant sous la lumière de la verrière. Dans la salle – qui pourra accueillir jusqu’à 1 380 personnes – la disposition n’a pas changé : la scène – amovible sur vérins, sous laquelle se cacheront des fauteuils pour les concerts en configuration assise – se trouve toujours sur la gauche en entrant. Mais un nouvel espace ‘chill’ donnant sur le boulevard de Rochechouart a été ouvert grâce au rachat de la partie supérieure du magasin attenant (voir illustration ci-dessus). Aidé par des croquis originaux, le scénographe Antoine Fontaine – à qui l’on doit également des merveilles au Théâtre de Versailles et à la Scala de Milan – a su redonner au lieu son charme d’antan, et même plus encore : « Au fil du temps et des incendies – il y en avait déjà eu un en 1900 – les genres se sont mélangés jusqu’à donner un éclectisme peu harmonieux. Il a donc fallu harmoniser la salle en faisant des recherches sur les travaux de l’architecte originel, Édouard Niermans. Son style correspond à une période entre le Second Empire et l’Art nouveau, autour de 1900. L’incendie a fait vriller la structure métallique, lui faisant perdre son élasticité, il a fallu tout changer. Cette charpente apparente n’est donc pas celle d’origine – qui sortait des ateliers de Gustave Eiffel -, mais une reproduction fidèle. Quant à la façade qui est classée aux monuments historiques, elle n’a pas trop souffert de l’incendie, on l’a seulement rénovée. » Au total, les travaux de réaménagement auront coûté autour de huit millions d’euros : « On s’en était plutôt bien sorti avec l’ouverture du Trianon, donc on avait la confiance de nos partenaires et des banques qui nous ont suivis sur l’acquisition de l’Élysée Montmartre », avoue Abel.


L’Elysée Montmartre et le Trianon. Illustration : Ecartfixe

Quant à la programmation, plutôt moderne, elle a de quoi plaire. C’est à -M- que reviendra l’honneur d’ouvrir les festivités le 15 septembre prochain. Est également attendue tout au long des mois de septembre et d’octobre une flopée de jeunes (Petit Biscuit, Odezenne, A-Wa, Jeanne Added, Superpoze…) et de moins jeunes artistes (Dinosaur Jr., Killing Joke). « On va essayer d’avoir une qualité générale dans l’éclectisme. En gros, le Trianon est plutôt orienté rock/pop/folk et l’Élysée un peu plus indé, électro-rock-rap-métal. » Malheureusement, ne vous attendez pas à y revoir les Daft Punk ou Laurent Garnier comme à la belle époque, il n’y aura pas de clubbing : « Nous ne voulons pas faire de nuit. En revanche, on fera de l’évènementiel. On pourrait très bien imaginer des festivals partagés entre le Trianon et l’Élysée, même si pour l’instant ce n’est pas à l’ordre du jour pour des questions d’isolation phonique. » Et Abel Nahmias de conclure : « L’histoire, maintenant, il faut l’écrire. »

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