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©Martin Lazlo
17 septembre 2020

Comment organise-t-on une teuf de grande ampleur en zone rouge Covid-19 ?

par Tsugi

Samedi 5 septembre se tenait à Bobigny la teuf en extérieur de La Toilette qui intéressait sur l’événement Facebook plus de 4 700 personnes, alors que Paris venait de repasser en zone rouge Covid-19. Les règles sanitaires imposées par le gouvernement ont été respectées et l’événement a été un succès. L’organisation nous a raconté comment cela a été possible.

Par Manon Pelinq. Images par Martin Lazlo.

Il est 16h à Bobigny. Une bande de teufeurs affublés de masques chirurgicaux commence à s’impatienter dans la queue qui s’allonge à vue d’œil devant ce temple hindou renommé pour l’occasion « Block Parking », le nouveau spot des soirées « Holy Toilette » de l’équipe de La Toilette, coincé entre le concessionnaire auto et la piscine municipale de cette petite ville du 93. Ça aurait déjà dû démarrer, mais les organisateurs font face à un imprévu. Ils postent un mot sur l’événement Facebook : « Il y a eu un débordement d’amour dans un mariage ayant eu lieu dans le Temple Indien, au milieu du Block Parking… À tel point qu’ils ont terminé plus tard que prévu… Nous n’avons pas voulu les interrompre. » Mignon.

En plein rebond de la Covid-19, le collectif parisien s’est débrouillé pour offrir à leur public les orgies sensorielles dont il a le secret. Il est 17h, les portes s’ouvrent sur le set EBM de Sarin, un DJ basé à Berlin qui a ses petites habitudes à La Toilette. La musique est brutale et contraste (ou pas) avec l’ambiance. On devine les sourires sous les masques, la frustration d’un été où le clubbing est resté confiné se dissipe dans l’atmosphère, comme un immense soulagement. 2 000 m2 extérieurs de terrain de jeux, deux scènes et deux bars. On s’y sent bien. « On travaille avec une équipe de production géniale qui a bossé pendant tout le confinement pour trouver ce lieu. C’est un temple hindou, et au rez-de-chaussée il y a la salle des fêtes qui accueille les mariages traditionnels », explique Victor Carril, le chef de la « tribu » de La Toilette.

 

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Confiance, bienveillance et souci de l’autre

Parallèlement, on recense près de 9 000 nouveaux cas quotidiens de contamination au coronavirus à travers la France. Alors il a fallu se creuser les méninges pour pouvoir « célébrer » dans les conditions sanitaires imposées par la loi. « La première contrainte de la préfecture de Bobigny, c’est les horaires, 16h – 2h, continue Victor. Ils nous ont expliqué qu’il était bien plus facile de respecter les gestes barrières de jour. On a du leur faire un plan détaillé avec nos accès de circulation à double sens. Les 2 000 m2 extérieurs nous permettent de fonctionner sur les mêmes règles que les restaurants par exemple. On est partis du principe que sur les dancefloors, dix personnes peuvent être regroupées sans masque dans 10 m2 tant qu’ils ne se baladent pas. En revanche, dès qu’on circule, le port du masque est obligatoire ». Et les membres de la sécurité veille au grain. Dans le même temps, chaque bar est équipé de gel hydroalcoolique et le staff porte un masque en permanence. Ici, tout le monde respecte les règles de manière consciencieuse. « On offre a notre public une bulle de liberté dont on a tous besoin. Ça a un gros sens pour tout le monde. Et La Toilette, c’est aussi ça : confiance, bienveillance et souci de l’autre. »

« On offre a notre public une bulle de liberté dont on a tous besoin. »

Victor se réjouit du succès de la fête mais garde les pieds sur Terre : « On a quand même conscience que le risque zéro n’existe pas, et notre organisation évolue au même rythme que la progression du virus. Si les services de réanimation avaient été saturés, on ne l’aurait pas fait. Nous comptons aussi sur la responsabilité de chacun : s’ils sont en contact régulier avec des personnes à risque, il est préférable de passer son tour pour cette fois. Je n’ai pas peur pour les gens de la teuf car c’est une population assez jeune, mais chacun doit protéger les autres. » C’est un compromis entre liberté et responsabilité.

Verre d’eau à moitié plein

De tout l’été, rares ont été les teufs de cette envergure pour les Franciliens. Normal, le pari est risqué, mais manifestement réussi pour La Toilette qui voit le verre d’eau à moitié plein : « On a toujours eu une empreinte techno, punk, industrielle. Un esprit de révolte avec quelque chose de très sensuel voire sexuel. Mais avec la Covid-19, la société s’est beaucoup questionnée sur le sens des choses et les gens sont plus connectés les uns aux autres, à la nature. On trouve important d’aller nous aussi dans cette direction, et ça se ressent dans nos line-ups. Aujourd’hui, par exemple avec Content [un duo d’artistes, ndr], on fait des closing sur de la trance lumineuse, on se permet des musiques plus organiques, plus connectées. Ça fait sens. »

« Avec la Covid-19, la société s’est beaucoup questionnée sur le sens des choses et les gens sont plus connectés les uns aux autres, à la nature. »

Mais quid de l’hiver qui arrive et des lieux extérieurs ? Pour les Holy Toilette hivernales, le collectif a déjà pensé à l’organisation de leur Block Parking : « On marche toujours sur un fil et tout peut évoluer et changer à tout moment. Nous, on espère que ça va marcher et pour l’instant la préfecture est d’accord et apprécie le travail que nous faisons. Avec l’arrivée du froid, on aimerait continuer sur ce format journée sous de grandes tentes avec chauffages, comme l’avait fait Dehors Brut par exemple. »

Pour l’heure, la météo est au beau fixe et samedi prochain ce sera la figure de proue queer Mykki Blanco qui jouera sous le soleil de Bobigny, pour la quatrième édition des Holy Toilette.

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