©Martin Lazlo

Comment organise-t-on une teuf de grande ampleur en zone rouge Covid-19 ?

par Tsugi

Same­di 5 sep­tem­bre se tenait à Bobigny la teuf en extérieur de La Toi­lette qui intéres­sait sur l’événe­ment Face­book plus de 4 700 per­son­nes, alors que Paris venait de repass­er en zone rouge Covid-19. Les règles san­i­taires imposées par le gou­verne­ment ont été respec­tées et l’événe­ment a été un suc­cès. L’or­gan­i­sa­tion nous a racon­té com­ment cela a été possible.

Par Manon Pelinq. Images par Mar­tin Lazlo.

Il est 16h à Bobigny. Une bande de teufeurs affublés de masques chirur­gi­caux com­mence à s’impatienter dans la queue qui s’allonge à vue d’œil devant ce tem­ple hin­dou renom­mé pour l’oc­ca­sion “Block Park­ing”, le nou­veau spot des soirées “Holy Toi­lette” de l’équipe de La Toi­lette, coincé entre le con­ces­sion­naire auto et la piscine munic­i­pale de cette petite ville du 93. Ça aurait déjà dû démar­rer, mais les organ­isa­teurs font face à un imprévu. Ils pos­tent un mot sur l’événement Face­book : « Il y a eu un débor­de­ment d’amour dans un mariage ayant eu lieu dans le Tem­ple Indi­en, au milieu du Block Park­ing… À tel point qu’ils ont ter­miné plus tard que prévu… Nous n’avons pas voulu les inter­rompre. » Mignon.

En plein rebond de la Covid-19, le col­lec­tif parisien s’est débrouil­lé pour offrir à leur pub­lic les orgies sen­sorielles dont il a le secret. Il est 17h, les portes s’ouvrent sur le set EBM de Sarin, un DJ basé à Berlin qui a ses petites habi­tudes à La Toi­lette. La musique est bru­tale et con­traste (ou pas) avec l’ambiance. On devine les sourires sous les masques, la frus­tra­tion d’un été où le club­bing est resté con­finé se dis­sipe dans l’atmosphère, comme un immense soulage­ment. 2 000 m² extérieurs de ter­rain de jeux, deux scènes et deux bars. On s’y sent bien. « On tra­vaille avec une équipe de pro­duc­tion géniale qui a bossé pen­dant tout le con­fine­ment pour trou­ver ce lieu. C’est un tem­ple hin­dou, et au rez-de-chaussée il y a la salle des fêtes qui accueille les mariages tra­di­tion­nels », explique Vic­tor Car­ril, le chef de la « tribu » de La Toilette.

 

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Confiance, bienveillance et souci de l’autre

Par­al­lèle­ment, on recense près de 9 000 nou­veaux cas quo­ti­di­ens de con­t­a­m­i­na­tion au coro­n­avirus à tra­vers la France. Alors il a fal­lu se creuser les méninges pour pou­voir « célébr­er » dans les con­di­tions san­i­taires imposées par la loi. « La pre­mière con­trainte de la pré­fec­ture de Bobigny, c’est les horaires, 16h — 2h, con­tin­ue Vic­tor. Ils nous ont expliqué qu’il était bien plus facile de respecter les gestes bar­rières de jour. On a du leur faire un plan détail­lé avec nos accès de cir­cu­la­tion à dou­ble sens. Les 2 000 m² extérieurs nous per­me­t­tent de fonc­tion­ner sur les mêmes règles que les restau­rants par exem­ple. On est par­tis du principe que sur les dance­floors, dix per­son­nes peu­vent être regroupées sans masque dans 10 m² tant qu’ils ne se baladent pas. En revanche, dès qu’on cir­cule, le port du masque est oblig­a­toire ». Et les mem­bres de la sécu­rité veille au grain. Dans le même temps, chaque bar est équipé de gel hydroal­coolique et le staff porte un masque en per­ma­nence. Ici, tout le monde respecte les règles de manière con­scien­cieuse. « On offre a notre pub­lic une bulle de lib­erté dont on a tous besoin. Ça a un gros sens pour tout le monde. Et La Toi­lette, c’est aus­si ça : con­fi­ance, bien­veil­lance et souci de l’autre. »

On offre a notre pub­lic une bulle de lib­erté dont on a tous besoin.”

Vic­tor se réjouit du suc­cès de la fête mais garde les pieds sur Terre : « On a quand même con­science que le risque zéro n’existe pas, et notre organ­i­sa­tion évolue au même rythme que la pro­gres­sion du virus. Si les ser­vices de réan­i­ma­tion avaient été sat­urés, on ne l’aurait pas fait. Nous comp­tons aus­si sur la respon­s­abil­ité de cha­cun : s’ils sont en con­tact réguli­er avec des per­son­nes à risque, il est préférable de pass­er son tour pour cette fois. Je n’ai pas peur pour les gens de la teuf car c’est une pop­u­la­tion assez jeune, mais cha­cun doit pro­téger les autres. » C’est un com­pro­mis entre lib­erté et responsabilité.

Verre d’eau à moitié plein

De tout l’été, rares ont été les teufs de cette enver­gure pour les Fran­ciliens. Nor­mal, le pari est risqué, mais man­i­feste­ment réus­si pour La Toi­lette qui voit le verre d’eau à moitié plein : “On a tou­jours eu une empreinte tech­no, punk, indus­trielle. Un esprit de révolte avec quelque chose de très sen­suel voire sex­uel. Mais avec la Covid-19, la société s’est beau­coup ques­tion­née sur le sens des choses et les gens sont plus con­nec­tés les uns aux autres, à la nature. On trou­ve impor­tant d’aller nous aus­si dans cette direc­tion, et ça se ressent dans nos line-ups. Aujourd’hui, par exem­ple avec Con­tent [un duo d’artistes, ndr], on fait des clos­ing sur de la trance lumineuse, on se per­met des musiques plus organiques, plus con­nec­tées. Ça fait sens. »

Avec la Covid-19, la société s’est beau­coup ques­tion­née sur le sens des choses et les gens sont plus con­nec­tés les uns aux autres, à la nature.”

Mais quid de l’hiv­er qui arrive et des lieux extérieurs ? Pour les Holy Toi­lette hiver­nales, le col­lec­tif a déjà pen­sé à l’organisation de leur Block Park­ing : « On marche tou­jours sur un fil et tout peut évoluer et chang­er à tout moment. Nous, on espère que ça va marcher et pour l’in­stant la pré­fec­ture est d’accord et appré­cie le tra­vail que nous faisons. Avec l’arrivée du froid, on aimerait con­tin­uer sur ce for­mat journée sous de grandes tentes avec chauffages, comme l’avait fait Dehors Brut par exemple. »

Pour l’heure, la météo est au beau fixe et same­di prochain ce sera la fig­ure de proue queer Myk­ki Blan­co qui jouera sous le soleil de Bobigny, pour la qua­trième édi­tion des Holy Toi­lette.

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