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Crédit : Hugo Pillard
11 décembre 2017

Dégustation à l’aveugle : Tim Dup passe l’épreuve du blindtest

par Patrice BARDOT

Tim Dup sera les 14 et 15 décembre en concert à Paris (Les Étoiles). Repéré dans Tsugi l’an dernier à la faveur d’un foudroyant maxi Vers les ourses polaires, le jeune Tim Dup (22 ans) confirme avec son premier album une personnalité passionnante qui touche à la fois à la chanson française, à l’électronique et au hip-hop. À l’image de ce blindtest, publié dans le Tsugi 107 :

Jacques Brel – « Jef »

Extrait de l’album Jef.

« C’est Jacques Brel, mais je ne me souviens pas de la chanson. Je crois avoir dit un jour en interview que Brel, c’était le slam d’aujourd’hui. Ses textes sont très fleuves, il y a déjà cette idée de ne pas avoir de structures organisées. En tout cas quand on écoute, c’est la sensation que l’on a, d’être promené du couplet au refrain, comme emporté par une vague. C’est commun au hip-hop. C’est pour ça que beaucoup de rappeurs disent être influencés par lui. Et c’est un mec qui a su raconter son époque. Mais je ne l’ai pas tant écouté que ça. Dans la chanson française, c’est marrant de voir les différentes générations : d’abord Brel, Brassens, puis Souchon, Voulzy et enfin Delerm, Beaupain, Thomas Fersen. C’est celle-là que j’ai le plus écoutée avec mon père. Je me considère faire partie de la chanson dans le sens où je raconte des histoires avec un regard qui n’est pas un jugement, mais qui observe. »

Bob Marley – « Buffalo Soldier »

Extrait de l’album Legend.

« Pendant un an, j’ai fait partie d’un groupe de reggae, c’était génial, j’ai adoré cette période. J’avais 16 ans, j’étais au lycée et une fois par semaine j’allais répéter à Rambouillet dans une cave-studio. Les mecs avec qui je jouais avaient tous 30 piges, ils buvaient des bières, ils fumaient des pétards. Moi j’étais tout sage, mes parents me conduisaient aux répets’. (rires) Je jouais des claviers, mais bon, au bout d’un an, dans un groupe de reggae, on se fait chier. De temps en temps sur un morceau, tu as des solos, tu sors ton mélodica et puis hop c’est fini, sinon c’est beaucoup de ponts. Mais j’ai adoré, car c’est vraiment la musique du partage. Ça fait bouger tout le monde. J’ai commencé le piano parce qu’il y en avait un à la maison. Mes parents voulaient que l’on découvre tous un instrument. J’étais hyper flemmard, mais j’ai aimé le contact avec l’instrument. Je n’étais pas très fort, mais j’ai eu très vite envie de l’accaparer. Je n’ai pas un niveau de concertiste, j’ai beaucoup de mal avec le déchiffrage. Mais ce n’est pas forcément nécessaire dans la chanson, où il n’est question que d’accompagnement. J’aime énormément la musique électronique du coup, j’essaie quand même que ma musique soit à degré égal avec le texte qu’elle doit servir. »

Oxmo Puccino – « J’ai mal au mic »

Extrait de l’album L’Amour est mort.

« Ah l’Oxmo ! Magnifique. Le hip-hop c’est l’influence qui est arrivée le plus tard chez moi. J’ai commencé par Oxmo, ensuite j’ai écouté Gaël Faye, Orelsan, MC Solaar. Au départ, j’ai écouté énormément de rock, et on avait même un groupe à la fac où on faisait des reprises de rockabilly. En fait, je suis passé par tous les styles. Aujourd’hui je pense avoir trouvé le mien, mais il m’a fallu du temps. Le hip-hop est venu également en fac. Aujourd’hui, j’aime surtout Kanye West, Childish Gambino, Frank Ocean que j’écoute en boucle. Tous ces artistes sont en train de m’influencer dans l’écriture de mon second album. Le hip-hop, c’est la musique populaire comme l’était le rock dans les années 70. Je trouve que les 20/30 ans aiment beaucoup de musiques et sans rejet. Mon frère aîné, qui a 35 ans, était, lui, vraiment en rupture avec la musique qu’écoutaient mes parents, alors que nous, on écoute tout. »

Daft Punk – « Revolution 909 »

Extrait de l’album Homework.

« Ça doit être Daft Punk. Mais ce n’est qu’à partir de Discovery que je les ai vraiment écoutés. Ils m’ont amené à la musique électronique. Il y a constamment un truc qui monte, c’est la musique de la tension. J’aime bien aller en soirée, je ne suis pas fan des boîtes de nuit, surtout le lieu, ce que ça représente, je trouve que c’est hyper triste. Les gens se dégomment la gueule et il y a un truc un peu névrosé dans la boîte de nuit. J’ai de la chance de faire quelque chose qui me plaît. Parce que j’ai plein de copains qui bossent la semaine et qui ne kiffent pas trop ce qu’ils font, du coup ils attendent le week-end avec impatience et ils vont en boîte, ils prennent des drogues. Moi je ne suis pas trop dans ce truc-là. Mais par contre, j’aime vachement danser. On est une génération où on se la colle jeune et bizarrement j’en reviens un peu alors que je ne suis pas si vieux. Maintenant je trouve ça très drôle de faire des soirées quasiment à jeun alors que les autres sont dans la cinquième dimension. On profite vachement plus. »

Mac DeMarco – « This Old Dog »

Extrait de l’album This Old Dog.

« C’est ma plus grosse claque de ces dernières années. J’aime beaucoup sa sincérité, même si tu as l’impression que c’est un jeu, qu’il ne se prend pas trop au sérieux. Il compose des chansons vraiment magnifiques. J’ai revu sur Culturebox son live à Rock en Seine, c’est génial, le mec est tellement spontané. C’est mon côté pop, c’est ce que j’ai le plus écouté enfant, les Beatles, Cat Stevens… Les artistes qui m’ont donné envie de composer des chansons ce sont des artistes très pop comme Jason Mraz, Yael Naïm et Jack Johnson. J’écoutais ça en troisième. Ils font des grandes chansons avec très peu de choses. Les Beatles c’était vraiment mon premier choc musical. Je ne me suis jamais lassé de les écouter, c’est le seul groupe comme ça. Abbey Road est un album qui est fou. Dans leurs chansons, tout est à sa place et de manière optimale. Alors qu’il y a des artistes où tu te dis : « Ah, moi, je n’aurais pas fait ça comme ça ! » »

Fauve – « Les hautes lumières »

Extrait de l’album Vieux Frères – Partie 2.

« C’est ma préférée de Fauve. C’est une ressemblance que l’on me fait souvent remarquer : « Ha, ça fait penser à du Fauve. » Je ne renie pas du tout, mais je n’ai jamais écouté Fauve, sauf quand on m’en a parlé et où je me suis dit : « Je vais peut-être écouter quand même !” (rires) Mais avec Quentin, le chanteur, avec qui je suis bien copain maintenant, on a des influences communes. Il y a un côté très urgent et brut chez eux. Il y a ce côté aussi un peu je-m’en-foutiste : je vais au bout de ce que je fais, que cela marche ou pas. Ils n’ont jamais eu de compromis artistique et moi non plus, même si je bataille parce que ce n’est pas toujours facile. Les gens investissent sur moi, donc il faut essayer de contenter un peu tout le monde, je m’adapte. Mais les convictions artistiques, ce n’est pas un truc négociable. »

Alexandre Tharaud – « Septembre (avec Camélia Jordana) »

Extrait de l’album Barbara.

« “Septembre » ? C’est l’original ? Non, c’est sur l’album d’Alexandre, c’est une de mes préférés dessus. Barbara, c’est un mythe donc il y a tout un pan de la population, dont les grands instigateurs de la chronique chanson en France, qui disent : “Non, on ne reprend pas Barbara.” Eh bien je trouve cet album très élégant, parce qu’il est respectueux, mais tous les interprètes du disque ont essayé de se réapproprier les chansons, quitte à les amener dans leurs univers. On me sollicite de plus en plus pour des projets. On s’entend très bien avec Gaël Faye, donc on fera des morceaux ensemble. Je fais un featuring en français sur l’album de Synapson, et j’ai écrit deux chansons sur le prochain album de Louane. Tu vois je ne suis pas quelqu’un de snob dans mon approche de la musique. C’est d’abord basé sur des rencontres. C’est ce qui me plaît dans ce milieu que je commence à découvrir. Il y a moins de concours d’ego qu’à une époque, peut-être parce que c’est plus difficile qu’avant. »

Pavane – « Pélléas »

Extrait de l’album pppp.

« Ça, c’est Damien Tronchot, avec un petit sample de Debussy. C’est une rencontre importante. Moi je compose, j’arrange, je fais mes maquettes, mais je ne suis pas du tout un geek des logiciels, je suis limité et je ne pourrais pas me produire tout seul. Il m’apporte sa créativité, ses textures, qu’on confronte aux miennes et on arrive avec ces chansons. Je cherchais un binôme pour le son comme pour l’image, pour qui j’ai trouvé Hugo Pillard. On a beaucoup d’influences communes à la fois la chanson, la musique électronique et nous sommes tous les deux pianistes. On arrange les morceaux tous les deux. On a pris le parti avec Damien de n’avoir que de l’électronique sur le disque, à part mon piano et ma voix. »

Tim Dup – « Un peu de mélancolie heureuse »

Extrait de l’album Mélancolie heureuse.

« Ah, qui est-ce ? (rires) J’ai eu de la chance, l’EP a bien fonctionné, cela m’a permis de faire plein de concerts. Mais il ne faut pas en faire des caisses, cela ne reste pas grand-chose, même si l’industrie musicale s’est tout de suite affolée. Si tu prends l’ensemble de la France, personne ne me connaît, et c’est un peu difficile pour le moment de remplir mes dates en province. Faut prendre le temps, c’est la clé. J’ai appelé mon album Mélancolie heureuse parce que ça décrit un peu l’ambiance générale. Je n’avais pas d’ambition spéciale, j’essaie de profiter petit à petit. Par contre, j’espère qu’il y aura du monde aux concerts. Mes managers sont directeurs de la salle EMB à Sannois et du coup ils m’ont transmis l’ADN de la scène. Pour eux, il faut que cela fasse dresser les poils. La base du projet, c’est quelque chose de sincère, j’ai l’impression que l’album l’est et qu’il me ressemble, je vais être à l’aise pour aller le défendre et en parler.« 

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