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Crédit : Angela Lewis
3 mai 2017

Ecoute et interview : découvrez la folk ambient et bizarroïde d’ANAMAI

par Clémence Meunier

Un producteur, une chanteuse. La recette est bien connue, et le Canadien Egyptrixx y a déjà goûté. Mais quand David Psutka de son vrai nom s’associe avec Anna Mayberry, chanteuse et danseuse de son état, ça y est, on touche du doigt le résultat ultime : une musique où la voix n’est pas simplement posée sur les productions, mais où elle se mêle subtilement aux beats. Objet musical non identifié, leur collaboration, nommée ANAMAI, a sorti il y a quelques jours son deuxième album, What Mountain, sorte de voyage folk sans fleurs dans les cheveux  ni guitare sèche, mais où la voix est trempée dans une ambient froide, spatiale et subtile. Bref, une immense réussite impossible à mettre dans une case bien définie. Du coup, on en a discuté avec Anna Mayberry, qui partage sa vie au Canada entre un groupe punk, une carrière de danseuse contemporaine, et un job alimentaire pour lequel elle conduit des bateaux dans la baie de Toronto.

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Comment est-ce que le projet est né ?

Nous nous sommes rencontrés via un ami commun qui m’a proposé devenir à une soirée où jouait David en tant qu’Egyptrixx. Finalement, j’ai loupé son concert, mais on a tout de même discuté, notamment avec notre copine Emily, qui aujourd’hui chante parfois dans Anamai. A l’époque, j’étais en école de danse, j’écrivais des chansons dans mon coin et je jouais déjà dans HSY, un groupe de punk-noise. On a parlé musique et il m’a demandé de lui envoyer mes morceaux. On les a enregistrés chez lui quand je suis revenue à Toronto, et ça a donné un court EP. On n’a pas les mêmes goûts musicaux mais ils sont complémentaires, et on est assez d’accord sur les questions de production, avec chacun l’envie d’expérimenter. Des concerts ont suivi, un premier album, et nous voilà déjà avec le second ! Aujourd’hui, Anamai est vraiment un duo, on partage toutes les tâches, ce n’est pas seulement moi qui écrit et lui qui produit. On travaille beaucoup ensemble, sur des projets de danse notamment – je l’ai d’ailleurs accompagné sur une tournée d’Egyptrixx en tant que danseuse.

Votre premier album, Sallows, a été très bien accueilli par la presse musicale à sa sortie il y a deux ans. As-tu ressenti l’angoisse du deuxième album, une pression particulière ?

Non, pas vraiment. Sur le premier album, certaines chansons étaient écrites depuis huit ans – c’est assez évident de tout mettre sur un premier album, pour présenter le projet dans son ensemble. Sur le second, certaines étaient écrites entre deux concerts, d’autres sont arrivées naturellement en studio, tout était plus naturel… Et donc moins effrayant !

Tu as déclaré que ta chanson préférée sur Sallows était « Otolith ». Ce serait laquelle sur What Mountain ?

Je ne sais pas encore ! Je ne me suis pas encore lassée de ces morceaux (il faut bien penser que c’est très long de faire un album, et au moment de sa sortie cela fait déjà un ou deux ans que l’on entend ces titres), ce qui est plutôt une bonne chose… Mais généralement, je déteste tout ce que je fais une fois que c’est fini (rires). Ça doit être un mécanisme pour m’aider à aller de l’avant j’imagine. Et puis de toute façon, c’est fait, c’est fait : avec David, nous faisons exprès de laisser les choses telles qu’elles sont, on ne corrige pas certaines erreurs volontairement, pour que tout notre processus créatif reste le plus instinctif et naturel possible. Mais sinon, je me rends bien compte que le dernier morceau de l’album est le plus bizarre, le plus difficile à décrire – donc je peux dire c’est celui qui me plaît le plus. Et cette chanson, « Sun Saw », raconte une histoire très personnelle, avec une atmosphère pleine d’espoir, un sentiment que je n’avais pas encore exploré avec Anamai.

Qu’est-ce qu’elle raconte ?

La majorité de l’album est autobiographique, j’y évoque des moments spécifiques. La plupart des paroles sont assez directes et claires. Par exemple, au tout début de « Sun Saw », je parle d’un moment que j’ai vécu au travail – je conduis un bateau dans la baie de Toronto. Un matin, j’ai vu le brouillard doucement avancer sur la ville, il avait l’air de dégouliner des plus hauts gratte-ciel, comme si quelqu’un pouvait glisser dessus. Je n’ai jamais vu ça, je ne l’ai jamais revu depuis. C’était vraiment incroyable, il suffit juste de le décrire pour se rendre compte de la beauté du moment, pas besoin de rajouter de la poésie pour en faire un bel instant dans une chanson.

Tu dis que « Sun Saw » est le morceau le plus bizarre de l’album, donc ton préféré. C’est important pour toi d’écrire des titres étranges, quitte à mettre mal à l’aise l’auditeur ?

Oui, sans aucun doute. J’aime bien ne pas savoir exactement décrire un morceau quand je l’écoute, et pouvoir dire d’un titre qu’il n’est pas triste, amoureux ou joyeux… Mais tout ça à la fois. Ne pas mettre un son dans une case, en somme. En concert aussi, j’aime bien voir que certains sont assis par terre les yeux fermés, que d’autres sont vraiment à fond dedans émotionnellement et physiquement, tandis que d’autres discutent simplement avec leurs amis dans le fond de la salle. Chacun occupe le même espace, chacun reçoit la même chanson… Mais l’usage qu’ils en font devient une décision personnelle, et je trouve ça très intéressant.

C’est vrai qu’il est difficile de décrire le style de cet album. Personnellement, il m’a fait penser à du Fever Ray…

Je ne sais pas si Fever Ray a été une influence directe pour moi, mais en tout cas j’adore ce qu’elle fait, aussi bien pour ses sons que pour son atmosphère. Je l’ai vue une fois à Montréal en concert, son lightshow était spectaculaire, avec des lasers !

S’il faut vraiment qualifier ta musique, on peut lire ça et là que David Psutka et toi faites de l' »ambient folk ». Tu es d’accord ?

Parfois il est nécessaire de donner un nom au genre de musique que l’on fait, juste pour que les gens puissent se raccrocher à quelque chose. Cela dit, ce n’est pas complètement faux, du moins au niveau de mes influences. L’utilisation de l’espace qu’il y a dans l’ambient en général m’inspire beaucoup, et aussi l’ennui associé à ce genre : dans l’ambient, il faut vraiment laisser le temps au morceau de se développer, pour que chaque son arrive au bon moment. Quant à la folk, j’ai grandi avec. L’écriture des textes y est très importante, ainsi que la performance live et la réécriture : dans la folk, quand quelqu’un reprend un titre il peut en changer le sens. La simplicité et les harmonies de ce style sont aussi très importantes pour moi, et cela se ressent dans Anamai. Donc oui, « ambient folk », c’est pas mal comme adjectif !

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