En direct de Chicago pour le Pitchfork Music Festival 2016
Tous les ans, les plus grands festivals du monde annoncent leurs lineups vers le mois de février. Les Coachella, Primavera et consorts sortent l’artillerie lourde avec un arsenal de groupes A-list pléthorique. Mais depuis quasiment 10 ans, le Pitchfork Festival fait de la résistance avec une programmation à total contre-courant, pointue, sobre et éclectique. Cette année, une quarantaine d’artistes adoubés par le média musical alternatif se sont produits dans un petit parc de Chicago. Mais on avoue que c’est Sufjan Stevens, l’enfant de la « Windy City » qui nous a fait prendre nos billets.
Jour 1 : Carly Rae Jepsen à Pitchfork ?!
On arrive à Union Park, un parc municipal au centre de Chicago, juste à temps pour Whitney. La pelouse est dégarnie et la population est à l’opposée du hype. On entend de loin le groupe d’indie country, le temps de chercher nos tickets boissons et bracelets boissons (faut montrer son ID pour pouvoir picoler au festival). Bières en main (6$), on déambule dans les stands en écoutant Julia Holter, dont la voix puissante retentit dans tout le lieu. Les choses sérieuses commencent à 17h45 avec Carly Rae Jepsen, le choix surprenant de Pitchfork. On pensait à « statement » ironique de hipster, mais que nenni, la pop star canadienne débarque sans niaiseries et fait vibrer la foule : on a explosé les cordes vocales sur « Emotion », levé les bras pour « Run Away With Me » et snapchaté « Call Me Maybe ». L’hystérie atteint son summum quand elle invite Blood Orange pour chanter « All That », le titre qu’il a produit pour elle. Seul bémol : le VJing ultra cheap à base de roses noires et le look Desigual / coupe mulet de Carly.
Carly Rae Jepsen – Crédit : Rainer Torrado
Tout de même enthousiasmés par le concert, on enchaîne direct par The Range, la révélation electro du festival. Le producteur sample des titres R’N’B et hiphop d’inconnus sur Youtube pour en faire des titres darks et intenses. Le public de la scène bleue a kiffé autant que nous. On reste sur place pour notre chouchou Shamir. Invité pour la deuxième fois consécutive par le festival, il livre un concert impeccable entre tubes disco et ballades intenses. On termine la soirée par Beach House. Bien qu’on les ait déjà vus au Pitchfork parisien, l’expérience atteint un niveau supérieur quand on voit le groupe à l’extérieur. Quel kiff d’écouter « I Take Care », « Zebra » et « Norway » pendant une belle nuit d’été à Chicago. On sèche notre larme et on quitte les lieux heureux.
Jour 2 : Sufjan Stevens retrouve le sourire
Blood Orange est – forcément – notre premier coup de coeur du 2ème jour. Devonté Hynes invite Empress Of et Carly Rae Jepsen sur la scène rouge du festival. Freetown Sound, son nouvel album, passe nickel en live et on chante en choeur « Augustine » avec lui en essayant maladroitement de voguer comme lui. On croise Shamir dans la foule et on chante avec lui « Best Of You ». Trop d’émotions. On fait un petit détour par la scène bleue pour la techno énervée et puissante de Jlin – bien qu’on est frustré par la sono faiblarde, la puissance sonore n’était pas à la hauteur de l’énergie de sa production – en attendant Anderson Paak. Le rappeur prend du retard, on préfère partir pour chercher un bon spot pour Sufjan Stevens…
…Ah Sufjan. La messe commence à 20h30, juste à temps pour le coucher de soleil. Le natif de Chicago commence son set par « Seven Swans » avec ses fameuses gigantesques ailes d’ange. « Je suis en tournée partout dans le monde depuis plus d’un an avec des chansons qui parlent de mort, de solitude et de coeurs brisés… Mais je vais jouer des titres un peu plus joyeux pour vous ! » Oh oui ! On en avait besoin. Exit le concert religieux qu’on a pu voir au Grand Rex pour l’album Carrie & Lowell, Sufjan s’est totalement lâché, avec un show comparable à celui de son Olympia 2011. D’ailleurs, il a surtout chanté les titres de son album The Age Of Adz sorti cette même année. Il a sorti ses plus beaux costumes fluos de chez Party City pour enchaîner les chorés délurées sur « Too Much », « I Walked » et « Vesuvius ». Même le titre « All Of Me Wants All Of You », de son dernier album déprimant, a reçu un nouvel arrangement pimpé. Seul « Fourth Of July » a été chanté sobrement. Le climax de la soirée était la version totale d' »Impossible Soul ». Sufjan – plus BG que jamais d’ailleurs #MenergyVibes – a chanté du haut d’un costume disco énorme les différentes variations de cette épopée spatiale. Cerise sur le climax : quand il lâche « Ok Ladies now let’s get in formation » en référence à Beyoncé avant de nous achever avec « Chicago ». Et c’est pas fini… « Nous allons finir ce concert par une reprise de Prince – tous les concerts devraient se terminer comme ça ». Et là bim, « Kiss ». On sèche nos larmes et on sort lessivés de bonheur.
Sufjan Stevens – Crédit : Rainer Torrado
Jour 3 : Neon Indian, Prince sous hélium
Le dernier jour, on arrive à temps pour la fin du set discool des Holy Ghost!. On zappe Empress Of – mais on nous dit qu’elle aussi a samplé « Formation » – pour le deuxième meilleur concert du festival : Neon Indian ! Le mec débarque sur scène totalement déterminé avec sa chemise Etudes. Le regard perçant, Alan Palomo donne tout avec un chant parfois agressif mais une énergie folle. Le magicien psyché joue quasiment tout son dernier album pour enchaîner avec ses deux premiers tubes « Deadbeat Summer » et « Polish Girl ». L’esprit de Prince sous hélium était présent avec nous. Le reste du festival était anecdotique avec un Jeremih en mode tunning, un Miguel mignonnet, et une FKA Twigs boring. Qu’importe, c’était un festival génial.
Shamir prend la pose – Crédit : Rainer Torrado
Bonus : histoire d’être complètement préparé pour l’année prochaine, rapide liste de bons plans Chicago
#MustEat : Goddess and Grocer. Dites à Debbie que vous venez de notre part, vous aurez peut être des French Fries gratos. Le yummy burger asiatique Umami et Angry Crab pour une orgie de seafood.
#MustDrink : le bar Danny’s pour une ambiance feutrée. Tous les cool kids sont là bas le mercredi soir.
#MustParty : Le Smart Bar, le club le plus cool de Chicago pour une house/techno locale.
#QuartierCool : Damen, plein de spots sympas pour flâner et chiner dans de jolies boutiques.
Par Fadhel Azouzi, fondateur du magazine Les Tambours