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Bisous les rageux.
25 mai 2016

En direct de Radiohead au Zénith

par rédaction Tsugi

D’avance, on s’excuse de faire chouiner ceux qui, à 10h02 un certain vendredi d’avril, ont du détester leur index gauche de n’avoir pas assez promptement appuyé sur F5. C’est ça aussi Radiohead : des cohortes de zinzins prêts à se lancer dans une mêlée numérique pour avoir la chance de voir cinq types jouer dans une baignoire géante, sans tarif réduit. Ah, et qu’on ne nous accuse pas de faire les malins, on les a payées, nos places. Parce que nous aussi, on fait partie du lot : on a chialé mille fois en écoutant le coda de « Karma Police » et on s’est même surpris à trouver nos trajets en métro grâcieux avec « Videotape » dans les esgourdes. Groupe adoré, piédestalisé, à moitié déchu, Radiohead reste a priori au dessus du tout-venant. On a été vérifier.

Déjà, Holly Herndon en première partie, on valide : la pop expérimentale, glaciale et déstructurée du trio, si elle ne produit en aucun cas l’effet escompté (le public chauffé à blanc avant l’arrivée des stars, toussa), est bluffante. Notamment au niveau de l’aspect visuel, contrôlé en direct et ponctué de messages texte directement écrits dans un bloc-notes pour parler au public. Ils auraient pu refiler le tuyau aux cinq gusses d’Oxford, qui n’ont pas brillé par leur débit vocal. Mais sommes-nous venus pour ça ? Les premières 20 minutes du concert sont écrites d’avance (on avait regardé les set-lists des concerts précédents – on sait, nous sommes consternants), A Moon Shaped Pool étant mis à l’honneur dans l’ordre exact du tracklisting de l’album. Qui est parfaitement balancé, donc ça ne pose pas de problème. Le côté orchestral des nouveaux morceaux, live oblige, est gommé pour parfois laisser place à des versions pop, qui dévoilent un peu mieux la force du songwriting (on pense à l’ouverture « Burn The Witch »). Premier vrai coup de pression après une entame exécutée au poil (Thom Yorke chante bien en vrai, c’est un fait) par un groupe encore un peu en préchauffage : « Ful Stop », un des morceaux les plus tendus et intéressants du dernier-né, réveille un public pas avare en applaudissements mais hyper studieux jusqu’ici. 

Et là, « Airbag ». Beuglements de contentement. Le morceau d’ouverture d’OK Computer, rarement mis en avant lorsqu’on dresse un bilan du travail de Radiohead, est exécuté avec le coeur. Voir des quadras blasés de jouer leur best-of sur scène, c’est bien ce qu’on pouvait craindre de la part d’un groupe qui n’est pas passionné par l’idée de recracher ses tubes, mais Yorke, qui s’est lavé les cheveux, semble dans de bonnes dispositions humaines. La set-list, tout au long du concert, semble dire « on fait ce qu’on veut, on se fait plaisir, à vous de voir si vous voulez en prendre aussi ». De fait, Radiohead change radicalement ses choix de morceaux chaque jour, ce qui induit un travail monstre en amont de la tournée. Sérieux, qui pensait que ces types seraient contents de ressortir « Talk Show Host », face B du single Street Spirit (Fade Out) connu pour sa présence sur la B.O. de Romeo + Juliette plus de 20 ans après sa sortie ? Bah voilà. On comprendra assez vite que vu les remaniements, on n’aura pas droit à du « Creep » ce soir, vu que le poussiéreux tube a été joué la veille (et ça nous va). Une ribambelle de non-hits va, sans forcer, s’infiltrer dans le déroulement du show pour en devenir le soutien principal : « Nude », ballade feutrée d’In Rainbows à l’interprétation vocale déchirante, « The National Anthem » et sa ligne de basse extraterrestre, « Give Up The Ghost » à la guitare acoustique… A ce petit-jeu là, The King Of Limbs s’en sort assez mal : mis à part la chanson sus-nommée, « Bloom » et « Morning Mr. Magpie », volontairement brouillonnes sur album, deviennent un poil bordéliques en live. Les morceaux de Kid A, eux, continuent à profiter de leur totem d’immunité, le diptyque « Idioteque » / « Everything In Its Right Place » reste désarmant d’efficacité et de beauté glaciale. Sur scène, c’est du Radiohead tout craché : Ed O’Brien semble plus élégant que réellement utile, Phil Selway, en retrait, s’est trouvé un pote chauve pour le soutenir à la batterie (5+1 = 6), Jonny geeke sur une radio qui crache du France Info pour sampler le son dans ses bidules, Colin déroule et Yorke joue la dichotomie pop-star distante / autiste patenté. Encore, oui, encore.

Et puis un rappel. Presque long, d’ailleurs, mais sauvé par les deux tubes de Hail To The Thief. Ouf, on peut applaudir et brailler encore une fois, parce qu’on sait bien qu’ils vont revenir. Jonny Greenwood se repointe, avec une attitude corporelle à la limite de la timidité, suivi de Thom Yorke qui balance un « Bonsoir, vous êtes qui ? » qui prouve une chose : les règles, c’est eux. Et le public dit oui, un peu embarqué dans une logique d’aura dominatrice pour laquelle tout le monde a signé. Si c’est le prix à payer pour voir s’éclater sur scène le plus grand groupe de pop du monde, on veut bien se plier à l’exercice.  Et si cette circulation d’énergie les rend heureux, même eux, de jouer « Karma Police » une millième fois, c’est que le jeu en vaut la chandelle.

 

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