En direct de Solidays 2016

Sol­i­days change. Les crop tops et les looks tra­vail­lés ont rem­placé les sarouels boueux d’il y a dix ans. La toute petite et élec­tron­ique Green­room se retrou­ve rapi­de­ment envahie par de jeunes clubbeurs tan­dis que les con­certs reg­gae de l’après-midi attirent de moins en moins de dreadeux. Et puis on n’y com­prend plus rien au plan : des soundsys­tems ont été rajoutés ça et là, l’im­mense scène Bagatelle, le vil­lage asso­ci­atif ou les tou­jours très bons stands de nour­ri­t­ure ont été déplacés, Dôme et Domi­no, autre­fois chapiteaux de cirque, sont devenus des hangars à foin (odeur com­prise)… Même les plus vieux habitués de Sol­i­days pour­ront être désori­en­tés par ces ajuste­ments logis­tiques – une par­tie de l’hip­po­drome de Longchamp étant en travaux, le site a été décalé et agran­di, his­toire de se sen­tir encore plus à l’aise alors que le fes­ti­val a enreg­istré un record d’af­flu­ence (202 000 spec­ta­teurs en un week-end, tout de même!).

Alors oui, Sol­i­days change. Mais pas tant que ça. Car ce qui fait l’i­den­tité de Sol­i­days, c’est son ambiance et son engage­ment. Et ça, ça n’a pas bougé d’un iota : saynètes pro-PMA, dis­cours de Bill Gates, con­férence par Chris­tiane Taubi­ra (mal­heureuse­ment copieuse­ment huée alors qu’il était seule­ment ques­tion de par­ler de tolérance…), dis­tri­b­u­tion de capotes, le tout ryth­mé par les cris des fous furieux sautant à l’élas­tique et par de nom­breux fes­ti­va­liers déguisés (respect à ces bénév­oles ayant tenus au soleil avec leurs cos­tumes en pilou pilou de grenouille, drag­on et paresseux)… De quoi revenir chaque année sans même faire atten­tion à la programmation.

©Rodrigue Davi­la

Enfin, un peu quand même : plusieurs beaux noms s’alignaient à l’af­fiche de ce Sol­i­days 2016. Beau­coup de con­certs, beau­coup d’am­biances dif­férentes… On a ten­té une sélec­tion, au coup de cœur uniquement :

Tech­no, pas tou­jours pareil 

Sol­i­days s’ou­vrant de plus en plus à l’élec­tron­ique, ce n’est donc pas si éton­nant si notre meilleur live du week-end n’est pas signé par un orchestre. Plutôt par un homme-orchestre : Arnaud Rebo­ti­ni, qui occupe chaque cen­timètre de la mini-scène Green­room avec son set-up live, passera une heure et demie à chauf­fer à blanc la foule com­pacte, entre bidouil­lages sur syn­thé et touch­es acid-techno. Un bon­heur à s’en faire des cour­ba­tures, et la foule de n’y trompe pas : c’est bondé, et bon nom­bre de danseurs res­teront tout le con­cert. La veille déjà, Louisah­hh n’y allait pas de main morte avec un set tech­no décol­lant sur son “Fric­tion” en duo avec Mael­strom. Le live The Shoes, avec ses visuels trop “lolilol”, fonc­tionne quant à lui tou­jours aus­si bien – on notera une cer­taine obses­sion de Guil­laume Brière et Ben­jamin Lebeau sur “mer­ci qui ? Mer­ci Jacquie et Michel”, mais ça ne nous regarde pas.

Côté tête d’af­fiche, la toute pre­mière à s’a­vancer sur la scène Bagatelle du fes­ti­val s’ap­pelle M83. Mal­gré un “Mid­night City” oblig­a­toire et tou­jours aus­si beau, on sent bien l’in­flu­ence de son dernier album Junk dans ce live du Français expa­trié aux Etats-Unis – et ce n’est pas un com­pli­ment, les cuiv­res kitsches rival­isant avec le côté très mou du genou du live de Flume une heure plus tard. Pas de bol : en ce pre­mier soir s’en­chaî­nent deux de nos “bous­es du mois”, tan­dis que Boys Noize offrira un live plutôt iné­gal, s’a­mu­sant avec d’in­ter­minables mon­tées pour ne jamais vrai­ment lâch­er les chevaux – quant à Mr Oizo le lende­main, il a car­ré­ment aban­don­né son con­cert émail­lé de “vous êtes des ani­maux” pour pass­er du Daft Punk. Ce seront les seuls décep­tions du week-end.

Hip-hop, c’est juste un esprit positif”

Si vous ne recon­nais­sez pas les paroles ci-dessus, il est temps de se refar­cir la belle discogra­phie d’Ho­cus Pocus. Car si le groupe français n’est pas prêt de ressor­tir un album, son MC 20Syl con­tin­ue son petit bon­homme de chemin avec un tout nou­veau pro­jet : Allt­tA, un duo avec le rappeur de The Pro­cus­sions J.Meideros. 20Syl s’y occupe de la pro­duc­tion unique­ment, mais pour ce pre­mier con­cert offi­ciel a repris le fameux “Hip Hop” de son pre­mier groupe. C’é­tait peut-être le seul morceau que les fes­ti­va­liers con­nais­saient, Allt­ta n’ayant pour l’in­stant dévoilé que trois titre (un album est prévu à l’au­tomne, mais on vous en repar­le très vite). C’est sou­vent mal bar­ré, un con­cert où per­son­ne ne con­naît les morceaux. Et pour­tant : chants en yaourt (il faut bien se débrouiller quand on ne con­naît pas les paroles), bataille de foin, slam, bras en l’air et standing-ovation… Même le duo et son label On and On Records seront éton­nés par cet accueil. Depuis la fos­se, la sur­prise est moins grande : en une petite heure, 20Syl et J. Mei­deros ont dévoilé leur univers de la plus belle des façons, avec énergie et bonne humeur, s’of­frant même une fin de con­cert reg­gae. A suiv­re de près donc.


Ça slam devant 20Syl et J. Mei­deros — © Clé­mence Meu­nier 

L’autre événe­ment hip-hop du week-end n’avait lui plus rien à prou­ver : les Cypress Hill fêtent cette année leur 25 ans de car­rière avec beau­coup, mais vrai­ment beau­coup, de jeux avec le pub­lic (la gauche con­tre la droite, on s’assied et on se relève, on lève les bras, on bran­dit de gross­es “cig­a­rettes bizarres qui sen­tent fort” comme dira une petit pitchoune après le con­cert…). Les tubes sont là, les pogos (!) aus­si, pour un show à l’améri­caine très pro­pre mais qui fonctionne.

Boulogne-Bamako

Autre fil rouge du fes­ti­val : les sons africains. Avec le Nova Mix d’abord, qui a invité Pou­voir Mag­ique notam­ment, pour trois heures de danse sous un chapiteau aéré – encore mer­ci à Sol­i­days de ne pas avoir sur­ven­du ses bil­lets et nous laiss­er comme des sar­dines car, à part cer­taines fois à la Green­room, jamais on n’a eu autant de place pour danser en fes­ti­val. Les inspi­ra­tions africaines se sen­tiront surtout le lende­main, pour un live excep­tion­nel signé St Ger­main. Il n’y a que là que l’on peut assis­ter à un solo de flûte tra­ver­sière ou à celui d’un per­cus­sion­niste souri­ant jusqu’aux oreilles. De quoi se met­tre de bonne humeur jusqu’à la toute fin du fes­ti­val, signée Louise Attaque, qui heureuse­ment n’a pas aban­don­né ses anciens tubes : “L’In­vi­ta­tion” réson­nera dans l’hip­po­drome dès le début de leur con­cert. Nous, on a accep­té l’in­vi­ta­tion de Sol­i­days, pas par erreur et sans se gour­er dans l’heure… Et pour notre plus grand plaisir : Sol­i­days change, en bien, s’ou­vrant de plus en plus à dif­férents styles et sans jamais se dépêtre de son ambiance con­viviale. Et tant pis pour les nos­tal­giques des sarouels.

Meilleur moment : On se répète, mais assuré­ment Arnaud Rebo­ti­ni same­di soir.
Pire moment : La longue attente ven­dre­di soir pour ren­tr­er sur le site. Cela dit, c’est logique : le ven­dre­di arrivent aus­si bien les fes­ti­va­liers d’un soir que les courageux et leurs pass­es trois jours — fouiller et valid­er les bil­lets de tout ce petit monde prend un temps fou.

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