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21 juin 2013

Interview : Brodinski, « Kanye est le seul qui puisse changer la donne »

par rédaction Tsugi

Ceux qui ont eu le courage les ont comptés. Il y a soixante sept personnes crédités sur l’album Yeezus de Kanye West. Un travail d’équipe au service de la personnalité la plus innovatrice du hip hop actuel. Mais est il encore question de hip hop ? Abolissant les frontières des genres, mixant toutes les influences imaginables qu’elles viennent de la techno ou de witch house (la quoi ?) , Kanye crée un formidable incubateur porté par un souffle de liberté salvateur. Ce n’est pas Brodinski, qui a participé au projet le plus fascinant de l’année, qui nous dira le contraire.

 

Comment s’est fait le contact avec Kanye West ?

Brodinski : Kanye travaille avec toute une équipe de personnes qui sont des fans de musique : ils écoutent tout et ils lui font des rapports sur ce qu’ils écoutent. Ce sont ses conseillers. Ils ont flashé sur la musique de Gesaffelstein. L’un des conseillers est venu au bureau, il y a cinq mois, en nous disant : “Kanye West est intéressé pour travailler avec vous”. Puis on l’a rencontré quand il est venu à Paris. Il était fan de cette musique et il avait envie d’en savoir plus sur nous, pour savoir si cela avait un intérêt que l’on travaille ensemble sur cet album ou un autre de ses projets. On a fait des tests, cela s’est plutôt bien passé et on a continué à beaucoup discuter ensemble et à travailler.

 

Il est donc vraiment présent dans la création…

Tout part de lui. Il ne va pas chercher quelqu’un parce que il est cool, mais parce qu’il aime vraiment ce qu’il fait. Ça le touche musicalement et humainement.

 

Entre toi et Gesaffelstein, Salem ou Evian Christ, c’est quand même très pointu dans les collaborations…

Kanye est quelqu’un qui n’a pas envie de rater quoique ce soit. Par exemple, il a été chercher Arca qui a produit certains morceaux de Mykki Blanco, c’est vraiment de la musique expérimentale. Mais c’est Kanye qui a toutes les idées, il est très inspiré et il sait très bien où il veut aller et il sait s’entourer des gens qui vont l’aider dans ce sens.

 

Cet album frappe par son côté futuriste, hors normes…

Ce qui l’intéressait c’était de faire un album avec un concept vraiment différent et d’aller voir un peu plus que loin que le bout de son nez. Ce que très peu de rappeurs font au final. Kanye est le seul qui soit capable de sortir un album qui puisse changer la donne. C’est assez radical et il y a un vrai parti pris.

Comment ça s’est passé de manière pratique ?

On a commencé, il y a 4 mois. L’album a été fait d’une seule traite. On a travaillé avec lui dans son studio qu’il avait loué 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 dans le 11eme arrondissement de Paris. On a passé des nuits à travailler ensemble, il nous disait : on va travailler sur tel morceau et ensuite on va parler de la démarche, de ce que l’on pourrait garder, est ce que cette version est mieux que l’autre, est ce que ce serait intéressant de rajouter quelque chose et c’était à nous de le prouver musicalement. Son processus de création est vraiment incroyable. Aujourd’hui on est tous crédités, et le travail qui a été fait sur cet album a été monumental. Cela a été un vrai échange d’idées, sans histoire d’ego, sans savoir qui était le plus fat. Chacun a donné son avis, le but étant de faire avancer les choses. La première fois où on s’est retrouvés tous ensemble, ça a été un très gros moment d’émotion parce que se retrouver face à Kanye West qui nous dit qu’il aime notre musique et qu’il a envie d’en entendre plus, ça fait quelque chose.

 

Humainement, comment est ce que tu le définirais ?

C’est difficile. Même après tout le temps que l’on a passé ensemble je ne pourrais pas dire que c’est quelqu’un que je connais. Mais au niveau du travail, c’est quelqu’un avec qui il est très facile de communiquer. C’est quelqu’un de passionné et d’inspiré. C’était captivant de travailler avec lui. C’est aussi quelqu’un qui ne connaissait pas bien notre monde, alors que nous, on connaissait le sien par cœur. C’était ça qui était assez intéressant, c’est quelqu’un de très curieux, il avait vraiment envie de travailler avec nous.

 

On a l’impression que les gens qui n’écoutent pas de musiques électroniques ne comprennent pas le disque…

Complètement. Je crois aussi qu’il y avait le Kanye West de College Dropout et Graduation et il y a a celui d’après 808s & Heartbreak. Ce n’est pas mon album favori mais c’est un parti pris fort avec le travail sur l’autotune, puis sur l’avant-dernier album il a commencé à travailler avec beaucoup de personnes. Yeezus c’est le must qu’il peut faire en équipe. Mais c’est un album qui doit s’écouter deux ou trois fois pour arriver à comprendre le message. Un morceau comme “I am a god” par exemple, le message est plutôt clair mais pour ce qui est du beat je trouve ça complètement dingue. Et il faut aussi parler du rôle des Daft Punk qui a été très important dans le processus de l’album. Les trois premiers jets que les Daft ont sorti, ont donné la tonalité générale. C’est ce qui a lié l’album.

 

Est ce que tu penses que cette collaboration va changer quelque chose pour toi ?

Ça a déjà changé les choses parce que sa manière de travailler, c’est quelque chose qui nous a vraiment marqué. C’est une méthode de travail complètement différente et innovante donc ça ne me laisse pas de marbre. Ces trois mois d’échanges en studio font que ma manière d’envisager la création musicale n’est plus tout à fait la même.

 

Propos recueillis par Patrice Bardot

 

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