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23 février 2018

Look Mum No Computer : Regarde maman comme c’est drôle la synthèse

par Estelle Morfin

On avait déjà calé un rendez-vous avec Sam Battle alias Look Mum No Computer lorsque la fameuse vidéo de son orgue à Furby, monstruosité géniale, a été publiée sur sa chaîne Youtube. 2 millions de vues en une semaine. Un sacré coup de projecteur pour ce musicien-maker qui avait déjà commencé à se faire un nom grâce à des tutoriaux un peu geek et des sessions live avec ses modulaires ou autres machines élaborées dans les recoins de son studio. Dans le milieu assez fermé de la synthèse modulaire, on citait déjà le jeune Londonien de 28 ans comme référence, on pointait du doigt son ratio originalité-technique. Il faut dire que Sam est un bricolo inventif, mais sait aussi parfaitement comment colorer ses projets d’une touche d’humour ou de folie. Rien n’est trop farfelu pour lui. Les vélos-synthés qui font de la musique quand on pédale, c’était lui. La gameboy-contrôleur, c’était lui aussi. Avec un personnage comme Sam, on voit tout de suite ces histoires de câbles et de boutons d’un oeil amusé. Une bonne dose de DIY mélangée à du WTF, et tout devient plus clair.

Tu pensais que ton orgue Furby allait être si populaire ? Est-ce que c’est parce que le furby est un objet chouchou de la génération internet ?

Non je ne pensais pas qu’il allait faire le buzz comme ça. J’espérais que la vidéo marche bien, mais je ne m’attendais pas à un tel résultat. Et précisément, c’est peut-être parce que c’est un petit jouet auquel les gens sont super attachés.

Mais où as-tu trouvé toutes ces peluches Furby?

On m’en a donné une dizaine, les autres, je les ai achetés sur eBay, c’était pas donné ! J’ai commencé ma collection il y a quoi… six mois ? Ca m’a mis tout ce temps en avoir assez.

Vas-tu te servir de cette notoriété soudaine pour mettre en avant tes projets un peu plus nerd, comme ceux avec tes modulaires ?

Je pense bien, je vais continuer à construire des machines folles et aussi en profiter pour éduquer les gens, j’ai quelques idées dans les tuyaux que je veux mettre en place plus tard…je ne m’arrête pas à quelque chose en particulier, j’essaye juste d’avancer.

Comme quoi par exemple ?

C’est top secret ! (rires) Je pense par exemple à faire un synthé –château gonflable… enfin j’ai plein d’idées, mais il faut juste que je fasse en sorte qu’elles se concrétisent.

Tu veux donc continuer à faire des projets un peu plus drôles ? Parce que tu as aussi fait des projets plus « sérieux » dans le passé…

En fait j’ai toujours mélangé les deux, projets drôles et plus sérieux. Je ne peux pas arrêter de faire des projets un peu débiles parce que je trouve que ce sont les plus drôles et les plus intéressants. C’est toujours bon d’être un peu stupide, même dans les activités les plus sérieuses.

Oui et avant tu étais dans un groupe de musique plus « classique » de rock indé, qui s’appelait Zibra…

Oui ! Mais même avec Look Mum No Computer (LMNC), j’ai prévu de présenter de « vrais » morceaux dans les prochains mois, qui font davantage référence à ce « côté sérieux » du projet. Deux sorties sont planifiées pour bientôt. Zibra c’est fini depuis un an et demi à peu près, c’est aussi pour ça que j’ai commencé LMNC.

Du coup, tu préfères la folie de LMNC j’imagine ?

Les deux ont leurs avantages, LMNC me permet de créer des machines folles, mais en même temps je me sens parfois seul dans mon atelier…

Maintenant tu partages avec la communauté internet, les forums….

Oui, on peut dire ça…

Et en fait, comment en es-tu arrivé à la musique électronique ?

C’était à peu près en 2011, je crois en fait que c’est grâce à Kavinsky. Avant j’étais plus dans la musique punk ! Et puis un jour j’ai entendu Kavinsky et je me suis dit…« Waouh c’est dinnnnngue ! ».

Kavinsky !… nous qui pensions que tu t’étais plutôt inspiré d’Aphex Twin, Venetian Snares, qui ont eux aussi des modulaires incroyables…

J’aime quand même pas mal la musique pop, c’est vraiment ce côté mélodique, ou ce rythme type « dum dum dum » que j’aime chez Kavinsky par exemple.

Du coup j’ai commencé à davantage jouer avec des synthés, des ordinateurs, j’ai fini par acheter un vieux synthé tout cassé pour le bidouiller…et voilà !

Et tu as commencé à construire des modulaires.

Oui, dès 2013 environ, j’ai passé en gros quatre ans à construire des trucs, à comprendre comment ça marchait. Je suis devenu un peu obsédé pour tout dire…

Mais tu as une formation d’ingénieur, de technicien ou quelque chose dans le genre ?

Non même pas, ça remonte à loin : quand j’étais enfant j’aimais bien casser les choses, mes jouets par exemple, pour voir comment c’était fait à l’intérieur. La grande majorité d’entre eux sont restés cassés. « Je casse plus de choses que je n’en fais marcher », c’est toujours ma devise. Mais tout doucement, je commence à détruire moins de choses (rires).

Donc maintenant, tu n’es plus un enfant terrible, tu es ce qu’on appelle un « maker ».

Je pense que oui, on peut dire ça, j’ai toujours été un Maker, quand j’étais en sixième commencé je faisais déjà des pédales à effets, des trucs comme ça.

Tu fais aussi des tutoriaux sur internet, des vidéos de présentation…tu as beaucoup de retours là-dessus ?

Oui, en vrai j’ai appris tout ce que je sais sur internet, donc c’est une sorte de remboursement, pour tout ce qu’internet m’a appris. Je maintenant enseigner moi-même. C’est aussi le moyen d’atteindre une plus large audience.

Tu as d’autres artistes que tu suis dans cette veine makers ?

Y’a un type formidable qui s’appelle The Nervous Squirell qui est très prolifique, Tom Richards, un compagnon du RCA (Royal College of Arts) à Londres qui a construit une Oramics– comme les vieilles machines des années 60- qui fait de la super musique.

Et toi, c’est quoi ta machine préférée ? De ta création bien sûr.

Je pense que c’est aussi la plus effrayante… C’est cette machine que j’ai essayé de faire juste avant Noël : un orgue lance-flammes que j’ai construit sans savoir rien du tout au sujet du feu, du gaz… J’ai failli devenir aveugle. Et j’ai construit un monstre qui ne passera sans doute jamais aucun test de sécurité. Imagine, au lieu que des notes de musique sortent des tuyaux, l’orgue crache des flammes ! Mais il y a quand même du son.

Mais tu construisais ça dans ton studio, chez toi ?

En fait, je vis dans une école fermée, du coup je vis dans une classe d’école. Mais l’orgue lance-flammes, je l’ai construit dans la cabane de mes parents pour tout dire. J’avais besoin d’un espace extérieur, avec les flammes et le reste…

Ils en pensent quoi tes parents de tout ça ?

Je ne leur ai pas raconté le coup de l’orgue lance-flammes, je voulais éviter d’entendre « non, tu ne peux pas construire ton bidule ». Quand je l’ai commencé, ils étaient en vacances (rires), je leur ai montré à leur retour. Pour les autres projets, au début ils ne savaient pas trop quoi en penser, ils n’étaient pas trop sûrs. Mais maintenant ils voient que d’autres gens aiment bien et vu que les machines sont assez farfelues, je pense qu’ils sont assez impressionnés.

Surtout pour leur génération…

Je ne sais pas si ça parle à plus à une génération qu’à une autre …

Plus à une époque ! Aujourd’hui les gens construisent de plus en plus des dispositifs, des instruments, il y a cette culture du DIY qui est en train d’exploser.

Oui, et je pense que cette tendance va continuer à prendre de l’importance, même Nintendo a lancé une sorte de LAB qui utilise des cartons et des consoles pour faire de la musique…le DIY est populaire, on entre même dans le mainstream, ce n’est qu’une question de temps.

Il n’y a quand même toujours pas trop de femmes dans le milieu, si ?

En fait si quand même, dans le monde des synthés il y a pas mal de femmes qui font de la synthèse. Même dans le mouvement Makers… A Londres, j’ai ma carte de membre dans un endroit qui s’appelle « Hackspace », et là-bas on y trouve la plupart du temps une bonne proportion de femmes.

Comment tu trouves les fonds pour construire toutes tes machines, qui doivent quand même coûter assez cher en composants, diverses peluches… ? J’ai vu que tu étais sur une plateforme collaborative, « Patreon », qui permet à des particuliers qui soutiennent tes projets de te financer mensuellement par exemple.

C’est sûr que mes machines deviennent de plus en plus grosses et de ce fait, de plus en plus chères, donc c’est essentiel pour moi d’avoir Patreon. J’essaye aussi de trouver des sponsors.

Pas trop dur de trouver des sponsors dans un secteur qui est encore un peu une niche ?

Ils sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à ce secteur. Par exemple, je suis sensé travailler avec Red Bull pour l’orgue lance-flammes. Ils ont envie de prendre le train en marche, tant que le mouvement maker est encore un peu niche justement.

Quel sera ton setup à Astropolis* ?

Pas de machine trop dangereuse ! (rires). Je vais prendre un gros synthé modulaire, quelques synthés-vélos pour un workshop le lendemain, et quelques autres pièces intéressantes. Ca va être spécial !

Généralement, pendant un concert, pendant les dernières minutes, je laisse les gens qui sont au premier rang pousser quelques boutons sur les synthés-vélos. Ce sera en partie interactif.

Et tu n’utilises pas d’ordinateurs, comme ton alias le suggère ?

Si, bien sûr j’utilise les ordinateurs, pour enregistrer par exemple. Mais on va dire que ce n’est pas ce que je préfère !

Question piège… comment tu ferais sans électricité ?

Je ne suis pas seulement dans les synthés…c’est aussi vrai que je continue à creuser dans cette direction parce qu’on m’y pousse… on me pose très souvent la question « et alors, à propos de ce synthé ? et celui-là ?». Donc oui, je pense que je vais continuer un peu sur cette voie et puis dans quelques années… BOUM, plus d’électricité ! Je me lancerai dans les violons à vapeur !

 

* Retrouvez Sam de Look Mum No Computer à Astropolis d’Hiver le vendredi 23 février 2018 et le samedi 24 pour un workshop.

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