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OKVLT Release Party @ Meta / ©DR
11 décembre 2020

Musiques ésotériques et fables orientales : lumière sur le fascinant label OKVLT

par Théo Poddevin

On vous avait partagé la semaine dernière en exclusivité le titre d’AIR LQD & Abdullah Miniawy « How Do You Burry A Paperless Man ». Aujourd’hui, le label OKVLT, emmené par le duo français UVB76, est à l’affiche avec la sortie de sa compilation Tales from The Far East Vol​.​2.

À l’occasion de cette sortie toute fraîche, on a en profité pour s’intéresser à ce label qui parsème le paysage électronique d’étrangetés sonores depuis 2013, et surtout partage entre ses artistes un interêt commun pour l’alliage entre musique et « vision », c’est à dire leur propre « interprétation visuelle de la musique » – pour reprendre leurs termes qu’ils expliquent plus bas. C’est un univers musical mystique, ésotérique, couplé à une recherche graphique appuyée, que le label a réussi à concrétiser au fil des années. Le résultat se vérifie à chaque sortie, toujours avec la même qualité, le même goût pour l’exploration artistique.

Avec Tales from The Far East Vol​.​2, on retrouve des artistes qui « partagent tous le même attrait pour la musique ésotérique autour de cette thématique de fables orientales », comme le chanteur égyptien Abdullah Miniawy qu’on a récemment vu aux côtés de Simo Cell, ou le duo basé à Bruxelles Osilasi entre « musique concrète, improvisée, bruitiste et tribale ». On a posé quelques questions à UVB76, de leurs vrais noms Gaëtan et Tioma, fondateurs d’un des labels underground les plus intéressants de la scène électronique française. La compilation est également disponible sur Bandcamp ici.

Quelle est l’idée, l’intention derrière cette compilation ?

Cette compilation, c’est le deuxième volume de la série Tales from The Far East entamée en 2018. Un titre très illustratif, qui suffirait presque pour répondre à la question. L’idée, plus concrètement, était de rassembler des artistes ayant un attrait pour la musique ésotérique autour de cette thématique de fables orientales. C’est une allégorie qui résume bien notre approche de la production en général, que ce soit sous UVB76 ou avec le label. Une interprétation visuelle de la musique, si l’on peut dire. Par ailleurs, on préfère laisser les auditeurs se faire leur idée plutôt que d’imposer une palette d’émotions, mais si on parle d’intentions, on aime bien parler de « visions ». Les visions qui définissent cette cassette, et plus généralement OKVLT, ce sont des contes et rites sonores. On a toujours eu un certain attrait pour le rapprochement entre musique et cinéma.

« Les visions qui définissent cette cassette, et plus généralement OKVLT, ce sont des contes et rites sonores. »

Eindkrak live en 2017

Eindkrak live en 2017 / © Chloé Poitevin

Qui sont ces artistes pour vous ? 

Des amis et connaissances proches pour la plupart, et pour le reste, des amis en devenir ! On a collaboré en amont avec la quasi-totalité des artistes présents sur la compile. Que ce soit via des sorties précédentes, à venir, des émissions radio ou pour des événements et concerts. Pour prendre quelques exemples, nous avons déjà invité Eindkrak et AIR LQD en live sur Paris, Sacred Lodge était en Master musicologie avec Tioma, Kӣr a ouvert la nouvelle saison de notre émission sur LYL Radio, Gouren est un ami du lycée, etc. On est heureux de sortir au maximum la musique de nos proches.

 

D’où vous vient cet attrait pour les fables orientales ?

Dans un premier temps, par nos découvertes musicales à la maison (Tioma a un père russe et une mère passionnée de musique et Gaëtan écoutait les CDRs d’ambient importés de Chine de son père, ndr). Mais surtout au lycée puis à notre arrivée à Paris, quand on a découvert tout un penchant de la musique qui nous était totalement inconnu auparavant. Des artistes comme Shackleton, T++, la scène dark ambient ou Muslimgauze… Tout ça nous a progressivement donné une envie d’étendre les sonorités que l’on produit ou sort en cassette vers des territoires méconnus, parfois discordants, mais aussi fantasmés, capables de solliciter d’autant plus notre imaginaire, disons.

« À chaque nouvelle sortie on essaie d’étendre cet univers tout en restant cohérent. Une sorte d’anthologie d’histoires occultes. »

Humbros live en 2018

Humbros live en 2018 / © Chloé Poitevin

Vous parliez de « rapport visuel à la musique », qu’est-ce que vous voulez dire par là ?

Le rapport entre musique et image existe depuis longtemps, ne serait-ce qu’à travers les pochettes des disques, les clips, etc. Même le cinéma a commencé en musique avant l’arrivée de la parole ! Il y a aussi évidemment tout le potentiel suggestif de la musique, c’est-à-dire les images et visions qu’elle peut suggérer chez l’auditeur, et qui sont propres à chacun. Mais si on parle spécifiquement de notre approche, c’est vrai qu’on a toujours tenu à placer cette relation au centre de ce qu’on fait. On aime travailler cette relation, que ce soit à travers nos lives audiovisuels, nos artworks, nos clips ou plus simplement notre musique.

 

Quel est votre regard sur la scène électronique actuelle ? Et où vous placez-vous ?

La mutation des genres qu’on pouvait apercevoir à la naissance du label (en 2013) est encore plus avancée aujourd’hui. Il y a quelques années, on avait encore beaucoup tendance à « genrer » la musique. Aujourd’hui, ça a moins de sens, les barrières deviennent floues et on a plus de mal à coller des étiquettes. On ne se « place » donc pas avec OKVLT, on préfère laisser les auditeurs décider.

 

C’est quoi la suite pour vous ?

OKVLT & WV SORCERER au Cirque Electrique en 2019

Performance de Qian Geng, soirée OKVLT & WV SORCERER au Cirque Electrique en 2019 / © basm.ottoman

On travaille actuellement sur plusieurs sorties sur OKVLT. Une compilation d’interprétations libres et modernes de chansons de Malicorne, groupe légendaire de progressive-rock-folk des années 70. Une idée originale de Hoel du duo Techno Thriller avec qui l’on travaille actuellement. Techno Thriller sortent d’ailleurs leur deuxième album aujourd’hui – avec une avant-première chez Tsugi ! Avant ou après, une cassette avec Officium dans un format hybride où fanzine, cassette et travail collaboratif avec le producteur Tzii viendront se mêler à des fields recordings glanés en Lituanie lors de célébrations païennes. Puis, sans doute quelque chose avec le duo Osilasi basé à Bruxelles, un super projet entre musique concrète, improvisée, bruitiste et tribale. Et plein d’autres choses, comme des concerts en forêt le jour où on nous laissera libre de nos mouvements…

On prend notre temps avec le label (deux sorties par an en moyenne), l’idée étant d’avoir un réel échange avec les artistes. Les laisser étendre les frontières du label tout en restant cohérents avec notre esthétique. On est touchés par l’engouement autour de la sortie de Tales from The Far East Vol.2, ça nous motive pour la suite. Concernant UVB76, on va entamer une résidence en janvier avec la violoniste Tamara Goukassova. Un nouveau projet plus improvisé que l’on a hâte de proposer en live.

GROUP A @ La Station / ©DR

OKVLT Tapes

OKVLT cassettes

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