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Crédit : Alex Giraud
29 mars 2018

Nouvelle(s) Scène(s), festival de nouvelles scènes

par Clémence Meunier

Au foin de la rue, Le Jardin du Michel, Les 3 éléphants… Certains festivals ont de drôle de noms. En terme de référencement, sacro-saintes règles sur les moteurs de recherche, on peut difficilement faire mieux. A ce petit jeu-là, Nouvelle(s) Scène(s) est clairement perdant, un vrai casse-tête googlelistique (oui, on vient d’inventer cet adjectif, et alors?). Mais les difficultés s’arrêtent là : fort de neuf éditions, le festival de Niort jouit d’une organisation sans faille, réduisant à zéro les problèmes habituels d’attente au bar, de vigiles désagréables ou de toilettes dégueulasses. Et puis finalement, Nouvelle(s) Scène(s) porte plutôt bien son patronyme : réparti dans la ville, entre bars, salles de concert, librairies et médiathèques, le festival permet d’en découvrir un paquet, des nouvelles scènes. Prenez le Pilori, par exemple. Cet ancien hôtel de ville aux allures d’église a beau accueillir des expositions à l’année, le format concert lui va plutôt bien, avec son mur granuleux et son sol en pierre. C’est d’ailleurs là qu’on y a vu l’un des plus beaux lives du week-end, grâce à Mohamed Lamouri, bien connu des Parisiens qui le croisent régulièrement dans les rames de la ligne 2. Pourtant, ce n’était pas gagné : avec son seul synthé porté à l’épaule, les rythmiques sont basiques, les fausses notes légion (Mohamed Lamouri est malvoyant et joue donc « à l’instinct »), les interactions avec le public drôles mais pataudes. Peu importe, quelle claque ! Reprenant des classiques rai, « Hotel California » des Eagles (en arabe) ou des compos personnelles avec sa voix de granit, belle et rêche, Mohamed Lamouri transforme sa maladresse en irrésistible charme. Ceux qui levaient bien haut leurs sourcils au début du spectacle finissent par réclamer un rappel, pendant que ces petites chansons pop, orientales et poignantes nous arrachent une larmichette. On s’enflamme un peu, c’est vrai. Mais dépouillée de tous les atours habituels (pas de costume, grosse scénographie et instruments à foison ici), la patte Mohamed Lamouri respire la pureté, remettant la musique à sa simple place de moment partagé et émotionnel. A revoir bientôt au FGO-Barbara à Paris, avec le groupe Mostla cette fois. D’ailleurs, le guitariste du-dit groupe est au tout premier rang au Pilori, un large sourire accroché au visage. Mais ce week-end-là, il jouait ailleurs, au sein du groupe live accompagnant Chevalrex. Pour Nouvelle(s) Scène(s), le chanteur pop signé chez Vietnam Records se produisait dans une librairie du centre-ville, tout près des Halles ou du Donjon de Niort. On ne pourra pas en dire plus : il y avait tellement de monde entre les rayons de bouquins qu’on n’a pas pu accéder au concert gratuit en mezzanine. Tant pis, car quelques heures plus tôt, Rémy Poncet de son vrai nom offrait au festival une session acoustique et bucolique sur une « plate », ces barques traditionnelles du marais poitevin – à retrouver tout bientôt sur les internets pour les frustrés de la librairie bondée.

Raoul Vignal à la médiathèque de Niort. Crédit : Alex Giraud

Quoi d’autre au Pilori ? Chien Noir et ses chansons d’amour en français, multipliant les changements de ton et décrochages pour draper d’un peu de drame des histoires naïves et touchantes – le morceau d’insomniaque « Paupière » étant particulièrement réussi. Ou Naya, toute jeune chanteuse aux mille tresses, évoluant dans un registre pop ou folk avec une voix absolument parfaite, comme tout droit sortie d’un studio. Plusieurs petits tubes (« Backyard » ou « Girl On The Moon ») se cachent sans sa setlist, à surveiller du coin de l’oeil donc. Autre lieu à découvrir : la médiathèque de Niort, où Raoul Vignal donnait un concert acoustique guitare-voix, baigné de la claire lumière de ce samedi après-midi. Douceur, contemplation, récit en anglais de la maison de l’enfance ou de rêves… Et voilà qu’on rêvasse nous même, entourés de quelques traits tirés : la soirée de la veille fut longue et festive pour pas mal d’entre nous. Car à quelques mètres, dans ce centre culturel ouvert qu’est le Moulin du Roc (comprenant une médiathèque, des transats, un bar, une salle…), le club porte encore quelques stigmates de la soirée du vendredi : si Adam Naas en faisait un peu  des caisses et Maud Geffray flirtaient trop avec la transe kitsch (après, chacun ses goûts!), Chloé présentait en live son dernier album Endless Revisions. Et c’est superbe, entre mapping sur gros blocs blancs de banquise et techno fine. Sur de grosses enceintes, son single « The Dawn » prend une dimension quasi mystique. Épatant. Mais ce soir-là, tout le monde semblait avoir fait le déplacement pour voir L’Impératrice, couronnée de succès (pun intended) depuis son album Matahari et responsable d’un bug dans la matrice : quand à l’espace pro le DJ passait « Résiste » de France Gall, L’impératrice reprenait « Ella, elle l’a » dans le club à la large boule à facettes – passion France Gall.

Côté festivités du soir, la programmation du samedi n’était pas en reste, n’en déplaise à nos pattes endolories de s’être baladé un peu partout dans la ville l’après-midi – ou d’avoir dansé sur le set du confrère de Novorama, sur la terrasse à fleur de rivière du très chou bar Les Planches. Rendez-vous à la salle Le Camji donc, pour un warm-up avec Calling Marian (responsable l’an passé d’un excellent EP acid), puis les Roumains de Golan. Trompette, clavier, guitare, basse, flûte traversière, congas, chant… Les cinq garçons ont tout d’un groupe purement acoustique, en mode « sono mondiale ». Et pourtant, par je-ne-sais-quel malin truchement de production et de composition, Golan sonne profondément électronique et dansant, versant plutôt house, difficilement qualifiable mais très accessible et efficace. Chez Fabrizio Rat par contre, pas d’embrouille d’adjectif : en plus de quelques touches acid, son live est purement techno. Et purement jouissif aussi, le Camji est vite en sueur, les vieux punks croisent les jeunes filles déchaînées. Beau à voir, et parfait pour clore le week-end.

Ainsi, il y avait bien des nouvelles scènes à Nouvelle(s) Scène(s), pour porter de nouveaux artistes, d’autres plus confirmés ou des groupes en pleine hype. Etienne Daho aussi, pour une soirée d’ouverture où il avait carte blanche côté programmation (et a donc invité Lescop, Calypso Valois et Yan Wagner) – soirée à laquelle on n’a malheureusement pas pu se rendre. De quoi en tout cas animer la mignonne ville de Niort, fournir tout simplement son content d’émotions, de découvertes et d’huîtres (La Rochelle n’est pas très loin après tout). Que demande le peuple ?

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