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© Paul Rousteau
3 février 2017

Peter Peter, un poète mélancolique tiraillé entre rêve et réalité

par Valentin Cebron

C’est autour d’un café dans le 18ème arrondissement de Paris que nous avons rencontré Peter Peter. Installé dans la capitale depuis trois ans, l’auteur-compositeur-interprète nous a parlé de son troisième album, Noir Éden, et de l’état d’esprit dans lequel il l’a écrit. Nous avons découvert un garçon sensible, sentimental et quelque peu tourmenté. Parfois coincé à la frontière entre onirisme et réalité, le Québécois à la bouille d’ange sort aujourd’hui ce nouveau disque : un petit bijou de la chanson francophone.

Ce nouveau disque contient des paroles moins tristes et négatives que les deux précédents. Y’a-t’il eu des changements au cours de ta vie traduisant cette évolution ?

Je ne crois pas être fondamentalement quelqu’un de triste. Et sur ce nouvel album, j’écris malgré tout des chansons dans ce registre mais c’est peut-être plus abstrait. Lorsque je me suis mis à l’écrire, j’habitais avec une fille que j’aimais. Ça a donc forcément influencé sur mon état d’esprit.

Quand est-ce que tu l’as écrit ?

Noir Éden raconte une période de 3 ans mais je l’ai écrit sur moins d’un an. Des événements et des ressentis avant l’année de l’écriture s’y sont imbriqués. Contrairement à mes précédents albums qui ont été conçus entre mes différentes dates de concerts, celui-ci a été écrit avec un certain pied-à-terre. Je me suis installé à Paris il y a trois ans pour faire la promo d’Une version améliorée de la tristesse en France car il était déjà sorti deux ans auparavant au Canada. J’ai ensuite écrit ce troisième disque.

Es-tu parvenu à trouver une certaine forme de bonheur à travers ce nouvel album ?

Il y a eu des hauts et des bas. J’étais vraiment déconnecté car je ne voyais personne. Pas même mes amis. La seule personne que je côtoyais était ma copine qui rentrait tard le soir. Je parle dans cet album d’un nouveau genre de souffrance. Ce sont des questionnements sur le fait de ne pas croire à la vie. Je me demande en fait si tout n’est pas qu’une illusion. J’ai écrit le disque dans ce genre d’atmosphère. Il y a eu des périodes d’anxiété mais pas de manque car j’avais un foyer dans lequel je me sentais plutôt bien. Je pense avoir eu tout l’amour que quelqu’un mérite à cette période-là. Donc oui j’ai pu goûter une certaine forme de bonheur. En plus de cela, le chat de ma copine m’a beaucoup aidé. J’ai d’ailleurs fait une chanson pour lui, « Vénus ».

Tu gardes cependant ce côté rêveur et lyrique : la littérature et la poésie sont-elles une source d’inspiration pour toi ? A la fin de la chanson « Orchidée », tu lis d’ailleurs un poème…

Après ma rupture, j’ai écrit un poème dans le bloc note de mon téléphone. Et je l’ai intégré à la toute fin de la production du disque sur ce fameux morceau. On était au mixe. Mais pour en revenir à ta question, je ne lis plus de poésie contrairement à ma période d’adolescent. Elle m’a aidé à débuter. Je suis maintenant plus dans les romans. Mais c’est vrai que Noir Éden est avant tout un album littéraire et ce qui l’unifie, c’est la cohérence de l’écriture.

D’ailleurs, les paroles semblent être à la frontière entre réel et la fiction. Est-ce toujours un album introspectif à l’instar des deux autres ?

Il est plus introspectif que le précédent. Moins dans les sentiments mais d’une certaine manière, il est plus allégorique. J’ai parfois l’impression de vivre des moments dans la réalité et d’autres où tout est faux. Comme je te le disais, j’ai beaucoup côtoyé la solitude et j’ai aussi eu pas mal d’insomnies qui se sont du coup intégrées au ton de l’album. Savoir gérer le réel est la question principale de ce disque et j’en parle sur le morceau « Bien Réel ». Il raconte ce sentiment d’être déjà mort, de rêver, de ne pas savoir ce que tu vis, ce que tu es en temps réel.

Les thèmes abordés dans l’album sont vastes (la mythologie, l’amour, l’amitié, les fantasmes, le corps…). C’est également une réflexion sur les choses qui t’entourent de manière plus globale ?

Absolument. Il y a des thèmes que je ne voulais pas laisser partir (des précédents disques, ndlr) et qui reviennent. C’est encore une fois une allégorie de ce que j’ai vécu et qui me hante. J’avais envie de quelque chose de plus abstrait mais qui raconte quand même quelque chose. « Vénus » la divinité, « Damien » qui est un nom biblique et le fils de Satan sont paradoxalement des êtres réels. Mais ils font référence à beaucoup de thèmes extérieurs.

Sur le morceau éponyme de l’album, « Noir éden », tu parles de la vie comme un film noir. Peux-tu m’expliquer cette métaphore ?

C’est cette impression de simulacre, de vivre dans une sorte de réalité virtuelle, un monde qui n’existe pas et dans lequel tu es prisonnier. Tu ne peux pas y échapper comme dans les films noirs. Au début, j’ai appelé ce titre « Film noir » mais je ne souhaitais en aucun cas faire référence au genre cinématographique.

Musicalement, ce nouvel album conserve également du précédent les synthétiseurs 80’s comme un véritable fil conducteur. Tu voulais faire un disque tourné vers une pop moderne ?

J’avais envie d’avoir des morceaux plus « weird » (bizarres, ndlr) que dans mon deuxième album. Des tracks plus décousus comme « Allégresse », d’autres plus pop avec un coeur comme « Loving Game » et des chansons du style « opéra rock » à la Starmania comme « No Man’s Land ». C’est ça ! Au final, je voulais donner à entendre un « opéra rock » produit à la maison.

Du coup, quels sont les morceaux qui t’ont marqué et/ou inspiré pour ce disque ?

Je n’écoute jamais de musique dans le but de m’inspirer. C’est plutôt dans le but d’aimer, d’apprécier. Mais si je devais donner un nom, ça serait l’album Pom Pom d’Ariel Pink même si c’est un album très éloigné de ce que je fais. Mais c’est un disque fantastique dans sa production avec des chansons hyper rares. Sinon, j’écoute en ce moment pas mal d’électro comme Caribou, Jamie xx ou Kaytranada, qui est l’un de mes artistes favoris.

Cinq années se sont écoulées entre la sortie du deuxième disque et Noir Éden. Tu étais en pleine réflexion sur ce que tu allais nous concocter ?

Je n’ai pas vraiment mis énormément de temps à l’écrire. Seulement, la production a été longue. J’avais envie d’avoir un album où je faisais vraiment ce que je voulais. C’est moi qui ai produit l’album. Je me suis fait confiance car généralement, j’allais à mi-chemin de la production. Mais sur Noir Éden, les arrangements sont à 95% de moi et c’est la première fois que j’ai fait cela. Un matin, j’ai décidé de m’y mettre et j’ai appris via le logiciel Logic Pro. Et si j’avais travaillé avec quelqu’un, ça serait naturellement allé beaucoup plus vite. Ça a également été long car j’ai pas mal fait d’allers-retours entre Paris et Montréal car je souhaitais rapporter quelques sessions du Canada.

Pourquoi faire du titre de ton album un oxymore ?

C’est vrai qu’il y a une dichotomie avec deux mots plus ou moins paradoxaux. J’ai tout de même hésité car j’avais peur qu’on le ramène à Une version améliorée de la tristesse qui est aussi un disque titré par des concepts opposés. Mais la consonance est jolie et à l’image de mon ressenti, Noir Éden représente ce bonheur flou, pas totalement atteint et un peu irréel.

Visuellement, la pochette de ton disque intrigue : pourquoi un portrait avec un chat sur ton épaule ? C’est « Vénus » ?

Non ce n’est pas elle car entre temps, sa maman et moi nous sommes séparés. C’est plus une référence au caractère intérieur du chat qui reflète ma personnalité, mon mode de vie quand j’ai écrit le disque. Solitaire, un peu renfermé et parfois paresseux comme je ne bougeais pas beaucoup. Mais pour tout te dire, le chat n’était pas prévu initialement. Mon photographe habituel, Paul Rousteau devait me faire de simples photos de presse mais il a finalement trouvé que l’image du chat collait bien avec moi et l’album.

Pour continuer sur l’image et l’esthétique que tu souhaites donner à voir : le fait d’apparaître dans chacun de tes clips est-ce un délire égocentrique ? 

J’imagine que oui (rires). Je participe plus ou moins à la direction artistique de mes clips. Mais je vois ça comme un jeu car je déteste en faire. Ça m’angoisse, surtout quand ils donnent lieu à de « gros » tournages avec beaucoup de monde. C’est pour ça que cela me dérange moins d’y apparaître. Je suis de l’époque où Kurt Cobain apparaissait dans ses vidéos à jouer de la guitare.

Tu joues le 28 février au Café de la Danse à Paris, tu as une tournée de prévue ?

Oui on a de belles dates. En France, en Suisse, en Belgique mais aussi au Canada en mars avec le groupe français. Nous sommes quatre et j’ai vraiment trouvé les bonnes personnes.

Pour conclure, on peut dire que tu un poète romantique désenchanté…

On peut dire ça oui. On est tous le cliché de quelqu’un d’autre. Mais je pense que je romance moins certains concepts qu’à l’époque. Comme la solitude que j’ai épluché en long et en large. J’essaie de me normaliser, d’avoir une vie stable, un foyer. Ces nouvelles pensées contribuent déjà à l’écriture du prochain album.

 

Peter Peter se produira :

-le 12 février à Les Abattoirs (Cognac)
-le 27 février à L’Ancienne Belgique (Bruxelles)
-le 28 février au Café de la Danse (Paris)
-le 8 mars à Montréal en Lumières – Club Soda (Montréal)
-le 11 mars à la Salle Louis Philippe Poisson (Trois-Rivières)
-le 12 mars à Le Cercle (Québec)
-17 mars à La Cartonnerie (Reims)
-le 22 mars au Festival Voix de Fête 2017 – Le Chat Noir (Genève)
-le 23 mars à la Laiterie (Strasbourg)
-le 19 mai à Le Grand mix (Lille)

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