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15 mai 2017

Pouvoir Magique, diggers sans frontières

par Clémence Meunier

« L’harmonie des sphères ou Musique des Sphères est une théorie d’origine pythagoricienne, fondée sur l’idée que l’univers est régi par des rapports numériques harmonieux » : voilà ce qu’en dit Wikipédia. Au-delà des théories scientifiques (auxquelles on ne connaît pas grand-chose chez Tsugi, avouons-le), la Musique des Sphères est surtout la recherche d’un tout, d’une harmonie dans l’univers, et d’une musique sans frontières ni limites, si ce n’est celles de notre esprit. C’est aussi le nom du label lancé aujourd’hui par Bertrand Cerruti et Clément Vincent de Pouvoir Magique, un duo né au sein de Mawimbi. Le collectif et label s’amuse depuis quatre ans à abattre les frontières entre musiques africaines et européennes. Mais Pouvoir Magique cherche à élargir le spectre avec Musiques des Sphères : « On compte y sortir des projets qui font voyager dans leurs instrumentations, mais en étant plus ouverts à la pop ou à d’autres styles. Mawimbi reste notre projet de cœur, mais on monte notre propre structure à côté », expliquent-t-ils. La première sortie ? Un EP de Meteor (toujours l’espace!), attendu pour septembre, dont on vous fait écouter un premier extrait en exclusivité.

Mais ce n’est pas la seule actualité pour Pouvoir Magique : la saison des festivals vient de s’ouvrir ! Et le duo ne va pas chômer, à commencer par un set ce week-end au festival Les 3 Éléphants à Laval, où il partage l’affiche avec Trentemøller, Fishbach, Meute, Paradis… Et un autre projet s’amusant à casser les codes de la musique occidentale : Acid Arab. « On va jouer juste après eux, ce qui nous met une petite pression ! Instinctivement, on va du coup commencer plutôt avec des morceaux d’Afrique du Nord, et on va petit à petit bifurquer sur d’autres influences. Mais on ne prépare pas nos sets de manière géographique, l’idée étant de piocher des morceaux partout dans le monde. Par contre, on aime beaucoup envisager nos DJ-sets comme des lives, quitte à faire des pauses au milieu pour parler au micro, comme dans un ‘vrai’ concert – ce qui permet aussi de faire des breaks pour passer d’une couleur musicale à l’autre, voire carrément changer de continent » : un set hybride à ne pas rater donc, au Patio ce samedi, de 2h35 à 3h30. Vue l’heure à laquelle ils sont programmés, Clément et Bertrand pourront jouer techno. Mais là s’arrête le bal des étiquettes : ces deux-là jouent ce qu’ils veulent, quand ils veulent. Plutôt solaires et afro-disco quand ils sont programmés en après-midi, plutôt mentaux et chamaniques quand tombe la nuit. Ça peut paraître tout à fait évident, mais de plus en plus de DJs se cantonnent à leur seul style de prédilection. Pas eux. « A la maison, je n’écoute pas de techno, j’ai surtout beaucoup de vinyles afro-disco », explique Bertrand. « Et pourtant, on est tout à fait capable de faire un set ‘dans-ta-face’ en pleine nuit. On aimerait que les gens se disent simplement que si c’est Pouvoir Magique, ça va être sympa et adapté à l’atmosphère du moment. On est évidemment loin, très loin, de se comparer à lui, mais c’est comme Laurent Garnier : il est tout autant capable de jouer house pendant une heure sous le soleil, ou d’être très techno dans un entrepôt la nuit – mais quoiqu’il arrive tu auras envie de le voir parce que tu lui fais confiance. En même temps, ce mec est un génie ».

La dualité solaire/lunaire est quelque chose qui revient régulièrement au fil des sorties de Pouvoir Magique. Le pompon ? Une éclipse bien sûr ! Pensé comme un « objet audiovisuel » (le morceau a été composé pour coller à la vidéo, et pas l’inverse), « Eclipse », autoproduit, réalisé et post-produit par Clément Vincent, a permis de faire découvrir le duo à pas mal de monde… Et s’accompagnera bientôt d’un prequel pour illustrer un nouveau morceau, qui sortira sur Musique des Sphères, évidemment ! Bref, c’est un nouveau chapitre qui démarre dans la carrière de ces deux-là, comme un coup d’accélérateur après des années de DIY. Et c’est plutôt le bon moment : les musiques africaines se font de plus en plus entendre dans les clubs parisiens, via des projets hybrides comme toute la petite bande de Mawimbi, Mo Laudi et son premier EP sorti récemment, Spoek Mathambo et son afrohouse jouissive, les différents projets des nombreux membres de Batuk… Ou encore la sublime voix de la Malienne Oumou Sangaré, qui s’apprête à sortir un album ce vendredi et qui a été remixée par Pouvoir Magique justement :

Alors, il n’y a plus de frontières en musique, vraiment ? « Cela fait quelques années que l’on ressent un intérêt de la scène française pour les sons qui viennent d’ailleurs, pour l’ouverture à d’autres musiques. C’est beaucoup plus facile pour nous de trouver un son qu’à l’époque des débuts de Mawimbi, il y a quatre ans. Beaucoup de producteurs européens mélangent aujourd’hui les genres, en piochant leurs samples et influences dans la ‘global music’. Et à l’inverse, de plus en plus d’artistes émergents en Afrique ont craqué un Fruity Loops et se butent à la musique électronique. Internet a beaucoup aidé évidemment. Mais sans vouloir rentrer dans des théories trop politiques, je pense que le fait que l’on s’enferme de plus en plus chacun chez soi donne envie à une partie de la population d’encore plus s’ouvrir à l’autre, à d’autres cultures, en réaction ». Quitte à se faire critiquer par quelques râleurs criant à l’appropriation culturelle. « Oui, on a eu quelques piques dans le genre avec Mawimbi. On est bien cinq blancs qui font de la musique inspirée de sons africains. Mais j’ai bien dit ‘inspirée’, pas volée, on n’utilise pas de samples de morceaux super connus sans les avoir cleané. Récemment, on a sorti une compilation, Radio Mawimbi Volume 1, composée d’edits de morceaux africains. A la tracklist, tu as le nom de l’artiste original, le titre du morceau, et après seulement le nom de la personne qui a fait l’edit, contrairement à certains producteurs qui ne se gênent pas pour transformer et vendre leur edits comme une compo originale. Et cet album est disponible à prix libre (les gens peuvent donner pour nous aider à rembourser le mastering mais aucune obligation), car on n’est pas là pour se faire de l’argent sur des edits, sur quelque chose qui ne nous appartient pas. Bref, on ne vole rien à personne, et encore moins une culture ! » : dur dur d’ouvrir des frontières quand certains veulent vite les refermer… C’est mal connaître la musique, qui par essence aide à rapprocher les peuples et les histoires, et qui a toujours aimé voyager pour s’enrichir. Comme le rappelle les Pouvoir Magique et Mawimbi avec leurs sets, les musiques africaines, qu’elles viennent du Mali, du Cameroun ou du Nigéria (trois de leurs destinations favorites quand il s’agit de digger dans les brocantes), ont influencé le jazz, le blues et, grâce à une bande d’Afro-Américain de Detroit… La techno.

A noter que les Pouvoir Magique fêteront le lancement de leur label Musiques des Sphères le 26 mai au Pop-Up du Label.

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