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Trunkline - Festival La Bonne Aventure - Le Kursaal - 24 juin 2017 © Sarah Bastin
8 août 2017

Road life : Trunkline et la digestion pré-concert

par Mathias Riquier

Ils composent l’un des duos les plus en vue de la techno française. Trunkline, l’association de Yann Lean et de Madben, fait honneur à la musique qui l’inspire, notamment en proposant un live truffé de machines et de câbles, évitant avec élégance le syndrome Macbook. On les remercie déjà pour ça, mais comment on s’en sort, lorsqu’on trimbale ses boîtes à rythmes à travers la France à la saison des festivals ? C’est à Terres du Son, festival généraliste pas forcément connu pour son public technophile, qu’ils nous répondent quelques heures avant de monter sur scène.

Tsugi : C’est quoi le planning classique d’une journée de Trunkline en festival ?

Madben : Pour nous, ça commence à Paris, à démonter une bonne partie du studio (rires). Une heure et demie de démontage, checker si on n’a pas oublié LE câble fatidique… Ensuite, on se chope un taxi jusqu’à la gare.

Yann Lean : Non, parce qu’on est chargé comme des mulets : on a deux gros flys de 24kg chacun, plus nos bagages perso, du coup, le métro, c’est un peu compliqué… Et on n’est que deux, pas de tour manager ou de roadie !

Madben : Pour le coup, on a débarqué à Terres du Son directement après la sortie du train, on a parfois le luxe de pouvoir poser nos affaires à l’hôtel avant. Quelques interviews, dont toi, ensuite une douche en speed, un repas, puis une heure de soundcheck, la façade, les retours puis on joue dans la foulée. L’exemple de ce soir, c’est un peu Pékin Express, mais c’est pas toujours le cas.

Yann Lean : Autant que possible, on essaie au moins de s’avaler une bière en terrasse quelque part dans la ville dans laquelle on joue, avant d’aller directement sur le site. Ici, c’est aussi parce que le festival est un peu éloigné du centre-ville que c’était un peu plus compliqué. Mais on aime bien tenter au moins un peu d’apprécier la ville dans laquelle on est. On s’est fait des frites à Dunkerque, par exemple (rires). Et après, on aime bien traîner un peu sur site, si possible. Au moins une heure pour redescendre autour d’un verre ou deux.

Comment on gère la différence des publics, musicalement ?

Yann Lean : Franchement, balek. (rires)

Madben : Alors ouais, d’un côté, balek, mais en même temps, notre live est hyper modulable et on lui fait dire ce qu’on veut. Donc en admettant qu’il y ait une incompréhension du public, on peut toujours faire prendre des directions différentes à ce qu’on fait, rien n’est figé. Un peu comme un DJ-set, au fond. On peut « sonder ». Mais effectivement, on est plutôt dans une démarche « les gens viennent écouter ce qu’on fait, si ça passe pas, on ne va pas jouer autre chose ».

Yann Lean : On peut regarder les gens. Je dis « balek », mais plus précisément, si on se dit « on est à Tours, donc les gens sont peut-être plus comme ci, ils écoutent peut-être davantage de ça », on n’en finit pas.

Plus globalement, c’est un défi de jouer une techno aussi ambitieuse que la vôtre dans un festival généraliste ?

Madben : D’un point de vue perso, j’ai déjà eu de très bonnes surprises sur ce genre de dates. Avec mon projet solo, j’ai déjà été en situation de jouer sur des festivals où le public est moins « dans la poche », comme à Astropolis par exemple. Je pense qu’aujourd’hui les festivaliers ont bien capté ce côté de plus en plus versatile des programmations généralistes, et il n’y a plus de barrières. À l’opposé des programmations de soirées, qui sont hyper homogènes.

Votre stratégie bouffe du festival ? Manger léger, faire péter les calories ?

Madben : Alors, ça dépend du timing entre le moment bouffe et le moment jeu (rires). J’ai eu des expériences de phases digestives en sortie de grosse bouffe sur scène, c’était l’horreur ! Ou alors il faut picoler tout de suite pour faire descendre, mais c’est risqué.

Yann Lean : Ce soir, on a le temps de monter notre matos, on n’est pas speed. Du coup on va se taper la cloche, je sens. (rires)

Madben : En vrai, ça nous arrive de très peu manger si on sent que le timing est serré. On préfère encore jouer le ventre presque vide.

Comment on gère la fatigue avec la récurrence des dates ?

Yann Lean : Pour l’instant, pour nous, c’est pas encore la grosse violence. Sur Trunkline, ça reste gérable.

Madben : Perso, c’est parfois un peu compliqué avec le projet Madben à côté, j’ai fait trois dates d’affilée la semaine dernière par exemple. Et le fait de mélanger deux projets peut tirer un peu sur la paillasse. Mais pas du tout de quoi de plaindre : on a la chance de vivre de notre musique et d’être en studio la semaine, on fait nos emplois du temps nous-mêmes. Donc si tu sais que tu te prends 3-4 nuits d’affilée, bah lundi tu dors. Tu recommences à bouger mardi, t’as la tête dans le sac, et ta semaine commence mercredi, tranquille. (rires)

Yann Lean : Après, si notre fréquence de dates augmente, il faudra en effet passer en mode “management de repos”, parce que c’est important pour continuer à prendre du plaisir à faire ce qu’on fait. La finalité du projet, c’est la scène.

La saison des festivals est-elle vitale économiquement pour vous ?

Madben : Vitale, non. Tout au long de l’année, on a des dates en club ensemble ou chacun de notre côté. On n’est pas spécialement dans un peak time de l’année pendant l’été. Perso, avril-mai-juin a été bien plus dur pour moi que cet été.

Yann Lean : Après, on a un an et demi avec Trunkline. Notre projet grandit, on est jeunes, merde ! (rires) Du coup, non, ça va, on est encore trop verts pour être des bêtes de festival, et on tourne correctement le reste de l’année…

Une configuration idéale de festival pour vous ?

Madben : Le côté « festival d’initiés » c’est cool je trouve. Le festival Free Rotation, avec une prog hyper pointue et des mecs connus qui viennent jouer sous pseudo, ça me parle ce genre de trucs. Il y a de la surprise, mais le public sait qu’il va se prendre dans la tronche de la musique de qualité et qu’il y a une relation de confiance entre lui et le festival là-dessus.

Yann Lean : Une prog d’initiés, mais avec quelques trucs qui sortent complètement de la direction artistique aussi, pour créer du contraste. Après, pour l’orga, bouffe locale, vignerons du coin comme ce soir, circuit court, je signe ! Un festival qui laisse le temps aux artistes de s’imprégner du lieu et du moment dans lequel ils sont, pas juste une machine à lives. Une bulle temporelle, voilà, c’est ça.

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