Rock en Seine 2025, guitares, basses et Jorja Smith | LIVE REPORT

par | 25 08 2025 | news, festival

Comme chaque année, le Domaine de Saint-Cloud s’est transformé cinq jours durant en célébration de la musique dans ce qu’elle a de meilleur. Pour cette édition 2025, la programmation toujours aussi pointue de Rock en Seine a fait une part belle à la musique électronique.

Quel plaisir de mettre les pieds au Domaine national de Saint-Cloud. Le léger blues qui nous prend à chaque fin de saison des festivals se dissipe vite en entendant la musique résonner dans l’air, au loin. Avec cinq scènes et autant de jours de concerts, on est sûr que, cette année encore, Rock en Seine a vu les choses en grand. Nous n’avons pas été déçus.

On arrive pile à temps pour le show de Khruangbin. En cette deuxième journée de festival, le groupe australien s’offre le coucher de soleil comme scénographie. Quasiment aucune parole — si ce n’est quelques chuchotements — n’orne la musique du groupe, mais il n’en a pas vraiment besoin ; sa musique parle d’elle-même. Le trio texan nous a emmené dans un voyage aux mille et une saveurs, entre guitare réverbérée et lignes de basses à la limite du dub.

Le caractère franchement méditatif du concert était parfois rompu par des détours disco sur lesquels on sautillait, et même carrément rock, lorsque Mark Speer, le guitariste, s’est mis à envoyer des solos tel un Slash à frange. Mention spéciale au bonhomme qui hurlait de tonitruants « OUAIS » à chaque début de morceau, peu importe à quel point ils étaient doux.

Khruangbin à Rock en Seine, 21/08/2025 © Olivier Hoffschir
Khruangbin à Rock en Seine, 21/08/2025 © Olivier Hoffschir

Direction ensuite la Grande Scène, pour voir Kid Cudi, la veille de la sortie de son nouvel album, Free. Son début de performance ne nous a pas tout à fait captivés — et, apparemment nous n’étions pas les seuls — on a préféré aller faire coucou à Barry Can’t Swim. Grand bain de foule, le producteur écossais nous a plongés dans une house mâtinée d’influences UK, avec des accents acid. On avait parfois l’impression de voir un Fred Again… lorsqu’il se jouait du piano, ou un Jamie XX, côté alliance harmonieuse entre dance music et nappes hypnotiques.

Un prélude au point d’orgue électronique de samedi. C’est en effet ce jour-ci que jouait Jamie xx et Justice. Même après les avoir déjà vus, impossible de se lasser de leur performance. Deux visions de la musique électronique complémentaire.

Jamie xx en représentait le versant minimaliste, introspectif. Pas de grandes lumières ou une scénographie hors norme, mais bien au contraire, une attention toute particulière portée au public, dont la danse était retransmise en direct sur l’écran. À l’inverse, le set de Justice était quasi-religieux. Une immense cathédrale de lumière. Le duo a orchestré un set maximaliste, où ses anciens classiques – « D.A.N.C.E », « Love S.O.S » — se mêlaient aux titres d’Hyperdrama, « Generator », « One Night/All Night » et « Neverender » en tête.

Justice à Rock en Seine, 23/08/2025 © Olivier Hoffshir
Justice à Rock en Seine, 23/08/2025 © Olivier Hoffshir

Mais le meilleur moment du festival était peut-être bien la prestation de Jorja Smith. Elle et son groupe ont interprété ses titres dans un style jazzy, tandis que sa voix d’or nous berçait les oreilles. Le morceau le plus puissant ? Sûrement « Blue Light », le titre qui l’a fait connaître, dans lequel elle raconte le vécu d’un jeune homme noir qui se bat contre lui-même et les stéréotypes que lui impose la société. La foule était suspendue à son chant.

The boys in the better land

Si samedi était résolument électronique, dimanche est carrément rock. Tout juste le temps de sortir de la messe qu’on court vers Saint-Cloud, pile à l’heure pour le show de King Hannah. Craig Whittle, le guitariste, tisse des textures mélancoliques, sur lesquelles Hannah Merick y parle d’une voix de velours, style flux de conscience. Le résultat : ce couple — à la scène comme à la ville — pourrait être la bande-son parfaite d’un film de David Lynch. Une belle surprise, dont le rock tranquille semble accompagner la digestion de plus d’un, allongé dans l’herbe.

Direction ensuite la Grande Scène pour se faire réveiller par Fat Dog. Une véritable bombe qui nous explose en pleine tête. Une énergie résolument punk et des lourdes basses nous assomment, tandis que les cuivres scandent des envolées mélodiques proches du klezmer. C’est précisément ce qui a fait le succès du groupe et qui l’a emmené jusque sur cette grande scène : la performance live déchaînée. Ça saute de partout, ça pogote, ça transpire, et on se demande comment fait le chanteur pour garder sa veste en cuir. Celui-ci est peut-être trop occupé à hurler dans son micro et à haranguer la foule – qui en redemande. Il se permet même une petite traversée du public, car pourquoi pas.

Fat Dog à Rock en Seinen 24/08/2025 © Olivier Hoffschir
Fat Dog à Rock en Seine, 24/08/2025 © Olivier Hoffschir

Autre groupe tout aussi énergétique, les Français de Last Train – qui sont ici chez eux. « La première fois qu’on a joué dans un gros festival, c’était à Rock en Seine. » C’était il y a 10 ans. On sent beaucoup d’amour dans ce groupe originaire d’Alsace, qui a commencé alors que ses membres étaient encore au collège ; beaucoup d’accolades et de sourires complices.

Musicalement parlant, on assiste à un rock efficace, quoique parfois convenu, mais pas besoin de plus pour s’agiter. Le quatuor sait tout de même parcourir avec finesse le spectre des émotions. Moment intense, lorsque Jean-Noël Scherrer, le chanteur, déclame avec gravité les paroles de « This Is Me Trying » — on regarde autour de nous, pour constater que tout le monde retient son souffle. Autre moment émotionnel, plus joyeux celui-ci, lorsqu’il annonce le premier Zénith de Last Train, prévu pour l’an prochain. Embrassade avec les autres membres du groupe, larmes aux yeux.

Last Train à Rock en Seine, 24/08/2025 © Oliver Hoffschir
Last Train à Rock en Seine, 24/08/2025 © Oliver Hoffschir

Tout juste le temps de se remettre de nos émotions qu’on se dirige vers Kneecap, qu’on avait vu lors du Cabaret Vert, la semaine précédente. Avant même d’entrer sur scène, le groupe affiche un message « Le gouvernement français est complice : il vend et facilite le commerce d’armes à l’armée israélienne ». La venue du groupe irlandais était l’objet de tensions, ainsi que du retrait des subventions de la mairie de Saint-Cloud au festival ; mais il a finalement pu se produire.

Une situation à laquelle a fait référence l’un des deux chanteurs : « Ils ont essayé de nous virer de l’affiche, ils espéraient que cela nous mettrait en colère. Ils croient que nous sommes aussi violents qu’eux. Ils se trompent .» Avant de conclure : « Nous sommes là pour passer un bon moment. » Après quelques titres, on part pour la grande scène, en espérant garder une bonne place pour voir l’évènement du jour : Fontaines D.C.

Fontaines D.C. à Rock en Seine, 25/08/25 © Olivier Hoffschir
Fontaines D.C. à Rock en Seine, 25/08/25 © Olivier Hoffschir

Évidemment, le foule était compacte. Lunettes de soleil, dégaine nonchalante à la Oasis, le groupe de rock irlandais enchaîne les tubes. De « Jackie Down the Line » à « Boys in the Better Land », en passant le plus récent « Starbuster », on chante sur presque tous les refrains.

Une personne avec qui l’on discutait en attendant le début du show nous affirmait le caractère intergénérationnel du groupe. Et en effet, tous les âges s’agitent dans la foule, et beaucoup portent même un t-shirt floqué Fontaines D.C.. Les Irlandais jouent « A Hero’s Death » sur fond de drapeau palestinien, et finissent par dédier « Favourite » à Kneecap. La boucle est bouclée.

Pire moment : Le parcours du combattant pour faire le trajet Kneecap-Fontaines D.C.

Meilleur moment : L’émouvante interprétation de « Blue Light » de Jorja Smith