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23 juin 2017

Sebastian Mullaert, un homme en paix.

par Lucas Martin

Tranquillité, zénitude, méditation et créativité, voilà quelques mots qui permettent d’introduire le personnage Sebastian Mullaert. Musicien depuis qu’il est tout petit, le Suédois s’est concentré sur la musique électronique lorsqu’il a atteint ses vingt ans et n’a plus jamais arrêté. C’est notamment à lui et son ami Marcus Henriksson qu’on doit le magnifique projet Minilogue. Aujourd’hui, Sebastian Mullaert est un artiste accompli qui a fait de l’expérimentation et l’ouverture d’esprit ses marques de fabrique. Capable de transformer « Porcelain » de Moby en une véritable bombe à dancefloor, il sait aussi faire voyager ses auditeurs avec de longues nappes électronica sous son alias Wa Wu We et collaborer avec des artistes de tous bord. Son nouvel EP en solo All The Keys Are Here, qui sort aujourd’hui, semble ouvrir une nouvelle étape dans la carrière de l’artiste. On a donc voulu en savoir plus sur un homme qui ne se laisse jamais enfermer dans une case.

Si vous êtes plutôt Spotify :

Ton nouvel EP sort sur Apollo, la division ambient du mythique label R&S.

L’identité d’Apollo et mon nouvel EP ne sont pas strictement ambient. Toutes ces définitions et ces catégories de musique, on en a besoin mais elles peuvent nous limiter et créer des problèmes de compréhension. Depuis le début (en 1992, ndlr), Apollo est un bon exemple d’un label qui n’est pas coincé dans un genre particulier, qui explore des territoires divers, tout en ayant évidemment une approche mélodique et douce comparée à R&S.

Comment définirais-tu ton EP alors ?

C’est de la dance music avec une attention particulière portée sur la mélodie, moins sur l’énergie. Il est vraiment nourri d’influences ambient, mais il m’arrive de jouer ce genre de musique en club au milieu de la nuit. « Visitor’s Path » par exemple est très mélodieux tout en possédant un rythme en 4×4 et un groove qui le rendent jouable en club si le DJ s’autorise certaines libertés.

C’est une direction que tu veux continuer d’explorer dans le futur ?

Mes prochains sons vont aller dans de nombreuses directions mais cet EP est un bon exemple de ce que j’explore actuellement. Beaucoup d’artistes aiment rester concentrés sur un genre à la fois et je comprends cela mais je suis plutôt dans la démarche opposée, j’ai besoin de faire des choses différentes, de l’ambient, des sons plus funky ou d’autres plus durs. J’aime vraiment cette diversité et c’est là que je trouve mon plaisir. J’imagine que cela peut paraître difficile pour certains de comprendre ce que je fais, de définir ma musique.

D’autant que tu sembles plus libre depuis la fin de l’aventure Minilogue il y a quelques années. Tu as ton nouvel alias Wa Wu We, tu as travaillé avec Aril Brikha, Mathew Johnson… 

C’est vrai que pour le moment le projet Minilogue est endormi et j’aime beaucoup mes nouveaux projets. C’est important de savoir changer, de donner de la place à d’autres expressions. J’ai travaillé avec des artistes pop, des musiciens, d’autres producteurs de musique électronique et chaque situation ouvre quelque chose de nouveau en moi, c’est comme découvrir un nouveau lieu ou une nouvelle culture par exemple, cela permet d’enrichir sa propre expérience. Collaborer et jouer avec d’autres artistes peut donner d’intéressants mélanges de créativité et permettre d’aborder une situation avec des approches multiples. Mais j’ai aussi besoin de m’exprimer en tant qu’artiste en solo de temps en temps, être seul en studio pendant des semaines et voir ce qui peut sortir de cette solitude, de ce focus sur soi-même. Ce sont deux approches différentes mais complémentaires.

Quand j’ai écouté ton EP, les petites touches d’acid m’ont directement fait penser à Tin Man, c’est quelqu’un qui t’a influencé ? 

Ce n’est pas une influence que je revendique, mais j’adore sa musique et forcément ça devient une part de moi-même d’une certaine manière. Sur « Visitor’s Path » particulièrement je suis totalement d’accord avec toi.

Et globalement, quelles sont tes influences ? 

Il y en a tellement… J’essaye de rester en permanence ouvert et de m’inspirer des choses que je vis. Cela peut être des relations humaines, des découvertes musicales, des promenades dans la nature, des voyages. Musicalement, je n’écoute pas trop de dance music excepté en club, je suis plutôt expérimentale à la maison : ambient, free jazz, musique classique et on peut entendre tout cela à l’intérieur de ma musique. Quand j’étais jeune, j’ai joué de nombreux instruments : du violon dans un groupe de pop, du piano dans un orchestre, en cherchant en permanence l’éclectisme. C’est aussi un état d’esprit d’où sort quelque chose de particulier en fonction de la situation dans laquelle je me trouve, et cette même situation est forcément influencée par un ensemble de variables diverses. C’est peut-être bizarre (rires), j’essaye de décrire comment les morceaux viennent à la vie mais c’est très dur de l’exprimer avec des mots…

C’est ce que tu veux exprimer avec le titre de ton EP All The Keys Are Here ?

Oui. Tout est là, sous nos yeux, à l’instant présent. La vie est un processus, la créativité aussi, tout est changeant. Par exemple, tu veux être heureux mais pour diverses raisons tu ne l’es pas à cet instant précis. Il faut être conscient que cela va forcément changer à un moment, et inversement si tu es heureux tu peux à tout moment devenir triste. Il suffit juste de le réaliser. Sans cette façon de voir les choses, il est difficile de vivre pleinement. La musique que je compose est une image, un paysage sonore de l’instant sans chercher à faire quelque chose de cool mais juste à exprimer quelque chose d’honnête. C’est ce qui créé la beauté de la chose, comme lorsqu’une personne est totalement honnête avec elle-même et avec les autres.

Il y a aussi un lien avec le piano, présent dans les quatre titres ? (En anglais, a key signifie une touche de piano, ndlr).

Tout à fait. C’était un moyen de mélanger un message symbolique tout en mettant le piano en avant. Une clé peut ouvrir un cadenas, et nous avons toutes les clés à notre disposition, mais ce sont aussi les touches du piano de manière purement matérielle.

Tu as collaboré avec le Tonhalle Orchestra de Zurich cette année. Qu’est-ce que tu penses de cette nouvelle tendance à faire converser la musique électronique et la musique classique ? 

C’est très intéressant. Rassembler des univers différents permet d’imaginer quelque chose de nouveau, il y a donc un réel intérêt autour de cette tendance que certains appellent néo-classique. Mais il y a aussi de mauvais côtés.

Quels sont-ils ? 

Mon expérience avec le Tonhalle Orchestra n’avait rien à voir avec un Jeff Mills ou un Carl Craig faisant un concert avec un orchestre dont ils sont les chefs, où les musiciens jouent leur musique. Je comprends que cela puisse plaire à certains mais je ne suis pas dans cette approche. Avec le Tonhalle Orchestra, c’est plutôt un orchestre et moi formant un ensemble. Chaque musicien est considéré égal à l’autre même si il y a un artiste en particulier qui s’occupe de la musique électronique. J’ai vraiment adoré être au milieu de cette structure, de ces gens, mais le but n’était pas d’en être le boss, d’être mis en avant. Cela m’a aussi permis de retrouver mes premiers amours avec la musique classique. Depuis quelques années, je me suis remis au piano, j’ai ramené le violon dans mon studio, j’ai ouvert beaucoup de portes en moi pour revenir à quelque chose que j’avais un peu laissé de côté vers mes 20 ans lorsque je me suis pleinement investi dans la musique électronique. C’est pendant cette nouvelle émulation que le Tonhalle Orchestra de Zurich m’a contacté et ça tombait évidemment très bien. Aujourd’hui, je me vois plutôt comme un compositeur de musique électronique et de musique classique à la manière d’un Max Richter par exemple. Je compte d’ailleurs sortir de nouvelles choses avec cette approche en tête. Cet orchestre qui a collaboré avec dOP, Luke Slater et beaucoup d’autres artistes talentueux par le passé m’a vraiment donné envie d’aller encore plus loin dans cette direction.

Tu as déjà beaucoup évoqué dans d’autres interviews l’importance de la méditation dans ta vie, mais t’arrive-t-il d’écouter ta propre musique lorsque tu médites ?

Ma pratique journalière de la méditation est silencieuse, je regarde juste un mur. Cependant, même si j’ai besoin de ces séances quotidiennes, je considère aujourd’hui que je suis en permanence dans un état méditatif. Lorsque je fais de la musique ou que je dîne avec des amis je médite (rires). La méditation n’est pas quelque chose que tu fais dix minutes puis tu t’arrêtes, c’est un état permanent à trouver qui permet d’être totalement connecté avec la vie, une manière de vivre. Et j’écoute beaucoup de musique quand je médite, car j’écoute souvent de la musique (rires) ! C’est assez paradoxal mais c’est comme ça que je vois les choses.

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