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©Chang Martin
27 juin 2017

Solidays : l’amour à l’hippodrome

par Pierre-Louis Hahn

Solidarité ! Voilà un terme qui fait du bien à entendre en ce moment en France. Sur l’Hippodrome de Longchamp, chaque dernier weekend de juin, c’est même devenu le mot d’ordre. Depuis 1999, Solidays et l’association Solidarité Sida y prennent leurs quartiers, profitant du début des vacances scolaires pour réunir  un panel d’artistes de tous horizons pour soutenir la prévention et la lutte contre le SIDA.

Spider-Man sous stéroïdes, nostalgie adolescente et crème pas fraîche

Niveau lutte d’ailleurs, les Dizzy Brains savent de quoi ils parlent. Originaire de Madagascar, encore classé l’année passée en 5e position des pays les plus pauvres selon le FMI, le quatuor n’a pas hésité à aborder aussi bien la pauvreté et les droits des femmes que la recherche contre le VIH, le tout devant un public attentif qui avait troqué pour l’occasion les traditionnelles couronnes de fleurs pour des bandanas. Il faut dire que pour secouer la tête sur le blues rock de « Tovovavy All Right » tout en épongeant la sueur, c’est plus pratique. Ce n’était d’ailleurs pas le seul accessoire du festivalier puisque les déguisements étaient encore une fois à l’honneur. Outre les désormais classiques panda, girafe et Salamèche, on retiendra plus précisément deux d’entre eux : Duffmann, très réaliste quoique visiblement plus sensible aux vapeurs d’alcool que dans les Simpsons, ainsi qu’un Spider Man qui avait opté pour la version « muscle + ». Résultat : ajouter les biceps de Batman au corps de Tom Holland, ça ne ressemble plus à grand chose, dommage.

Crédit : Brice Delamarche

Mais on ne va non plus s’en plaindre, loin s’en faut, d’ailleurs nos héros à nous ce weekend ne se trouvaient pas dans le champ mais bien sur scène, à commencer par Vitalic. Le patron de Citizen Records nous a démontré une fois encore  qu’il était l’un des maîtres en matière de live électronique en retravaillant à la machine l’ensemble de ses albums. Issus D’OK Cowboy à Voyager en passant par Flashmob, ses meilleurs morceaux ont eu droit à un enchaînement ininterrompu, le tout avec une scénographie géométrique à base de néons qui amplifiait encore un peu plus le côté rave de son live, sans pour autant pousser trop le côté « rendez-vous tunning ». Visuellement on en a d’ailleurs pris plein les yeux tout au long du weekend. Et c’est bien normal lorsqu’on s’appelle The Prodigy ou encore The Bloody Beetroots. On ne vous le cachera pas, c’est surtout notre côté nostalgique qui nous a poussé à aller voir les deux groupes. L’adolescent qui sommeille en nous se rappelait encore avec joie il y a quelques jours son chemin vers le lycée, « Breathe » ou « Warp 1.9 » dans les oreilles. Si les Britanniques ont fourni un concert sans surprise mais extrêmement efficace en alignant leurs grands classiques « Omen », « Smack My Bitch Up » et « Voodoo People », les Italiens eux nous ont réellement déçus. Traitez-nous de vieux cons si vous le voulez, mais on se demande encore deux jours après comment les beugleries de Sir Bob Cornelius Rifo et sa techno pétaradante ont pu un jour nous séduire. Et on n’était pas les seuls puisque nos voisins dans le public ont pour certains eu la même réaction. Bon, il s’agissait plus de trentenaires que des jeunes de 18-20 ans encore recouverts des poussières de la Color Party qui avait lieu un peu plus tôt ce jour là (et que l’on a pris soit d’éviter), mais quand même.

L’une des autres déceptions du festival était alimentaire : si le sandwich raclette passe toujours très bien, même par 30°, on ne fera plus jamais le sandwich « jambon, crème fraîche, fines herbes » qui a nécessité une bonne demie heure de pause-digestion. Mais la contrariété stomacale a rapidement laissé place au festin avec un artiste qui nous a régalé : DJ Pone, sur la scène Domino. Malgré la mauvaise surprise en s’apercevant que les sons de son chapiteau se battait en duel avec celui de Tale Of Us sur la scène voisine, on a très vite éliminé les calories ingurgitées quelques instants plus tôt. En mêlant avec toujours autant de talent hip-hop et électro, l’auteur de Radiant a sans doute offert aux festivaliers l’un des meilleurs moments du festival. Il n’y avait qu’à voir la folie qui s’est emparée du public lorsqu’il a clôturé son mix par « Parachute Ending » de Birdy Nam Nam, formation qu’il a quitté il y a quelques années, pour le comprendre.

Troll de haut-vol, moshpit avorté et solidarité entre festivaliers

On aurait pu vous parler d’électro tout au long de ce report tant le style est devenu presque omniprésent dans les programmations de festival, mais ce serait oublier qu’à Longchamp ce week-end, on célébrait la solidarité entre toutes et tous. L’éclectisme était donc forcément de rigueur, notamment avec une très belle programmation hip-hop. Sur la scène de Bagatelle, on a pu voir Vald, le rappeur trolleur dont la blague à Marsatac n’a pas fait rire tout le monde. A Paris, ses punchlines ont déchaîné la foule, mais comme il le dit si bien lui même : « Il n’y pas de bon concert sans bon public ». Et de bon public, s’il en était question tout au long du festival, c’était encore plus le cas ici. Même les partisans du 94 qui ont crié haut et fort pour défendre leurs couleurs lorsque Vald, Fianso et Kalash Criminel scandaient « 9-3 Empire » ont rapidement retrouvé leurs sourires lorsque « Ma meilleure amie » a démarré.

On a profité d’un trou dans la programmation pour recharger nos batteries à l’ombre dans la Guinguette, ce petit estaminet installé au milieu des bois où tout au long du weekend on sert de la bière fraîche au rythme des discussions sur la météo (canicule oblige), de l’hommage aux bénévoles ou encore des mots d’Edwy Plenel sur la solidarité. Nous avons appliqué ce principe de soutien durant le weekend, notamment en restant jusqu’au bout du concert de House Of Pain : c’était un peu couru d’avance, mais ça fait toujours de la peine de voir le public s’agglutiner en masse devant les Américains pour déserter très vite une fois passées les dernières notes de « Jump Around ». Ça les a sans doute asticoté un peu puisqu’ils ont quitté la scène d’un coup sec, deux morceaux plus tard, sous des applaudissements plus que timides. Contrairement au trio Flatbush Zombies qui eux ont fait chapiteau comble d’un bout à l’autre de leur concert. Entre deux morceaux unreleased, les Américains ont même tenté d’organiser un moshpit, mais prenant rapidement conscience que le public de Solidays n’est pas le même que celui du Hellfest, le trio se ravisera pour finalement demander aux spectatrices de montrer leurs seins – pas sûr que ce soit beaucoup plus malin.

On terminera notre festival devant Diplo et ses multiples mash up. De « Lean On » à « Still Dre » en passant par le « Wannabe » des Spice Girls, « Everytime We Touch » de Cascada ou encore un remix trap de « One More Time » des Daft, le patron de Mad Decent a fait ce qu’il sait faire de mieux : couvrir un spectre musical si grand qu’il est encore aujourd’hui capable de faire l’unanimité entre les bastions du hip-hop, de la pop et de l’électro. Mais au-delà des foules devant les scènes, c’est le comportement des festivaliers qui nous a marqué. Entre ceux venus braver la foule en béquilles, aidés par leurs amis qui portent leur sac de scène en scène, ceux qui soutenaient les mal en point après le fameux verre de trop ou ce couple dont l’homme déguisé en girafe protégeait de ses bras sa compagne pour éviter un coup de coude malheureux dans la fosse, on se dit que la solidarité, au-delà d’être un mot et une valeur soutenue par Sol’ Sid’, c’est surtout beaucoup de petites actions.

Meilleur moment : On a beaucoup parlé de Vitalic, mais Octave Noire c’était franchement beau !

Pire moment : The Geek x Vrv qui lance « Full Clip » de Gang Starr, et qui le coupe au moment où le morceau démarre vraiment… Frustrant !

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