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22 juin 2015

The Orb : interview et écoute du nouvel album

par rédaction Tsugi

Aujourd’hui sort Moonbuilding 2703 AD, le nouvel album de The Orb, groupe pionnier inventeur de l’ambient house au début des année 90. Une belle occasion de revenir sur le parcours et la philosophie d’une légende de la musique électronique. 
Rencontre avec Thomas Fehlmann, comparse d’Alex Paterson au sein de The Orb. 

Les ambiances futuristes ont toujours semblé vous intéresser, vous pensez que la musique électronique est toujours le son du futur ? 

En un sens la musique électronique est toujours jeune, elle n’a été inventée qu’à la fin des années 50, son développement s’est fait incroyablement rapidement, plus que pour tout autre genre musical, aussi vite que les progrès technologiques le permettaient à vrai dire. Moi même quand je compose je n’ai jamais d’impression de déjà vu, tout me semble encore inexploré. La musique électronique est toujours adolescente, ça fait quelques temps qu’elle est là mais elle a encore du chemin à parcourir pour devenir adulte, il y a encore beaucoup de place pour l’expérimentation. 

D’habitude, quand la musique électronique se réclame d’une mouvance futuriste, elle devient vite mélancolique, contrairement au son de The Orb qui a toujours une dimension joyeuse. 

Pour moi la joie et la mélancolie sont assez proches l’un de l’autre. Pour Moonbuilding 2703 AD, il y a plusieurs angles d’écoute, ce n’est pas que de la musique de club destinée à faire danser, passer un bon moment et être joyeux, c’est aussi de la musique que l’on peut écouter chez soi et qui dans ce genre de cadre peut dégager une certaine mélancolie. La mélancolie et la joie ne sont pas pour moi des choses qui marchent l’une contre l’autre mais plutôt des émotions qui se contiennent l’une dans l’autre et qui se complètent. A force de jouer en live, on s’est rendu compte que les émotions que nous procuraient nos morceaux en studio n’avaient rien à voir avec ce que nous ressentions en live, face à un public. Ce genre d’expériences a changé notre regard sur pas mal de nos morceaux, peut-être même sur The Orb en général, des morceaux que l’on trouvaient joyeux à un moment peuvent nous sembler plus tristes aujourd’hui. La musique de The Orb est assez évolutive et s’adapte à la façon de penser de l’auditeur, elle l’accompagne plus qu’elle ne le guide. 

Est-ce que vous pensez pouvoir vous exprimer avec des morceaux courts ?

Dans un sens, quand on réfléchi aux structures  des morceaux qui composent l’album, on se rend compte que chacun d’entre eux est composé de petites idées collées les unes aux autres. Ce n’est pas problématique pour nous d’imaginer des morceaux courts mais on est toujours dans une dynamique de “pourquoi s’arrêter ?”, “Pourquoi est-ce qu’on ne continuerait tout simplement pas tant que l’inspiration est là ?” 

Vous êtes considérés comme des pionniers de l’ambient house, mais cette notion est plutôt vague. Comment la décririez-vous ? 

Pour moi, l’ambient a beaucoup à voir avec l’atmosphère qui se dégage d’un morceau. Nous aimons créer des ambiances, l’idée n’est pas de se réduire à un simple abandon de beat, ce qui serait pour nous trop proche de la musique new-age. L’idée est de créer une atmosphère pour que les gens entrent dans une sorte de communion les uns avec les autres et éprouvent des sentiments similaires. Cette approche est évidemment davantage valable en live que pour une écoute domestique mais l’idée est tout de même de faire voyager les gens avec nous, de les immerger dans notre musique.

En studio, quelle est votre recette pour créer ces fameuses atmosphères ? 

Quand on travaille sur The Orb, on se retrouve toujours en studio, on n’échange jamais de fichiers en amont, et on n’arrive jamais avec des ébauches de morceaux. On s’assoit ensemble et on travaille jusqu’à ce que l’on soit contents du résultat. Après toutes ces années nous avons compris que c’était la méthode qui apportait le plus de résultats, ça nous force davantage à aller jusqu’au bout de nos idées. Tout est très spontané, on ne se fixe pas de but, on est plus à la recherche d’un feeling. La technologie nous permet de réagir très rapidement aux idées de l’un et de l’autre et de créer une musique basée sur l’instant, symbole d’une sorte de communion instantanée de deux cerveaux. Avant ça nous prenait des jours pour développer une idée alors qu’aujourd’hui quelques minutes nous suffisent à concrétiser nos pensées ce qui nous permet de ne pas en oublier en chemin parce que l’on était trop occupés à bosser sur la précédente.  

The Orb est connu pour être un grand utilisateur de samples, une pratique qui devient rare dans la musique électronique…

C’est vrai qu’avant on se basait beaucoup sur des samples mais aujourd’hui, encore une fois grâce à la technologie, on n’y est de moins en moins attachés, ce qui ne nous empêche pas d’en utiliser, juste parce qu’on aime ça. On n’utilise pas des samples parce que ça facilite la composition mais davantage parce que l’on aime incorporer des éléments de morceaux que l’on apprécie nous même, des sortes de trésors cachés, que même les musiciens originaux ne pourraient sûrement pas trouver. Nos idées ne tombent pas du ciel, elles nous viennent de nos influences et les samples nous permettent en quelque sorte de leur rendre hommage. Aujourd’hui on ne prend plus de boucles ou de kicks, on utilise davantage les textures qui se trouvent entre tout ça, les silences, les claps singuliers… 

Il y a quelques temps, vous avez collaboré avec Lee Scratch Perry. Comment est arrivée une telle rencontre ? Vous faites partie de mondes tellement différents.

Parfois c’est bien d’avoir un rêve impossible et de tenter de le concrétiser quand malgré les aprioris. Il y a quelques temps Alex a simplement envoyé une lettre à Lee Scratch Perry, en lui disant que l’on voulait  collaborer avec lui, pas pour faire un album de reggae mais quelque chose de plus futuriste tout en incorporant ses influences du passé. On a beaucoup été influencé par le dub alors on s’est dit que ce serait un juste retour des choses de collaborer avec un homme qui a tant fait pour cette musique. On ne savait pas trop à quoi s’attendre, quelle serait sa réaction face à nos instruments, à l’informatiques etc mais bizarrement il s’est senti instantanément très à l’aise. Tellement qu’à la base on ne devait faire que 2 ou 3 morceaux ensemble et que finalement nous avons passé une semaine en studio avec lui et avons récolté 19 morceaux, sortis sur deux albums différents. Comme je disais plus tôt nous sommes en recherche constante de spontanéité et vu que nous n’étions pas préparés à enregistrer autant de morceaux avec Lee nous avons du au dernier moment imaginer des structures, dans l’urgence et donc très spontanément. Il a eu une très bonne influence sur nous, c’était une expérience exceptionnelle. 

En 2013, dans une interview accordée à The Quietus, Alex a confié à un journaliste qu’il ne voyait pas arriver de révolution musicale, comme il en a connu durant sa jeunesse avec le punk puis avec la house. Vous ne pensez pas que la révolution de la techno est en train de se produire ? 

On est en plein milieu de ça effectivement, mais en réalité on assiste davantage à une révolution de la musique électronique en général et la techno en est la figure de proue. 

Quand vous êtes sur scène, il y a toujours des projections derrière vous. Vous pensez que les effets visuels sont importants dans la musique ? 

Pour nous il s’agit juste d’un autre aspect de notre recherche d’atmosphère. Dans un sens nous sommes influencés par la philosophie des premiers djs techno qui se cachaient, qui ne voulaient pas être les stars que tout le monde regarde et que le public se concentre davantage sur la musique. Sur scène on reste toujours dans le noir parce qu’on ne veut pas être le centre de l’attention. Les visuels nous permettent à la fois d’immerger les spectateurs dans notre imaginaire et de nous cacher un peu aussi. Mais oui, les visuels sont très importants. Quand on joue en live les projections sont derrière nous, du coup on ne les voit jamais. Un jour pour voir ce qu’il se passait vraiment, pour se mettre à la pace du public on a posé un miroir à côté de nous. Ce n’était pas une bonne idée parce que dès qu’on le regardait, avec la musique dans les oreilles on était absorbés et on oubliait même de continuer à jouer. Au moins ça nous a permis de nous rendre compte que notre démarche fonctionnait.


The Orb au festival Nuits Sonores

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