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6 décembre 2013

Trans Musicales : interview avec Labelle

par rédaction Tsugi

On parle beaucoup de lui en ce moment, et pour cause : un disque aussi organique et insaisissable, au milieu d’un océan de sorties électro toutes plus cliniques les unes que les autres, ça fait une (belle) tache dans le décor. Labelle nous parle de ses racines, de sa façon de composer, bref, de lui.

Tsugi : La dernière fois que je t’ai rencontré, c’était en mai 2012 à la réunion. Que s’est-il passé depuis pour toi, dans ta tête d’artiste comme dans les faits ?

Labelle : La dernière fois, je ne pensais pas encore à faire un album. J’avais des titres de prêts mais rien n’était encore très clair. J’avais pour idée de faire un EP, mais au fil du temps, ça a glissé vers la gestation d’un album, avec des voix, des textes écrits… Je suis parti en Afrique du Sud deux fois, pour rencontrer un artiste qui se retrouve au chant sur la deuxième piste de l’album, et aussi pour une tournée… En fait, faire un premier album, ça clarifie beaucoup de choses. Dès que tu commences à faire des choix super précis sur des choses qui vont influer sur le résultat, comme le mixage, le nombre de piste, les choix entre les morceaux, ça t’aide vraiment à clarifier ce que tu veux offrir comme artiste, et j’avais besoin de ça.

La sortie de l’album, cela t’a ouvert des portes, des perspectives ?

J’ai vraiment ressenti un intérêt autour de ce que je faisais, notamment depuis que les Inrocks ont publié leur chronique. Il y a une sensation d’émulation, ça amène beaucoup de retour de gens, qui échangent avec moi, qui apportent des idées, genre « tiens, pourquoi tu envisagerais pas la suite de telle ou telle façon », bref, il y a plein de discussions, qui me nourrissent et qui m’apportent beaucoup.

Ta musique semble analysée par les médias comme une sorte de concept immuable, « électro maloya ». C’est pas un peu facile de te résumer ainsi ?

C’est quelque chose que je revendique toujours. C’est mon point de départ. Après, à l’écoute de l’album, je pense que j’ai réussi à structurer les choses, à les rendre plus fluides, plus organiques. Après, ce premier album présente aussi plein de facettes, peut-être que j’essaierai d’envisager d’en explorer certaines de manière plus profonde, à l’occasions d’EPs qui me permettront d’explorer telle ou telle direction, de décliner…

Quels sont les « bénéfices » d’une telle volonté artistique ? ça aide à structurer une direction sonore ?

Comprendre ce que l’on fait, ça aide beaucoup à avancer. Je sors d’une fac de musicologie, j’ai appris à faire un travail de décryptage de la musique que je n’appliquais pas forcément à la mienne au début. Je composais surtout de manière très instinctive, ça venait comme ça. Et puis l’album m’a permis de prendre un peu de recul sur ce que je faisais, j’ai réécouté tout ce que j’avais fait, et j’ai fait une petite psychanalyse sonore, j’ai compris mes techniques de composition. Et de connaître à l’avance les sonorités que tu comptes faire passer, ça aide forcément.

Je me rappelle que tu avais déjà eu plusieurs débats avec ton confrère Kwalud (autre producteur électo réunionnais, ndlr) à ce sujet… vous avez réussi à vous entendre sur le sujet ?

Non, on n’a toujours pas trouvé de terrain d’entente (rires). Kwalud n’est pas dans cette revendicaiton là, mais nos bagages familiaux sont différents. J’ai grandi dans la double-culture, quand j’ai grandi dans les environs de Rennes on m’a toujours considéré comme « le fils du réunionnais », je porte ça en moi et j’ai aussi eu besoin, à un moment, de me pencher sur cette partie que je connaissais mal. En allant vivre à la Réunion, et en explorant ses facettes musicales. Kwalud a un bagage différent, c’est donc normal qu’on ne se comprenne pas tout à fait sur ce point de vue là.

Ce ne sont pas tes premières Trans’, tu y as déjà joué en 2010. Depuis ces trois ans, comment a évolué ta relation avec le festival, et, on l’imagine, avec son directeur Jean-Louis Brossard ?

En fait, j’ai un peu perdu les Trans’ de vue pendant les deux ans qui ont suivi mon passage. Je suis parti en voyage, j’ai déménagé à la Réunion… Ce n’est qu’au moment où l’album a commencé à prendre forme que j’ai envoyé un mail à Jean-Louis, pour savoir s’il ne pouvait pas m’aider à choper des contacts. Je lui ai fait écouter quelques nouveaux morceaux, on s’est remix à échanger régulièrement, et il a décidé de me redonner une place dans sa programmation, assez tôt dans l’année, d’ailleurs. Il m’a beaucoup appris, je sais qu’il a beaucoup parlé de ma musique autour de lui, bref, je luis dois pas mal de choses.

Tu joues tôt, sur la scène principale, devant un public assidu, qui risque de déjà se masser dans le hall 9 pour anticiper la venue de Stromae. Comment tu appréhendes de jouer sur tes terres, dans ce festival avec lequel tu as une histoire ?

C’est vrai que c’est l’une de mes plus grosses scènes. J’espère surtout ne pas m’évanouir pendant les cinq premières minutes ! Plus sérieusement, je pense surtout faire mon live tel que j’ai envie de le faire, et faire de mon mieux, même si une grande partie du public qui sera en face de moi sera en attente d’autre chose. Mais j’ai une place assez confortable au final, Les Gordon (qui joue juste avant Stromae, ndlr) aura la tâche la plus dure !

Tu attends des proches dans le public ?

Oui, mes parents, ma famille et pas mal de mes amis seront là. Ils viennent me soutenir à chaque fois que je joue pas trop loin de chez eux, et c’est vraiment cool de pouvoir compter sur eux.

Quel est ton tout premier souvenir de Trans Musicales ?

Je traîne aux Trans depuis très longtemps, on allait voir des DJ-sets gratos au Village du festival avec des potes, puis au Parc Expo. J’aurais plein de petites anecdotes à raconter sur toutes les éditions que j’ai vécues !  Je me rappelle avoir vu un truc qui s’appelait Cabaret Trash & Tradition il y a pas mal de temps, je me rappelle que ça m’avait vraiment fait dire qu’en fait, ce festival pouvait un peu tout se permettre au niveau de la prog’, et que ça n’existe pas vraiment ailleurs…

Tu as repéré des artistes que tu avais envie de voir ?

J’aimerais bien voir une partie de Stromae, mais aussi Tiloun qui vient aussi de la Réunion le samedi. Sinon, Dakhabrakha, Gang Do Eletro…

L’électro n’a jamais pris autant de place dans le spectre indé, les clubs vont bien, y’a de la house partout… C’est bon pour la diversité ?

Je suis assez critique avec toute cette histoire de renouveau house et techno. J’écoute beaucoup de choses, et j’ai notamment découvert la musique électronique avec les producteurs de Detroit et Chicago, et ce que j’écoute aujourd’hui ne me fait pas dire qu’il y a une innovation. Beaucoup de producteurs actuels composent ce genre de sons et pour eux, c’est leur vérité, mais j’ai peur que l’on retrouve un système que j’appellerais « de gardiens ». Dans le jazz, tu as tous ces groupes qui perpétuent l’existence de toutes les niches de ce style, que ce soit le jazz manouche, le free jazz… La musique électronique se place comme une musique innovante, « du futur », elle a ça dans le sang. Et si des gardiens du bon ordre techno commencent à émerger, c’est un peu dommage. Disons que j’attends de voir si quelque chose de fort émergera de toute cette effervescence, mais pour l’instant, il n’y a rien de très intéressant à trouver dans tout ça, y compris dans les façons de mixer…

Quels sont les producteurs, musiciens que tu respectes particuièrement aujourd’hui ? Et de qui te sens-tu proche humainement ?

Je pense automatiquement à Danyèl Waro, mais aussi Lindigo. Après, j’aimerais bien retravailler avec des artistes sud-africains, il se passe énormement de choses intéressante là bas. Sinon, en électro, je suis toujours fan de Four Tet et jai découvert Sunken Foals que j’adore.

Ensemble (Eumolpe)

www.labelle.re

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