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© Harrison Haines / pexels
25 mars 2025

UK : « aller en club devient un luxe » ?

par Siam Catrain

« Aller en club devient un luxe, et c’est insensé ». Pour la BBC, la DJ-productrice britannique Sherelle auscultait l’état de santé des clubs. Et comme pour toute maladie grave, le traitement coûte cher. La consultation était obligatoire, Tsugi dissèque tout cela.

Ces cinq dernières années, le Royaume-Uni n’a pas seulement perdu sa reine, mais aussi près de 400 de ses clubs. Soit un tiers de ceux présents sur le territoire. La BBC s’est récemment emparée du sujet, en interviewant les acteurs du monde de la nuit… Dont des artistes pas inconnus des pages de Tsugi. Car la question semble en préoccuper plus d’un·e. L’industrie s’y est aussi attelée pour tenter de sauver le soldat « club ».

Mi-février dernier est sorti le 3ᵉ rapport Electronic Beats / Economics Treat de la NTIA (Night Time Industries Association). Dans ces 62 pages où lieux, culture et économie de la musique électronique sont passés au peigne fin, le même constat est dressé : alors que 29 % des artistes qui se produisent dans des festivals sont issus de la musique électronique, qu’ils attirent 3 millions de spectateurs et que l’exportation britannique de musique électronique représente 81.3 millions de £, l’économie des clubs et des festivals tourne au ralenti.

 

Qui veut la peau du club ?

La période du Covid n’aura pas été qu’un long confinement, elle a aujourd’hui des conséquences bien concrètes. La hausse des coûts et la diminution du pouvoir d’achat ont été une corrélation assassine pour les clubs, mais pas seulement. De cet enfermement, les modes de vie ont évolué, tout comme les manières d’écouter de la musique et de faire la fête.

Sur un panel de plus de 2 000 personnes âgées de 18 à 30 ans, deux tiers annoncent sortir moins souvent. Les habitudes de sortie façonnées par le confinement ont tendance à privilégier les soirées privées, à la maison. La performance live est désormais perçue comme un événement spécial et mémorable : un festival ou un concert avec, au line-up, sa star préférée.

 

À lire sur Tsugi.fr : Rave-parties : une nouvelle proposition de loi fait débat

 

Les comportements en milieu festif changent aussi pour les nouvelles générations, impactant indéniablement l’économie des clubs. Selon le rapport, 39 % des 18-24 ans ne boivent pas ou peu d’alcool. Un manque à gagner considérable pour les salles et organisateurs d’événements. Fini les gueules de bois et les comptes à découvert après un week-end mouvementé. La Gen Z, plus alerte des dangers de la boisson, ne rencontre et ne sociabilise plus seulement dans les clubs, mais surtout via les réseaux sociaux.

Évidemment, la ‘mort lente du club’ n’est pas seulement due aux jeunes healthy ultra-connectés. Selon le rapport de la NTIA, 68 % des interrogés affirment que la situation économique les pousse à moins sortir.

 

D’irréductibles clubbeurs résistent encore… mais pour toujours ?

Il reste de l’espoir. D’irréductibles teufeurs résistent encore. Le club demeure le lieu par excellence pour faire émerger de nouveaux acteurs de la scène de demain et encourager les expérimentations musicales. Le Royaume-Uni a toujours été à l’avant-garde en la matière. La capacité de cette musique made in UK à créer des ponts entre les genres a été largement stimulée par ces lieux de rencontres musicales, superposant cultures et récits migratoires. Très justement, le producteur, DJ et boss de label Ahadadream rappelle cette force du club et la nécessité de le protéger :

« C’est parfois le seul endroit où ils se sentent appartenir à une vraie communauté. »

Cette promesse du club, il en fait la sienne. Avec Sam Interface, ils copilotent le projet Dialled In et organisent des événements pour célébrer la musique électronique et les artistes venant d’Asie du Sud. En septembre dernier, ils ont pris d’assaut The Cause, mettant en lumière les incontournables et la scène émergente de cette communauté.

 

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À lire sur Tsugi.fr : Ahadadream : héritage pakistanais, avant-garde londonienne et FIFA

 

Le sentiment d’appartenance, OK, mais où ? Pour organiser ce type d’événement, il faut trouver des lieux qui ne soient pas trop frileux et prêts à prendre des risques : et c’est une autre paire de manches.

Une prérogative que le club Gut Level de Sheffield a su contourner. Sous le modèle de la souscription, ce club LGBTQI+ a réussi à fidéliser ses clients grâce à un abonnement de 2 £ par mois. Avec 5 000 souscripteur·rices, les soirées fonctionnent et le club reste à flot.

De l’espoir subsiste pour les clubs anglais. Mais s’ils veulent toujours exister d’ici à 2029 (année de mort des clubs s’ils continuent à fermer à cette vitesse), certains devront embrasser de nouveaux modèles. On espère alors, pour nos consœurs et confrères teufeurs d’outre-Manche, que l’industrie de la nuit saura suivre et développer méthodiquement les préceptes de Sherelle :

« J’espère que de nombreuses communautés se réuniront. Il y a beaucoup de bricolage. Des choses sont créées. Mais il faut que, physiquement, nous fassions les choses que nous faisons déjà sur les réseaux sociaux. Si nous ne créons pas ces espaces, rien ne se fera. »

 

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À lire sur Tsugi.fr : Le Tsugi 165 ‘Culture Clubs : où va le clubbing ?’

 

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