Skip to main content
© Ollie Adegboye | SSENSE "Une rencontre avec Femi Adeyemi, le fondateur sans prétention de NTS Radio" - Vivien Lee
5 mai 2025

NTS, l’indépendance a quel prix ?

par Siam Catrain

La station indépendante NTS Radio, emblème de la scène underground londonienne, a engagé tous ses actifs — présents et futurs — en garantie d’un prêt contracté auprès du géant Universal Music Group, qui détient déjà 49 % de son capital. Une opération financière risquée qui soulève des questions sur l’avenir de son autonomie. NTS rassure et affirme conserver un contrôle créatif total.

NTS Radio n’a jamais vraiment appartenu à personne. Depuis ses débuts en 2011 dans un container de Dalston, la station londonienne s’est forgée une réputation d’avant-poste global des musiques alternatives. Une plateforme pour les voix périphériques, les sons décentrés, les esthétiques non alignées. Une radio qui, plus que tout, revendiquait son indépendance.
Une vidéo pour exemple :

 

Mais le 21 juin 2023, NTS a pris un virage inattendu. Ce jour-là, Universal Music Group (UMG) est officiellement devenu ce que Companies House appelle une « Person with Significant Control » : une entité détenant  « directement ou indirectement plus de 25 %, mais pas plus de 50 % » des parts de la société. Plus précisément, selon un dépôt complémentaire daté du 23 août, UMG a acquis 68 922 actions à 72,55 £ l’unité, soit un investissement avoisinant les 5 millions de livres sterling pour une prise de participation de 25 %. Depuis, leur part est montée à 9 %, ce qui fait d’UMG l’actionnaire principal de NTS Live Ltd.

 

À lire sur tsugi.fr : NTS Radio dévoile le top 5 de ses meilleurs podcasts

 

Cette prise de participation de UMG n’a donné lieu à aucune annonce publique en bonne et due forme, si ce n’est un mail envoyé aux Supporters, ces auditeurs qui soutiennent la station via des dons mensuels. Le ton y était rassurant, presque joyeux :

« UMG a apporté les bons financements sur le long terme, tout en nous laissant un contrôle total sur la création et l’opérationnel. Ils croient en ce que nous faisons pour les bonnes raisons. »

On promet que rien ne changera : aucun accès aux données d’écoute, aucune influence sur les playlists, aucune obligation de diffuser ou promouvoir les artistes du major.

Mais tout le monde ne lit pas Companies House. Et c’est peut-être pour ça que cette alliance – inhabituelle entre le plus grand label du monde et une station indépendante – est passée presque inaperçue dans la presse spécialisée.

 

2024–2025 : mise sous charge

Un an plus tard, en avril 2025, un nouveau document fait surface. NTS Live Ltd a accordé une « legal charge » à Universal Music Operations Ltd – en clair, un prêt garanti par la totalité de ses actifs. Cela inclut ses biens actuels et futurs, ses baux, ses droits d’auteur, ses marques et ses brevets. Le montant et les conditions du prêt n’ont pas été dévoilés. Mais la nature du contrat est claire : si NTS ne rembourse pas, Universal peut saisir les actifs.

C’est ici que la question de l’indépendance devient moins symbolique que structurelle. NTS insiste : UMG ne possède pas la radio. Juridiquement, c’est exact. Mais dans les faits, le géant du disque a désormais une double emprise : 49 % du capital, et une hypothèque sur l’ensemble des actifs.

 

À lire sur tsugi.fr : LCD Soundsystem dévoile un track inédit sur NTS Radio

 

La station n’a pas souhaité commenter ces nouvelles informations. Le fondateur Femi Adeyemi, toujours listé comme « Chief Commercial Officer », n’est plus reconnu comme personne exerçant un contrôle significatif depuis juin 2023. Pourtant, les messages internes diffusés aux DJs et aux contributeurs continuent d’affirmer une gestion autonome, une ligne éditoriale intacte, et un avenir où rien ne changerait… sauf quelques embauches, une app améliorée, un site plus performant.

 

Alors, NTS est-elle toujours indépendante ?

Dans un contexte où Bandcamp vient de subir les secousses d’un rachat par Epic Games puis d’une revente précipitée à Songtradr, la communauté musicale indépendante reste sur ses gardes. Ce genre de partenariat peut faire rêver sur le papier – financement stable, visibilité accrue – mais il reste à voir s’il ne se transforme pas en cauchemar à coup de ligne comptable et de restructuration.

Pour l’instant, rien n’a changé en apparence. NTS diffuse toujours ses sets de cumbia psyché, de grime obscur et d’ambient texturée. Les résidents sont toujours là. Le ton, la ligne, la programmation – tout semble en place. Mais les bases de l’édifice ont été redessinées, en silence. Et les fondations, désormais, reposent aussi sur Universal.

 

À lire sur tsugi.fr : Floating Points et Jamie XX en B2B sur NTS Radio

 

Visited 73 times, 73 visit(s) today