Depuis la fin de la pandémie, le DJ colombien CRRDR revendique l’identité unique de la musique latine. Mieux, il en propose une version accélérée calibrée pour faire transpirer toute la nuit : le latincore.
Prenez vos musiques latines préférées – reggaeton, dembow, cumbia, guaracha – rajoutez des kicks, et faites grimper le tout autour de 150 bpm. Bravo, vous voilà avec du latincore.
C’est peu après la pandémie que l’idée de ce latincore commence à cristalliser dans la tête de CRRDR, le nom d’artiste de Francisco Corredor. Le Colombien originaire de Bucaramanga gravite alors aux alentours de la scène club de Bogota – et en est particulièrement déçu.
Là où lui et ses potes mixent tout ce qui leur passe sous la main – reggaeton, gabber, mais aussi guaracha ou champeta, deux genres endémiques de Colombie – les clubs préfèrent une techno plus ‘pure’, plus classique ; ils refusent donc de les booker.
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Pas de soucis pour CRRDR et son crew : ils lancent Muakk, à la fois collectif et nom d’une soirée dans laquelle ils peuvent expérimenter. Le public – en partie queer – est au rendez-vous : une révélation pour le DJ où il réalise à quel point les rythmes latins accélérés peuvent captiver public. C’est lors de ces soirées que le latincore prends véritablement forme.
Avec Aleroj, un de ses compères, il fonde alors le label Trampa avec un but clair : produire d’autres artistes du même style, accompagner et faire grandir ce mouvement qui émerge alors.
Mister worldwide
Le latincore s’exporte désormais jusqu’en Europe. Habitant désormais Berlin, CRRDR entend bien éduquer le public européen sur la richesse de la scène club sud-américaine. Dans un set pour Kiosk Radio, on le voit ainsi diffuser ce message : « Latinx music not only is reggaeton » ; une façon de rappeler au Nord ce qu’il se passe hors de sa zone d’influence, et que la culture musicale sud-américaine ne se résume pas à quelques playlists.
Car derrière le package latincore, c’est une myriade de genres qui se tiennent prêt à retourner le club. Du plus mignon UwUaracha (dont le nom référence les émojis kawaïs japonais) au nettement plus hardcore speed dembow et perreo-core, la scène électronique latinx est (très) riche.
Avec une esthétique décalée à coup d’emojis kitsch, de référence années 2000 et de typographies explosées, CRRDR s’adresse à une génération nourrie à Internet et capable de mélanger tous les styles pour danser sur une musique globale — en opposition à l’hégémonie et la codification occidentale.
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En France, certains DJs et producteurs/productrices s’approprient ces sonorités. On pense notamment à Siu Mata et Amor Satyr qui ont sorti en mai le troisième volume de leur bouillonnante série Speed Dembow.
Quant à CRRDR, il a sorti en mai « SORRY BUT THE LATINCORE ». Un single annonçant son tout premier album officiel Latincore Legend, dont la date de sortie n’est pas encore connue. Un titre entre dubstep cru et baile funk transpirant, pour lancer un album qui ira surement encore plus loin dans l’explosion des genres.