Amapola Festival, le pouvoir des fleurs | LIVE REPORT

par | 8 07 2025 | festival, live report

C’était la 4eme édition d’Amapola Festival, festival écoféministe niché dans un coin de forêt des Yvelines. Autour d’une programmation pluriartistique et définitivement engagée, on a vécu deux jours de fête dans une bulle de tendresse et de mains tendues. On vous raconte.

« Amapola, l’oiseau léger qui passe / La rose et le lilas chantent ta grâce / Amapola l’onde où les cieux se mirent / N’a pas autant d’éclat que ton sourire » : ainsi chantait le ténor Tino Rossi il y a plus de 70 ans. En 2025, Amapola c’est un festival axé sur les artistes émergents, dans une mignonne forêt à moins d’une heure de Paris. Le tout ponctué par des performances, talks et ateliers participatifs… Et une prog musicale intelligemment construite.

L’accueil de la forêt

Pour aller à Amapola, le voyage est doux. Départ de Montparnasse, 40min de train, le billet est compris dans le passe Navigo. Après 15 minutes de marche depuis la gare de Gazeran, on pénètre la douce mini-forêt d’Amapola. Pour le retour, des navettes bus sont affrétées toute la nuit direction Paris. On prend soin de nous quand même.

© Corentin Fraisse

Les installations et scénographies renforcent la sensation de safe place, loin de tout. Entre les arbres, plein d’espaces avec canapés, fauteuils, tapis, tipis et abris chaleureux. Des stands de massage (à prix libre) sont aussi là, et des tables-chaises-fauteuils pour accueillir les ateliers au fil du week-end : maquillage pailleté, atelier ‘tampon de lego’, ‘pancarte féministe et pouvoir de soi’… Malheureusement on sera arrivé trop tard pour l’atelier ‘Contraception testiculaire pailletée’ : on n’aura finalement pas levé le mystère. Parmi les stands présents, une ressourcerie pour se faire le meilleur outfit, mais aussi des assos et collectifs comme Les colibris en transition, la Fondation des Femmes, l’Ecolobus ou Les Aliennes.

Musiques de fête

On attend nos bracelets Media au son de Crenoka, tendance hyperpop avec des voix émo rock, ça ressemble à Kenya Grace par endroits (serait-ce une reprise de « All About Us » de t.A.T.u. que j’entends là ?).

On est devant la scène principale pour Laventure, excitante formation de Strasbourg. Rock entre Conan Mockasin et Remi Wolf, et quelques chansons que ne renierait pas Mac DeMarco. L’énergie est là, la chanteuse lead impressionnante de coffre et de justesse, la bassiste (qui a enfilé les chaussettes fleuries d’Amapola pour l’occasion) est un métronome au groove sucré ; la deuxième guitariste réglée comme du papier à musique. Et les harmonies à trois voix… Je n’ai vu cette précision que chez The Staves.

On enchaine avec Liv del Estal, forte de son récent EP à travers les buildings. À l’aise pour poser ses chansons pop sur une techno club / trance / boom boom de fête, elle tient la scène, on est moins fan de l’ambiance ’bouteille de Havana Club sur scène dont je prends une lampée entre chaque titre’ mais les singles sont canons : de « Space invaders » à « l’amour scandaleux » en passant par sa reprise en Français de Kylie Minogue, sortie dans la semaine.

On aura également aimé Maicee, qui mêle hip-hop et électronique comme une Lady Leshurr habillée en poupée effrayante ; le passage du collectif marseillais Maraboutage, fête totale qui mixe tout et n’importe quoi entre afro, bass music, kompa, jungle… et beaucoup d’autres. On retient le set de NoKliché, bien transpirant sur l’excellent soundsystem de la scène Oeil de Paon ; puis celui de Mira Lò venue distiller les pépites, entre la house de Chicago qu’elle aime tant et ses nouvelles amours gavées de basses. (Merci Mira Lò pour ce single sorti chez Nowadays, il va rythmer notre été)

Laventure © C. Fraisse
La rose et le glaive

Le lendemain on a retrouvé le festival assez tôt pour la douce sieste électronique / concert de berceuses prodigué par TRENTE, dans le prolongement de son projet SOPORI FM ; puis Vera Daisies (qu’on avait eue en interview filmée pour son premier single) a réveillé l’assistance avec des compos brillamment construites, une force punk-rock esprit Avril Lavigne 2.0, et un single qu’on a hâte d’écouter dans nos casques (on s’est laissés dire que ça s’appellerait « Can’t blame you ») ; un tour au Bingo Disco pour gagner des paillettes, des shots ou du Poppers.

Flore Benguigui, co-marraine du festival avec Yoa, est venue délivrer un DJ set composé uniquement de très bons choix, jamais loin du disco-funk (entre autres Lazywax, Carl Carlton, Amadou-Mariam-Cerrone ou Bibi Flash) ; DJ Rozilla a envoyé des bastos devant les quelques dizaines de flingués agglutinés sous la tente Calliopé.

TRENTE, Flore Benguigui, Vera Daisies © Love Liebman, Clementine Lefaure, Arthur Loiseau, Augustin Granger

Enfin, deux artistes qu’on avait déjà vus un mois plus tôt à We Love Green, avec la même énergie : Miki, ses compositions brutes et ses textes intimes et puis Claude, révélation scène, toujours aussi acid, efficace, habité et profond. Son album IN EXTREMIS est un grand disque, ses lives méritent de plus grandes scènes. On le dira autant de fois que nécessaire.

Puisqu’il a fallu faire des choix, on n’aura que peu vu (ou carrément pas) Kaba & Hyas, Mon cher guy, Ultranouk, DVDE ou encore Pureblast. M

Cabarets aléatoires et safe place

Amapola c’est donc un festival de musique, oui, mais pas que. En témoigne le plateau humour du samedi, composé de Juliette Clocher, Certe Mathurin et Mahaut Drama, ou encore les spectacles jeunes publics comme Sois soif par la compagnie Feu un rat ou des lectures de contes avec Irène. Le grand bonheur du week-end sous le chapiteau appelé Calliope, ce furent les deux spectacles proposés par le Cabaret Bad Biches.

Là, on s’émeut, on rit, et surtout on chante très fort : on chante à s’en décoller le palais sur « Flowers » de Miley Cyrus ou sur la BO du Rocky Horror Picture Show, on découvre leurs propres compos, et on se régale en les voyant lypsincer sur « C’est beau la bourgeoisie » de DiscoBitch, « Bando » de Anna et Jul ou « Allons Zenfants » de Médine. Ce spectacle c’est un bonheur sans tache, et une sensation assez évidente de safe place, où on se sent vu-e et reconnu-e. On y est retournés les deux soirs, d’ailleurs.

Cabaret Bad BicheS © C. Fraisse
Changer les hommes avec des géraniums

Au fil du week-end on aura également suivi les émissions de la Tsugi Radio, présente sur place : au micro d’Antoine Dabrowski se sont notamment relayés TRENTE, Maicee, Flore Benguigui, Mahaut Drama, reine99 ou encore Solène Galvez, programmatrice et confondatrice du festival. Là, c’était très souvent des moments de douceur supportés par tapis et coussins, où le public mangeait ou brodait en écoutant l’émission de la Tsugi Radio.

C’est d’ailleurs le sentiment qu’on a envie de garder du festival Amapola. Une sensation de sérénité, de bien-être constant et le sentiment de prendre part à une fête engagée. On le sait, c’est immensément difficile pour les festivals et d’autant plus pour les petites structures. Plus de subvention, plus d’argent. D’autant plus en se spécialisant dans la mise en avant de minorités.

En tout cas l’espoir est là puisque ce festival écoféministe, joyau niché dans la forêt, a pris place dans les Yvelines, territoire rural et politiquement ancré à droite. Cela signifie qu’il y a eu du dialogue, que certaines portes finissent par s’ouvrir.

Amapola Festival et ce genre d’initiatives, où l’immense majorité de la programmation, des prises de position et des expérimentations artistiques sont portées par des femmes, c’est non seulement souhaitable mais nécessaire. Voilà pourquoi il faudra continuer de mettre en place ce type d’événements, de les pérenniser, que ce soit dans les endroits les plus accueillants, mais aussi dans des lieux où ce n’était pas gagné d’avance : mettre en avant la culture, dans toute sa richesse et sa pluralité.

Longue vie à Amapola, et croyons au pouvoir des fleurs.


Meilleur moment : le (double) Cabaret Bad Biches et le live de Laventure

Pire moment : le lendemain du festival, en tentant d’apaiser les piqûres d’aoutas

On vous laisse avec notre petit résumé vidéo, ainsi qu’une mini-playlist de ce weekend dans l’écrin d’Amapola Festival :