Le berimbau, de la bossa au baile

par | 12 08 2025 | news

Avec ses sonorités uniques, le berimbau est désormais partout dans la musique du Brésil. À travers lui, c’est la place de la culture afro dans la société brésilienne que l’on peut entendre.

« Dong dong dching » : que ce soit en vous baladant dans les rues de Bahia ou en jouant Eddy Gordo sur Tekken, vous avez peut-être déjà entendu le son caractéristique du berimbau.

Un instrument simple, appartenant à la famille des arcs musicaux : il est fait d’une tige en acier tendue le long d’un morceau de bois, que l’on fait vibrer à l’aide d’une baguette. C’est un des instruments emblématiques de la culture afro-brésilienne.

Et justement, il est d’abord utilisé au sein de la capoeira. Ce sport brésilien qui combine acrobaties, danse et art martial se pratique en effet en musique, et le berimbau en est l’instrument « maître » : c’est lui qui dicte le rythme et la façon dont se déroule le jeu.

À ses débuts, la capoeira est sévèrement réprimée par les pouvoirs publics. Initialement pratiquée par les esclaves, elle est ensuite associée aux criminels. Ce n’est qu’à partir du 20ᵉ siècle qu’elle commence à être légitimé — et c’est tout naturellement que la musique populaire s’y intéresse.

En 1963, le berimbau sort du cadre strictement « capoeira » pour être propulsé à l’échelle nationale. À cette époque, Baden Powell — l’un des guitaristes les plus célèbres du Brésil, réputé pour son interprétation novatrice de la samba et de la bossa nova — se rend dans l’État de Bahia.

Situé dans la région Nord-Est du Brésil, c’est là-bas qu’étaient débarqués les esclaves déportés d’Afrique. La culture afro-brésilienne y est donc particulièrement prononcée. Baden Powell y fait la rencontre de Mestre Canjiquinha, un haut gradé de la capoeira. Celui-ci l’introduit aux sonorités de Bahia, que ce soient celles de la capoeira ou du candomblé, une religion pratiquée par les communautés afro-descendantes. C’est une révélation.

Baden Powell est particulièrement marqué par la samba de roda : une forme de samba, associée au candomblé. Le guitariste décide alors d’inclure ces influences dans ses compositions, afin de montrer l’héritage africain de la musique brésilienne à tout le pays. Il publie donc en l’album Os Afro-sambas.

C’est dans cet album qu’on peut entendre « Berimbau »… une chanson qui ne comporte pas de berimbau. Plutôt, Baden Powell adapte le rythme et les inflexions de l’instrument à la guitare. Et surtout, les paroles de la chanson mentionnent directement la capoeira.

Le morceau devient immédiatement un tube, et d’autres interprètes s’emparent de la chanson. Certains gardent la guitare comme seul instrument à cordes, là où d’autres ajoutent des berimbaus. C’est par exemple le cas de celle de Vinícius de Moraes, un fameux poète brésilien et partenaire de chanson de Baden Powell.

Celle de Nara Leão est également intéressante : la chanteuse reprend le morceau de Baden Powell dans une version similaire à l’originale, mais sort en parallèle une deuxième version, sous-titrée « Ritmo de Capoeira », complètement différente, dans laquelle on entend véritablement l’instrument jouant un rythme de capoeira.

Direction les favelas

À partir des années 80, c’est un tout autre son qui submerge le Brésil. La Miami Bass — ce genre de musique électronique issue du hip-hop — arrive jusqu’au pays, et trouve son écho dans les quartiers défavorisés, les favelas. Électronique, déviante, sexuelle, la Miami Bass a tout pour plaire à une jeunesse minée par la violence sociale et en quête d’un bon défouloir.

L’un des rythmes les plus populaires de ce funk carioca s’inspire du « Planet Rock » d’Afrika Bambaataa. Un rythme composé sur la TR-808 de Roland et servant de base à la plupart des morceaux de cette époque : le « Voltmix ».

C’est sur ce beat que les DJ de Cash Box, l’un des plus importants crew de funk de l’époque, superposent un sample de berimbau, offrant à l’instrument un renouveau sonore.

Un sample qui tourne dans les soirées sans qu’il soit vraiment enregistré officiellement. Ce n’est qu’en 2007 que l’on peut l’entendre dans une version légèrement modernisée par DJ Sandrinho, sur la compilation Baile Funk Masters.

Une véritable histoire qui d’amour qui dure encore entre baile funk et berimbau. Récemment, on a pu l’entendre sur « Junção Berimbau », de DJ Five NK, un morceau sorti en juillet.

MC Menor MT et son morceau « Na Onda Do Berimbau », rendent quant à eux hommage aux origines de l’instrument, en mettant en scène de la capoeira dans le clip — entre deux trois twerks.

Il y a un parallèle à faire entre le berimbau et le baile funk. L’un comme l’autre sont à l’origine associés à des cultures aux marges de la société brésilienne (rappelons que le funk des favelas est encore aujourd’hui criminalisé par la police). Mais petit à petit, leurs sonorités propres sont devenues emblématiques de la musique brésilienne — même The Weeknd s’est mis à faire du baile funk.

La prochaine fois que vous entendrez le fameux « Dong dong dching » du berimbau, vous saurez d’où ça vient.