Compost Collaps, la ‘techlow’ 100% recup | INTERVIEW 

par | 14 08 2025 | interview

Il vient du futur et joue la musique de demain. Compost Collaps, musicien-percussionniste venu tout droit du 22e siècle (c’est lui qui le dit) débarque en 2025 pour prouver qu’on peut faire de la techno sans électricité — uniquement avec des déchets sur-cyclés. Nous l’avons rencontré, entre deux sauts temporels.


Tu dis que tu fais de la ‘techlow-music’, qu’est-ce que c’est ?

La ‘techlow-music’, c’est un genre qui a évolué à partir de la techno du XXe et du XXIe siècle. Il s’est adapté avec les technologies de l’époque : c’est-à-dire les déchets, et le manque d’énergie électrique et de haute technologie.  C’est une musique « à l’énergie humaine », jouée avec des instruments acoustiques. 

Pourquoi « Compost Collaps » ?

Compost, c’est mon nom choisi. Et « Post-Collaps » c’est le nom donné à la période post-collaps, post-capitaliste, post-patriarcaliste. Je suis né en 2094, je viens de cette époque.

Tu utilises quoi comme instrument pour produire ta musique ?

J’ai une CC220, c’est un petit sound system qui se joue seul. Il est composé d’un bidon en plastique de 220 litres pour faire le kick, de multiples plaques métalliques pour faire des snares et des charley, huit tubes télescopiques en polystyrène extrudé à 600 microns d’épaisseur pour faire des basses. Avec ces huit notes, on peut reproduire pas mal de mélodies différentes. Il y a aussi une grande scie passe-partout qui permet de faire des risers, et un baril de pétrole qui ajoute des reverbs naturelles. Ça reste un instrument en perpétuelle évolution.

Je l’ai construit une fois au XXIIe siècle et une fois au XXIe siècle. Ça a été deux processus différents. Au XXIIe siècle, ce sont des matériaux qu’on trouve dans l’environnement et qui sont devenus précieux. Au XXIe, il y a eu une surabondance de tout ça, donc c’était plus facile. Ce sont des produits jetés en quantité industrielle, alors il y en a un peu partout. J’ai la chance d’avoir une salle de répétition dans une chapelle. Et derrière cette chapelle, il y a un énorme tas de ferraille qui est une source inépuisable de matière pour moi. 

Compost Collaps © Marcela Furlan Acosta
Compost Collaps © Marcela Furlan Acosta
Cette manière de faire de la musique permet-elle de faire des choses inaccessibles avec des instruments traditionnels ?

Par rapport à la techno du 21e siècle, ma musique a une vraie touche humaine qui vient de l’imperfection. Tout n’est pas lisse et carré. 

Peu de musiciens et musiciennes arrivent à faire quelque chose d’organique avec des machines. J’avais envie de sortir de cet aspect robotique. La techlow-music, c’est forcément très organique et très vivant. Le corps humain est la base de cette musique, et il joue sans aucune machine pour l’aider : sans looper, sans trigger, sans ordinateur. 

En quoi est-ce la musique du futur ?

Il y a beaucoup moins d’énergie abondante dans le futur et bien moins de moyens de production, de hautes technologies qui permettent de faire les instruments ayant créé la techno au XXIe siècle. On a donc essayé de continuer à faire vivre les musiques dansantes comme on les aime, mais avec les moyens de l’époque.

Comment fais-tu pour jouer de cet instrument devant un public ?

Traditionnellement au XXII siècle, la plupart des concerts sont en acoustique. Je joue donc principalement dans des endroits où l’acoustique s’y prête, comme des chapelles ou des parkings abandonnés. 

Au XXIe siècle, je fais aussi des concerts amplifiés. Avec mon super ingé’ son, on utilise vingt-deux microphones reliés à une console de mixage. On utilise un minimum d’effets pour que le son sorte le plus naturellement possible, en étant juste amplifié.

Compost Collaps © @Christophe.grsm
Compost Collaps © @Christophe.grsm
Au-delà de la techno, quelles sont tes influences?

J’aime les musiques électroniques de toutes origines. Il y a beaucoup de techno, de house, de styles vraiment ‘club’. Et il y a les musiques plutôt traditionnelles qui sont plutôt afro, latino. 

L’avantage de la CC220, c’est qu’on peut aborder n’importe quel style avec n’importe quel rythmique et ça va être assez uniformisé par le fait que les sons ont tous une origine plus ou moins commune. On peut tout faire avec, comme une boîte à rythme moderne.

J’essaie de ne pas m’enfermer dans un style. Dans mes concerts et mes enregistrements, je passe du reggaeton avec une bonne part de techno, à la dubstep, la drum’n’bass, le gabber, l’afrobeat…

Tu as sorti un premier EP en 2024

Oui, c’était un essai parce que personne n’a jamais enregistré une CC220. On a tâtonné avec mon ingé son pour trouver la meilleure manière de prendre les sons, de les mixer, tout en essayant de garder le côté naturel. C’est un exercice en perpétuelle évolution. On est vraiment des chercheurs dans ce domaine-là.

Ta musique est bien reçue par le public ?

Oui, c’est ce qui m’a poussé à développer le projet. J’ai l’impression qu’unanimement, toutes les personnes, qu’elles soient âgées, enfants, qu’elles détestent la techno ou qui au contraire, l’adorent, aiment mon projet. C’est complètement fou, ça les rend hyper joyeux. L’effet que ça provoque chez les gens me dépasse complètement.

Et si tu dois revenir dans le XXIIe siècle, qu’est-ce que tu ramènerais du XXIe ? 

Je ramènerais plein de musique, parce que je suis aussi un mélomane assidu. Je profite de la surabondance de musique qu’il y a actuellement pour me gaver de musique de partout, de tous styles. D’ailleurs je commence à les partager dans des mixtapes, avec tout le monde, sous le nom de DJ Compost. 

Avec tout ça, tu cherches à faire passer quel message ? 

J’ai remarqué qu’à votre époque, pas mal de gens sont soit complètement désespérés de l’avenir et qui se disent que tout est foutu, qu’on va tous mourir, mais qui ne font rien pour éviter ça ; soit des gens qui pensent que la technologie va tout résoudre, alors qu’on sait qu’elle va tout défoncer. 

Moi, j’arrive en disant que le futur n’est pas comme ça. Il est beaucoup plus juste et équitable pour tous les humains. C’est ce que je raconte dans mes concerts. Je montre qu’on peut faire de la musique techno sans technique et sans électricité. Qu’on peut faire perdurer la fête sans moyens délirants. Et ça s’applique à tous les domaines de la société.


Si le projet vous intrigue, vous pouvez jeter un coup d’œil aux Contes de la Post Collaps, une série de clips qui raconte l’histoire de cet artiste venu du futur, en attendant le second album, prévu pour le printemps 2026.