Aux Pays-Bas, une nouvelle scène portée par la diaspora surinamaise

par | 18 09 2025 | news

Une nouvelle scène émerge aux Pays-Bas. Portée par des artistes issus de la diaspora surinamaise, elle offre un son nouveau, loin de la techno emblématique du pays.

Les Néerlandais entretiennent une longue histoire d’amour avec les musiques électroniques. Du gabber des années 1990 à une techno plus contemporaine, les Pays-Bas font partie de ces contrées où il fait froid et où les beats tapent durs. Mais derrière ces kicks effrénés, une nouvelle scène émerge dans les clubs d’Amsterdam, portée par une génération d’artistes issus de la diaspora surinamaise.

Résidant dans le sud-est d’Amsterdam, Prince Pasensi est un des noms emblématique de cette nouvelle scène. Son approche est simple et efficace : il sample les percussions traditionnelles du Suriname – ce pays situé au nord du Brésil et à l’ouest de la Guyane Française, ex-colonie des Pays-Bas jusqu’en 1975 – pour les moderniser façon club.

Sur « LUKU FINI« , paru en 2024, il utilise par exemple un extrait de kawina, un genre né dans les communautés « marrons », soit les descendants des esclaves ayant fui les plantations durant la période coloniale.

Un geste symbolique et important, puisqu’il offre un son dans laquelle la communauté surinamaise peut se reconnaître. « On se bat contre l’effacement et l’oubli » déclarait ainsi au média Pan African Music Lamsi, un autre producteur de cette scène ayant notamment travaillé avec BAMBII,

Comme c’est le cas pour d’autres diasporas, la jeune génération descendante de parents surinamais perd peu à peu son lien avec sa langue et sa culture d’origine. En remettant au goût du jour le kawina et le kaseko — genres nés eux aussi au Suriname — ces producteurs permettent à une génération qui ne se sent pas totalement intégré à la société néerlandaise de s’approprier un espace.

Une trajectoire qui rappelle celle de la batida : ce genre de musique portugais est né de la même manière, les membres issus de la diaspora lusophone ayant mêlé les rythmes de leurs pays d’origines (en l’occurrence, Angola, Cap-Vert, …) à une production club.

C’est donc sans surprise que des membres de ces deux scènes néerlandaises et portugaises ont décidé d’allier leurs talents. Lamsi a par exemple sorti « TYAR FAYA« , un morceau co-produit avec Vanyfox, figure de la batida actuelle.

D’autres artistes cherchent quant à eux à incorporer ces influences surinamaises dans d’autres styles. Le producteur T.NO, par exemple, utilise ces rythmes kawina pour les faire dialoguer avec d’autres genres, comme le baile funk brésilien ou le gqom d’Afrique du Sud.

Si on devait citer pêle-mêle, d’autres artistes du genre, il faudrait mentionner Jarreau Vendal qui propose un style plus proche du R’n’B, Dave Nunes et son excellent remix du groupe Lafayette Afro-Rock Band. Ou encore FS Green, qui a ouvert la voie en jouant du kawina et du kaseko dans ses sets.

Le bubbling

Si le son porté par cette nouvelle scène néerlandaise est frais, il doit aussi beaucoup à un autre genre qui agitait les clubs néerlandais au début des années 2000 : le bubbling.

À la base, le bubbling c’est tout simplement du dancehall accéléré. L’anecdote raconte que lors d’une soirée, un DJ du nom de Moortje, a par erreur joué un 33T de dancehall en vitesse 45T. Résultat : une version accélérée et nerveuse qui a immédiatement fonctionné auprès du public.

Le genre s’est ensuite répandu aux Pays-Bas, au sein de la communauté afro-caribéenne. Il faut dire que le bubbling répondait à un besoin de l’époque : au moment où le hardstyle était en train de conquérir les clubs blancs, le bubbling offrait à cette communauté un genre tout aussi intense dans lequel elles pouvaient se reconnaître.

Deux noms emblématiques de cette scène : DJ Shaun-D et De Schuurmann, qu’on a pu voir au festival Nyokobop l’an dernier. Le label Nyege Nyege Tape a récemment réédité leurs titres, les deux artistes n’ayant jusque-là pas véritablement de catalogue officiel. On peut notamment y trouver l’excellent « Pier Je Bill! » de De Schuurmann et ses steeldrums extatiques.

Mais cette absence de véritables droits sur leur musique a donné lieu à de l’appropriation de la part d’autres artistes. En 2012, le producteur Diplo sortait en effet le titre « Fuck Up the Fun », en collab avec Azealia Banks : plagiat pur et simple de « Mad Drumz Bubbling » de DJ Master-D, le cousin de DJ Shaun-D.

Dans une interview au magazine Crack, Master-D explique : « Il prétendait que c’était une collaboration, mais ce n’est pas vrai. Il l’a volé en premier lieu. Nous voulions l’attaquer en justice, mais il était trop gros« . Si Diplo a depuis retiré le titre des plateformes, Master-D, affecté par cette expérience, a préféré se retirer des clubs. Il est aujourd’hui producteur pour des artistes de rap néerlandais.


Si les artistes actuels de la diaspora surinamaise aux Pays-Bas ont encore du mal à s’imposer auprès d’un large public, leur son est en train de connaître un réel succès. En témoigne par exemple la Boiler Room de Lamsi d’il y a deux ans. De son côté, T.NO tease depuis plusieurs mois la sortie de nouveaux projets. On se tient prêts !