Dave Ball, Soft Cell © Sire Records

DITTER : dance-punk et sexy cringe

par | 29 10 2025 | news, interview

Après un premier disque, Me, Money & Politics, le trio qui mêle rock, musiques électroniques et pop vient de dévoiler son deuxième EP nommé Cringe Is The New Sexy. On les a rencontrés pour en savoir un peu plus sur ce que cache ce nouveau mantra.

Vous l’aurez compris, cet entretien traite des musiques électroniques, de punk, de pop et de cringe. En bref, il s’articule autour de tous les mots-clés que le trio DITTER — formé par Rosa, François et Sam — cherche à transmettre à travers son nouvel EP, Cringe Is The New Sexy, sorti le 29 octobre. Derrière cette phrase se cache une grande réflexion autour de ce qu’on appelle « le cringe ». Dans notre société où tout le monde se juge, où le regard des autres régit celui que l’on se porte, ne serait-ce pas ultra sexy d’être cringe ?

Pour le savoir, le trio s’est mis à l’épreuve. La pochette de leur nouveau disque, shootée par Marina Berault, le prouve. Jets d’eau dans la tronche, grimaces, gants de vaisselle, tutus rose bonbon, petites ailes de fée… « C’était l’escalade du cringe », décrivent-ils en riant. Et pourtant, ça rapproche.

DITTER, "Cringe Is The New Sexy" © Marina Berault
DITTER, « Cringe Is The New Sexy » © Marina Berault

À l’intérieur de cette pochette sur mesure, vous trouverez une bande-son ultra singulière entre pop, rock, punk, noise et sonorités électroniques. Si vous aimez les Yeah Yeah Yeahs ou LCD Soundsystem, vous risquez d’adorer DITTER. Mais attention, de leurs propres morceaux découle une identité bien à eux : le trio ne cherche ni à copier ni à reproduire. Rencontre.

Vous écoutiez quoi quand vous étiez adolescents ? 

Rosa : J’écoutais Garbage ado (rires), je pense notamment au titre « Cherry Lips ». Il y avait pas mal de rock dans mes oreilles, mais j’aimais aussi beaucoup Eminem

Sam : Green Day, Sum 41, blink-182… Enfin, toute la scène punk rock américaine quoi. Mais aussi David Bowie, The HivesLinkin Park aussi, je les écoute même depuis que j’ai cinq ou six ans (rires).

François : C’est ma grande sœur qui a fait toute mon éducation musicale quand j’étais au collège en m’offrant des CDs à Noël. Le premier qu’elle m’a acheté, c’était Alive 2007 de Daft Punk. Je l’ai vraiment écouté en boucle. Après, je me suis tourné vers Rage Against The Machine, les Red Hot Chili Peppers… Ce genre de trucs (rires).

DITTER © Marina Bérault
DITTER © Marina Berault
Vous avez des goûts musicaux très complémentaires. Comment avez-vous commencé à travailler ensemble ?

François : On s’est rencontrés dans un studio à Montreuil. À la base, on travaillait tous sur un autre projet — celui de Rosa, Denys Roses — puis on s’est mis à créer ensemble. Et un peu accidentellement, on a composé une autre musique. 

On a directement trouvé ça hyper cool, même si c’était un autre univers que ce qu’on souhaitait faire à la base. Alors, on a décidé de donner un nom à cette nouvelle entité, et DITTER est arrivé. 

D’où vient cette envie de mélanger punk, pop et musiques électroniques ? Quelles sont vos références en la matière ?

Rosa : Pour notre deuxième EP, on a pu prendre en réf’ les Yeah Yeah Yeahs. C’est un trio, ils ont une dynamique similaire à la notre. Et puis, musicalement, ils vont d’abord vers le rock pour passer à une musique plus électronique avec des synthés eighties… Ce qui, finalement, donne des chansons très pop. 

François : C’est un truc qui a un peu évolué, mais on a moins de références précises. Avant, on disait peut-être : « Ah tiens, eux ils ont fait ça, alors on va faire la même chose ». Aujourd’hui, c’est davantage : « Ah ils ont fait ça ? Venez, on ne fait pas pareil » ! On veut trouver notre propre identité. 

Mais évidemment qu’on est très inspirés par d’autres artistes. Je pense à LCD Soundsystem par exemple. Ça nous imprègne. Mais il faut l’écouter, le digérer, en prendre quelques éléments et non pas le refaire à l’identique. 

Cringe Is The New Sexy, c’est votre deuxième EP après Me, Money & Politics. Qu’avez-vous eu envie de raconter à travers ce titre très évocateur ?

Rosa : En fait, le morceau éponyme en lui-même parle de danse, du fait de se lâcher au milieu de la foule sans faire attention au regard des autres et au regard que l’on se porte. Surtout dans ce monde un peu dicté par les réseaux sociaux et le flot d’informations, le cringe est un mot utilisé à toutes les sauces, pour dire tout et n’importe quoi.

Qu’est-ce qui est cringe, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Un jour, on est arrivé au studio en se disant : « Mais oui en fait, cringe is the new sexy », parce que ça révèle beaucoup de choses sur nous. Ce qui est sexy dans le cringe, c’est justement qu’il nous apprend à mieux nous connaître. Et ça nous questionne aussi : jusqu’où peut-on aller ?

François : Et puis on a beaucoup discuté entre nous. On s’est dit : « il faut être cringe du coup ? ». On avait même des réticences parfois parce qu’on se trouvait trop cringes (rires). Mais justement, c’est qu’il fallait qu’on aille par là. On était à fond dans l’escalade du cringe (rires). Finalement, ça a été des heures de discussion. Mais ça confirme ce que disait Rosa, le cringe nous apprend à voir nos failles, à mieux nous connaître. 

Sam : Ce qui est intéressant aussi, c’est que dans le cringe, il y a énormément de jugement. Et finalement, ce qui nous cringe chez les autres, c’est ce qui nous cringe chez nous. Ça vient aussi du fait qu’on est très durs avec nous-mêmes. C’est toute cette discussion qu’on a eue. Finalement, on s’est créé une safe place.

En fait, c’est carrément punk d’être cringe ?

(Tous rient)

François : On s’est rendu compte que les gens qui nous cringent ont confiance en eux. Ils agissent avec aplomb et ne sont pas forcément conscients du regard des autres… Et c’est hyper fort. C’est ça « Cringe Is The New Sexy » en fait.

En défendant ce disque sur scène, il y a forcément un lâcher-prise. Que se passe-t-il quand on va voir DITTER en live ?

Rosa : Évidemment, à la base, quand on joue, on a envie de se lâcher. Alors, dans nos concerts, on essaye de pousser les gens à le faire également. D’ailleurs, c’est très communicatif, je pense qu’ils se lâchent en fonction de la manière dont on le fait. 

François : On apprend à maîtriser notre cringe tous ensemble (rires)

Quel est votre morceau préféré de l’EP ?

François : Je pense que c’est « Way To Cool For You ». Je trouve qu’on a atteint un équilibre qui nous représente bien. Je sais qu’à chaque fois que je l’écoute, je suis trop content de ce morceau. 

Rosa : Pour ma part, c’est « Cringe Is The New Sexy ». Pour la première fois, je suis allée dans un registre de topline où je ne suis pas tellement dans le contrôle, et c’est volontaire. Ça m’a poussée à aller ailleurs. Le morceau n’est d’ailleurs pas facile à performer en live, il demande une grande énergie. Il me challenge à chaque fois. 

Sam : « You Need A Break ». C’est un morceau qu’on a littéralement construit en live. On l’a beaucoup joué, c’était un peu le climax du concert d’ailleurs. Et puis on chante le refrain vraiment tous ensemble.  

Le sujet me parle énormément aussi. Ça fait aussi écho à notre métier, on ne voit pas le burn-out arriver, puis on a du mal à faire de pauses car on est maître de notre propre rythme. C’est très parlant, en plus d’être beau (rires).

En écoutant ce nouveau disque, je me suis dit : « wow, ils ont tout lâché », surtout avec le final du dernier morceau « Eternity ». Est-ce que vous qualifierez cet EP de cathartique ?

Rosa : Carrément. Tous les titres sont arrivés à certaines périodes de nos vies — respectives et communes — et ça a résonné très fort dans la construction de l’EP.  « Eternity » pour le coup, a davantage le volet chanson pop que les autres. Et en même temps, il y a ce noise à la fin qui vient créer une rupture. Peut-être qu’il résume aussi le son qu’on fait tous ensemble.

François : Ça rejoint un peu ce qu’on disait tout à l’heure. « Cringe » ne veut pas dire ridicule, c’est aller à fond dans un truc sans prendre en compte le regard des autres. Et je me souviens, quand on a fait « Eternity », on voulait décrire le cosmos, l’univers. C’est pour ça qu’il y a de tout : de la voix chantée, de la voix criée… C’est notre univers. 

Et c’était calculé de terminer sur ce morceau en particulier ? 

Rosa : On ne le voyait pas ailleurs (rires)

François : C’est une fin d’EP, il clôt un chapitre et appelle la suite. 

J’ai vu passer sur Instagram que vous aviez fait appel à Hackin’ Toys pour avoir votre propre contrôleur MIDI, pourriez-vous m’en dire un peu plus ? 

François : Depuis septembre, on monte un nouveau show, et on a fait concevoir le contrôleur MIDI spécialement pour le live. Il fait amplement partie de la scénographie ! Donc, il faudra venir le voir le 13 mars à La Maroquinerie (rires)

Plus sérieusement, il y a aussi quelque chose de très intéressant avec Hackin’ Toys. Comme c’est un particulier, on a commencé à construire cette machine avec lui, mais elle va aussi grandir avec nous. C’est-à-dire qu’on va pouvoir lui rendre, lui faire augmenter ses capacités… C’est un investissement sur le long terme. Elle n’est pas définitive et limitée comme ce qu’on peut trouver sur le marché. 

Rosa : C’est un vrai travail collaboratif, évidemment, il y a sa patte sur le style du contrôleur. C’est super intéressant comme démarche et c’est un gars très chouette. 

Sam : C’est vrai que c’est un élément de scénographie que tout le monde remarque. On voulait une scéno’ à la fois forte et minimaliste… Et ça fonctionne bien, car on vient tout le temps nous voir à la fin des concerts en nous demandant qui nous a fabriqué ça. 

Le mot de la fin ? 

François : Là on vient d’apprendre qu’on était sélectionnés aux MME Awards, c’est une superbe récompense. Et donc on va aller jouer à Groningen aux Pays-Bas en janvier. 

Rosa : Ce sera notre première fois aux Pays-Bas, donc ça va être chouette. 

DITTER © Marina Bérault
DITTER © Marina Berault

Cringe Is The New Sexy c’est dispo maintenant sur toutes les plateformes ! Et sinon, retrouvez DITTER en concert le 13 mars à La Maroquinerie. La billetterie, c’est par ici.