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8 juin 2016

En direct du Movement Festival à Detroit

par rédaction Tsugi

Au fil des nuits et des afters à Detroit, on remarque vite une chose. Pas une seule soirée sans que des fêtards locaux n’ait ce fameux mot à la bouche. « Detroit electronic Christmas ». Ou plus simplement : Movement. Pour les amateurs de musique électronique, le Movement Festival est une référence plus que musicale, un symbole : la célébration du lieu de naissance de la musique techno. Alors imaginez l’attente de toute une ville lorsque la dixième édition anniversaire de l’événement se prépare.

Dès l’ouverture des portes à midi, la foule se masse sur les différentes scènes réparties en plein cœur du centre-ville de Detroit : l’emplacement de l’événement au milieu des buildings (juste devant les tours de General Motors) au bord de la rivière symbolise parfaitement la symbiose entre la musique techno et son lieu d’origine. Durant trois jours, c’est au cœur de Detroit que le son de la Motor City résonnera. Et de quelle manière.

© Brandon Rabotnick

C’est justement un local bien connu du milieu qui lance réellement les festivités : habillé en hippy fêtard, Seth Troxler semble encore plus décontracté qu’à son habitude. Normal, il joue à la maison : son set techno saupoudré de house music à la tombée du jour marque le premier beau moment de communion avec le public de l’événement. Juan Atkins et Moritz Von Oswald viennent prendre la suite pour présenter leur dernier disque Borderland : Transport. Malgré la douceur des explorations sonores du duo, l’ambiance redescend un peu (beaucoup). Peut être aurait-il fallu les programmer plus tôt. Une fois que l’obscurité de la nuit reprend ses droits, on part s’enfoncer dans le sous sol de la scène underground pour retrouver Scuba, qui s’impose par sa musique brut de décoffrage. Comme d’habitude, ça cogne fort, très fort. Et la température (déjà suffocante) continue encore de monter dans le sous sol, endroit où il fera sans doute le plus chaud de tout le festival. Histoire de continuer dans le registre de la finesse, son homologue Len Faki prend la suite avec un set tout aussi rentre-dedans. C’est clair, net et précis.

© Doug Wojciechowski

On part alors souffler un peu à l’extérieur, pour retrouver la tête d’affiche (parfaite) de cet anniversaire : Kraftwerk. Déjà adulés quelques mois auparavant au Masonic Temple, les quatre allemands sont de retour pour un best-of de leur discographie, avec lunettes 3D distribuées à l’entrée du site. Tandis que le meilleur du groupe défile (Computer World, Tour de France, Autobahn, The Man Machine) on est surpris du nombre de festivaliers présents : les autres scènes sont presque désertées tandis que Kraftwerk déroule son show face à la tour de General Motors. Tout un symbole. Un peu plus tard dans la nuit, on se retrouve dans un after-show en compagnie de deux autres figures mythiques : Juan Atkins et Derrick May se relayent aux platines du musée d’art contemporain de Detroit pour une prestation résolument techno jusqu’au petit matin.

Le lendemain, Loco Dice nous accueille en début de soirée avec un set que Berlin ne renierait pas tant sa techno fait vibrer les alentours. Un peu bourrin pour une mise en bouche. On se réchauffe alors sur l’excellente prestation du Canadien Tiga, venu présenter son dernier disque avec un set techno tourné vers ses influences de toujours, la new wave. Juste après, le duo Âme se charge d’ouvrir les prestations de début de soirée avec de la vraie musique allemande, froide et hypnotique, tandis que le soleil se couche peu à peu derrière la rivière. Une expérience. Ellen Allien est-elle aussi allemande, mais elle s’éclate dans un tout autre registre : faisant fi des genres, elle nous met un grand sourire sur le visage en dansant derrière ses platines et en alternant titres électroniques bondissants et perles funky estampillés années 80, sans aucune retenue. Et ça marche ! On enchaine alors avec Eddie Fowlkes, 4eme créateur de la techno (mais oublié par l’histoire) qui rappelle bien qu’il était là dès le début avec un superbe set 100% techno de Detroit. Après ça, on peut aller au lit tranquille.

© Brian Mitchell

Il fallait en effet garder beaucoup de forces pour le dernier jour : les yeux fatigués, le pas moins vif, on sait pourtant que la dernière nuit risque bien d’être la plus longue. En début de soirée, le britannique John Digweed sort une prestation cosmique qui tranche avec le reste des artistes qui l’ont précédé : sa musique, mélodique et puissante, est une invitation au voyage les yeux fermés. Un peu plus tard, c’est une autre figure de Detroit qui anime les festivités : Delano Smith, le monsieur house de Detroit depuis 30 ans, régale la scène Beatport, avant de laisser sa place à Marc Kinchen, qui livre un set dans la continuité de son prédécesseur. A l’autre bout du festival, on entraperçoit Joseph Capriati qui livre une prestation feutrée, raccord avec la fin de journée et début de nuit. Feutré, son successeur ne l’est absolument pas : dans le sous sol de la scène underground, Boys Noize commence à passer ses disques sans tenir compte de l’heure (20h30!) et envoie des bombes techno d’Underground Resistance et de turbine à tout va. La folie s’empare de l’endroit, on sue à grosses gouttes : ce garçon là sait retourner les foules. La fête continue encore juste après avec un B2B tech-house entre Claude Von Stroke et Green Velvet face à une audience tellement resserrée que l’on visualise définitivement l’engouement actuel des américains pour DirtyBird et consorts.

C’est pourtant du côté de la Grande Scène que l’on va vivre le dernier beau moment de ce festival (sans doute l’un des meilleurs) : autour de 23 heures, deux têtes bien connues des lecteurs de Tsugi apparaissent aux platines et haranguent la foule sans arrêt. « A New Error » raisonne, et nous met un immense pincement au cœur, tellement le titre est encore plus prenant en live. Oui, ce soir, les Modeselektor sont les rois du festival. Et ils ont l’air particulièrement heureux de clôturer la soirée : plutôt que de faire dans la complexité, le duo allemand déroule des titres ultra-efficaces (mais ô combien délicieux) qui réveillent les festivaliers les plus crevés. On se serait presque cru dans un stade.

Plus tard dans la nuit, on finit dans un club de Detroit en compagnie de Nina Kraviz. Malgré l’heure tardive et un début (très) poussif, la Russe reprend le contrôle des choses et nous offre une prestation fulgurante et hypnotisante sur la fin. La qualité de ses choix de vinyles y est pour beaucoup. Alors que le soleil se lève sur Detroit, on part finalement se coucher. Pendant trois jours, la ville de Detroit s’est transformée en fête à ciel ouvert. Festival, bars, clubs, restaurants… pas une seule rue sans entendre de la techno, du lever jusqu’au coucher du soleil. On comprend alors pourquoi les habitants de Detroit fan de musique parlent du festival Movement comme d’un Noël electro : cette année encore, c’est toute une ville qui a célébré sa musique, un peu comme une fête de famille. Tous ensemble, et dans la joie.

Meilleur moment : Ellen Alien qui clôture son set à Detroit en passant « Voyage Voyage » de Desireless. Kamoulox, vous dites?

Pire moment : les groupes de fous religieux plantés à l’entrée du festival qui hurlent aux festivaliers qu’ils écoutent la musique du diable avant de leur implorer de ne pas prendre les « pilules du démon » . L’Amérique…

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