À écouter : cet EP techno de DJ Varsovie, entre camping et ténèbres

Le prince du camp­ing DJ Varso­vie revient avec un nou­v­el EP, Her Clone, dévoilé hier. 

Prob­a­ble­ment l’un des DJs le plus far­felu de la scène tech­no française (à l’in­star de Salut c’est cool ou Jacques), l’an­cien « man­nequin pour les vieilles » et boss du label Inter­vi­sion reste fidèle à ce pour quoi il est doué : une tech­no under­ground, som­bre, aux inspi­ra­tions goth­iques, contre-balancée par des mélodies emprun­tées au syn­th­wave. Ou, plus sim­ple­ment dit, « de la musique de bal à tra­vers des enceintes cassées », comme il le décrit lui-même.

Deux­ième EP de 2020 — après Alien Love Songs sor­ti en avril dernier — Her Clone vient com­pléter la discogra­phie de DJ Varso­vie qui compte à présent cinq max­is. Servi avec le clip « A Slow Dance With Love & Death » dans lequel il joue un Edward Cullen tor­turé en chemise à fleur dans un ball­room vide (aus­si disponible en ver­sion non cen­surée pour les plus curieux), l’EP se com­pose de qua­tre morceaux qui mêlent cold­wave, tech­no et EBM. Il a beau essayé de faire peur avec du sang sur le vis­age et un regard noir, on recon­naît dans cet EP l’auto-proclamé prince du camp­ing dévoué à sa devise : 50% camp­ing, 50% ténèbres. Ren­con­tre avec un grand poète.

Con­nais­sant ton tal­ent pour les his­toires, confie-nous celle que tu cherch­es à racon­ter avec ce nou­v­el EP

L’his­toire est tou­jours la même, elle n’a pas changé depuis mes 18 ans… Quand je me suis fais pla­quer, jeter comme un vieux chif­fon, comme ces mou­choirs rem­plis de merde que l’on trou­ve sur les ter­rains vagues ou à l’orée des bois mal fréquen­tés. Le disque est un témoignage de mes errances dans les plus infâmes clubs de tan­go, les pires dis­cothèques, les camp­ings au bord de la fail­lite, à la recherche du même spec­tre, d’un vis­age fam­i­li­er, de ma jeunesse, d’un clone qui se serait caché pen­dant dix ans et qui aurait décidé de ressur­gir à mon con­cert, comme appelé par mes lamen­ta­tions incan­ta­toires, alarme silen­cieuse du bruit des larmes sur le sol, échos secrets du déchire­ment du monde.

 

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Parle-nous aus­si de ton clip : quelles inspi­ra­tions l’ont nourri ?

Ma pas­sion pour la moto en a été une des pre­mières, j’ai tou­jours rêvé rejoin­dre le club des Hells Angels de Nor­mandie dans un ter­ri­ble road trip à tra­vers la France, allé dra­guer dans les Buf­fa­lo Grill et puis… les inter­minables par­ties de flip­per à la fin de l’été, quand le soleil se couche sur la Camar­gue, vivre dans un west­ern à taille humaine, retrou­ver la trace du par­adis per­du sur les nationales crevassées, le vent sur le vis­age, comme quand nous étions enfant sur la plage, cette sen­sa­tion d’é­ter­nité face à l’év­i­dence de la Terre. Le clip retrace ce par­cours jusqu’au point de non-retour, à la recherche du spec­tre blessé de ma jeunesse, dans les plus mon­strueux danc­ings d’Eu­rope, les bars qui sen­tent le foutre et la mort, à tra­vers les cristaux trou­bles du sen­ti­ment. C’est une quête per­due d’a­vance, une mis­sion sui­cide pour repêch­er sous la lave, le pre­mier amour.

Le clip retrace ce par­cours jusqu’au point de non-retour, à la recherche du spec­tre blessé de ma jeunesse, dans les plus mon­strueux danc­ings d’Eu­rope, les bars qui sen­tent le foutre et la mort, à tra­vers les cristaux trou­bles du sentiment.”

Y a‑t-il des col­lab­o­ra­tions sur cet EP qu’on doit connaître ?

Oui, une col­lab­o­ra­trice secrète, il y a un an et demi je suis tombé amoureux de la cais­sière du Fran­prix de Hyère-les-Palmiers mais je n’ai jamais osé le lui dire alors j’ai fait cet infect disque de com­plaintes, c’est ce que font les boloss de mon genre, les lâch­es, ceux qui trem­blent et se frot­tent le sexe le soir sur un clic-clac en pleurant.

Art­work

Tu as eu envie de faire quoi en créant le track éponyme « Her Clone », moins tech­no que les autres titres ?

Le disque entier est une com­pile de musique de bal enten­due à tra­vers le prisme d’un mau­vais appareil audi­tif, comme un vieil­lard argentin venu une dernière fois à la milon­ga pour voir le monde en vie avant que lui la quitte, et qui entendrait, allongé dans sa demi-mort, les valses d’As­tor Piaz­zol­la comme la rumeur d’une jeunesse loin­taine, comme on entend la retrans­mis­sion d’un match sur une mau­vaise radio, les par­tic­ules d’un autre temps, l’ap­pel de la vie.

Par­lons con­fine­ment et coro­n­avirus pour faire orig­i­nal : on peut inter­préter « Anoth­er World » comme un track nos­tal­gique du dit « monde d’avant » ?

« Anoth­er World » est sûre­ment une de mes chan­sons les plus cochonnes, elle met en scène les rêver­ies d’un alien, ses songes d’une autre galax­ie où il pour­rait ren­con­tr­er l’amour de sa vie, ses aspi­ra­tions au voy­age inter­galac­tique, un alien goth­ique et amoureux de l’in­con­nu. Le seul par­al­lèle que je peux faire avec le con­fine­ment est que j’ai eu moi aus­si recours, à l’in­star de cet alien, au soulage­ment per­son­nel si vous voyez ce que je veux dire… Je vais m’ar­rêter ici car cette his­toire ne regarde que moi et le dossier “Yoga” où je cache mes pornos.

Par­mi les qua­tre morceaux qui com­posent l’EP, lequel a la car­rure pour être un tube de l’été ? D’ailleurs, c’est quoi, tes tubes de l’été à toi ?

Je pense qu’ils sont tous à leur façon des tubes de l’été… Enfin, des fins d’étés, des fins d’étés som­bres et lugubres, fins d’étés sor­dides, quand l’ac­ci­dent arrive sur l’au­toroute du soleil. Je pense que le morceau par­fait pour faire un ton­neau c’est « Anoth­er World », il a un côté un peu Fast & Furi­ous, le morceau pour boire seul sur la plage c’est « Under The Lights », et pour danser le slow avec quelqu’un qui pleure ou l’om­bre de son ex c’est « Her Clone ». Pour finir, « Feel Young Again”, c’est plus pour se grif­fer le torse sur Skype devant une cam girl, on est presque déjà en automne avec ce morceau, c’est la chan­son la plus mélan­col­ique du disque.

Sinon, en ce moment je n’é­coute plus grand chose car je deviens sourd (cette infâme mal­adie me donne l’im­pres­sion de tailler une pipe au dia­ble), mais si je peux vous faire une petite sélec­tion, je dirais :
— Blink 182 — « Down »
— Cor­byn — « Dragged »
— Georges Brassens — « Le 22 septembre »
— Nerd — « Hyp­no­tize You »
— Ennio Mor­ri­cone — « Le Vent Le Cri »

En ce moment je n’é­coute plus grand chose car je deviens sourd (cette infâme mal­adie me donne l’im­pres­sion de tailler une pipe au diable).”

Deux­ième EP de l’an­née, c’est généreux… C’est quoi la suite ?

Alors, plusieurs ter­ri­bles pro­jets devront voir le jour dès sep­tem­bre, pro­jets qui devraient ravir les danseurs de mam­bo de tous les pays, les “psy­chos du danc­ing”, comme on les appelle à Toulon. À la ren­trée, le clip de mon funeste slow « Elle Venait De Saint-Nazaire » sor­ti­ra sur la com­pi­la­tion Nad­sat pro­duite par Because. S’en suiv­ra To Live & Die In Syd­ney, en col­lab­o­ra­tion avec Tony Tur­bo, une com­pi­la­tion d’ADM (Aus­tralian Dance Music). Pour la petite his­toire, nous avions été invités en 2019 au Tox­ic Inva­sion Fes­ti­val Aus­tralia, cette expéri­ence nous ayant beau­coup mar­qué, nous avons par la suite décidé de pro­duire un disque hom­mage à cet ancien bagne, roche devenu fleur qu’est l’Australie.

Plusieurs autres dis­ques sont en pré­pa­ra­tion dont Death Angel, l’ap­pari­tion de l’ange de la mort dans un club de Tor­cy, une com­pile dance­floor avec des remix­es de Paul Seul, Impe­r­i­al Black Unit, End Of Mor­tal Life, Lag & Influx. Je garde le reste sous silence pour l’in­stant, au cas où Alfre­do Pani­ni, mon infâme rival, déciderait de me vol­er mes idées.

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