Kiddy Smile à l'Elysée en 2018 / ©LCI

Les Disques Du Lobby veut être la plateforme musicale de la scène LGBTQI+

Prise de tem­péra­ture de la scène LGBTQI+. Com­ment se porte-t-elle ? Ou en est-on ? Xavier Pau­fichet nous éclaire à l’oc­ca­sion de la sor­tie du track de Tom­my Mar­cus sur sa jeune plate­forme, Les Dis­ques du Lob­by, qui promet pour le moment un track inédit tous les mer­cre­dis. Pour Tsu­gi, il nous par­le de Kid­dy Smile, de Madon­na, d’elec­tro­clash ou de scène gay des années 2000.

C’est quoi exacte­ment Les Dis­ques du Lob­by ? Un label ? Une plateforme ?

Dis­ons que c’est une plate­forme puisqu’il n’y a pas le côté com­mer­cial du label. Elle prend la forme d’un compte Sound­Cloud, où chaque mer­cre­di, nous met­tons en ligne un contenu.

Pourquoi choisir de ne sor­tir qu’un seul son tous les mercredis ?

Pour mon­tr­er qu’il se passe beau­coup de choses et qu’il y a tou­jours de la nou­veauté à apporter. Au début, [il y a deux mois, ndlr],  j’avais peur de ne pas arriv­er à tenir la cadence, mais quand je regarde aujourd’hui que mes jours de sor­ties sont bookés jusqu’à mi-septembre, je suis soulagé de me dire qu’il y a de la musique à pro­duire dans tous les sens !

Rassem­bler les artistes de cette scène et faire leur pro­mo­tion car ils n’ont pas assez de vis­i­bil­ité dans les grands médias.”

Tu as choisi de faire inter­venir unique­ment des artistes français issus de la cause LGBTQI+, une raison ?

J’ai fait ce choix pour deux raisons. La pre­mière, afin de rassem­bler les artistes de cette scène et la sec­onde, pour faire leur pro­mo­tion car ils n’ont pas assez de vis­i­bil­ité dans les grands médias.

Cette scène dont tu par­les sem­ble enfin com­mencer à obtenir l’at­ten­tion qu’elle mérite. Mais pourquoi seule­ment maintenant ?

Elle existe depuis tou­jours et dans tous les styles musi­caux comme le rock, la house ou la tech­no, seule­ment, elle a man­qué de vis­i­bil­ité car c’est une scène très under­ground qui est née dans les petits clubs. Aujour­d’hui, elle est davan­tage vis­i­ble car il y a des portes-paroles qui le sont aus­si un peu plus comme Kid­dy Smile ou plein d’autres. Par exem­ple, l’année dernière aux Vic­toires de la Musique, dans la caté­gorie artistes féminines de l’an­née, qua­tre des cinq nom­mées étaient les­bi­ennes, donc cela mon­tre bien que l’on avance. Il y a cepen­dant un autre souci, c’est la vis­i­bil­ité qu’on a du mal à accorder aux jeunes artistes.

J’al­lais juste­ment t’en par­ler. Y a‑t-il encore du chemin à faire au niveau des book­ers et des pro­gram­ma­teurs pour met­tre en avant ces producteurs.trices et DJs ?

Oui, il y en a encore beau­coup. Dans les soirées éti­quetées queer, les­bi­ennes ou gay, je vois beau­coup d’artistes mis en avant qui n’ap­par­ti­en­nent pas à cette scène, et il en va de même pour les line-up des Pride. C’est dom­mage, car on a une scène riche avec des artistes hyper intéres­sants, et c’est l’occasion pour les pro­gram­ma­teurs de mon­tr­er cette richesse là. Je pense à quelque chose dans la représen­ta­tion chez les per­son­nes inter­sex­es : les kids, chez eux, pensent qu’il n’y a pas d’artistes qui les représen­tent alors qu’en réal­ité, il y en a. Il faut met­tre en avant ces gens-là, car ils exis­tent, et je trou­ve que c’est impor­tant pour les jeunes de s’identifier à des artistes, car c’est ce que l’on fait tous. Par exem­ple, dans les années 80, plein de femmes s’identifiaient à Madon­na parce que c’est une femme forte, ce qui, en retour, a ren­voyé un sym­bole d’af­fir­ma­tion. C’est pareil avec Kid­dy Smile, lorsqu’il est arrivé à l’Élysée avec son t‑shirt frap­pé d’un “Fils d’im­mi­grés, noir et pédé”. La représen­ta­tion de ce qu’il est et de ce qu’il a ren­voyé a provo­qué un cer­tain déclic chez les per­son­nes qui l’ont vu. Elles se sont dit “oui, on peut y arriv­er et on peut le faire”. Après, c’est assez déli­cat car il y en a qui ne veu­lent pas se pro­jeter ou en par­ler mais je pense qu’il faut être atten­tif aux artistes qui revendiquent leur dif­férence de genre ou de sex­u­al­ité pour les met­tre davan­tage en avant et les ériger en porte-paroles de cette communauté.

 

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Je reviens sur la track de Tom­my Mar­cus qui vient de sor­tir, où l’on est claire­ment sur une tech­no assez uptem­po. Est-elle représen­ta­tive d’une esthé­tique sonore pro­pre aux Dis­ques du Lobby ?

Je ne veux pas qu’il y ait de couleur musi­cale par­ti­c­ulière pour Les Dis­ques du Lob­by. J’essaie de représen­ter tout ce qui se fait autour du spec­tre tech­no, house, noise, pop. j’ai con­tac­té Tom­my Mar­cus car il est sur la scène gay et club depuis tou­jours. Il a pro­duit ce son en hom­mage à l’univers du milieu des années 2000, où il jouait très sou­vent en after.

Il faut être atten­tif aux artistes qui revendiquent leur dif­férence de genre ou de sex­u­al­ité pour les met­tre davan­tage en avant et les ériger en porte-paroles de cette communauté.”

Juste­ment, parlons-en. Com­ment vois-tu l’évo­lu­tion de la scène gay depuis les années 2000 ?

Elle est bien plus diver­si­fiée qu’à l’époque ! Au milieu des années 2000, tout était com­par­ti­men­té, si bien qu’on écoutait soit de la trance, soit de la house ultra-vitaminée ou bien de la pop. Et à côté de ça, la scène les­bi­enne avec l’electroclash comme au Pulp. On se rend compte aujourd’hui que toutes les bar­rières sont tombées car tout le monde s’inspire de tout le monde. Il y a moins ce côté clanique qui domine, donc je trou­ve dif­fi­cile de définir une esthé­tique sonore issue de ces communautés…

Et vous ? Vous ne voulez pas aller plus loin avec Les Dis­ques Du Lobby ?

Si, bien sûr, à terme j’aimerais lancer “Les Nuits du Lob­by”, avec soirées et nuits live en bookant des artistes déjà passés chez nous. Pour le moment, on est encore à la genèse du pro­jet puisque ça ne fait que deux mois qu’on s’est lancé, donc je n’ai pas envie de me pré­cip­iter. Et puis, j’ai réus­si à obtenir une rési­dence chez Tsu­gi Radio, donc c’est déjà pas mal pour un début, non ?

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