Capture d'écran du documentaire "Ex-Taz Citizen Cash"

À voir : le docu sur la grande époque des raves et soirées illégales en France

Avec le doc­u­men­taire Ex-Taz Cit­i­zen Ca$h, enfin disponible sur YouTube, la réal­isatrice Xanaé Bove nous propulse dans le passé à la grande époque où les raves et soirées illé­gales, débar­quées avec la house, par­tic­i­paient d’une immense utopie collective.

Pat Ca$h fut le mot de passe des soirées fin 80 jusqu’à dis­paraître devenant une métaphore de la TAZ (pour Zone d’Autonomie Tem­po­raire)” : ain­si com­mence Ex-Taz Cit­i­zen Ca$h, fan­tas­tique doc­u­men­taire de la réal­isatrice Xanaé Bove réal­isé en 2016, qui en se ser­vant de cette fig­ure tutélaire et mythique de la nuit et de la musique que fut Pat Ca$h, des années 80 au milieu des 90, en prof­ite pour racon­ter toute une époque où Paris ne pen­sait qu’à danser et s’amuser illé­gale­ment, et sans penser plan de car­rière et bil­let­terie. Une péri­ode bénite où le punk se mélangeait au hip-hop qui se mix­ait avec l’acid-house, une musique qui ne ressem­blait à rien et qui com­mençait à point­er le bout de son nez.

Pat Ca$h à droite

Jeune mec brun, à la beauté et au charme qui sédui­saient autant les filles que les garçons, il était le  bat­teur de Cos­mic Wurst, groupe de rock alter­natif réputé pour jouer n’importe quoi, très vite, très fort, et le plus sou­vent à poil, le corps entière­ment recou­vert de pein­tures de couleurs dif­férentes. Pat Ca$h, bad boy à la gueule d’ange venu de ban­lieue, n’avait qu’un seul objec­tif : faire de la musique, organ­is­er des fêtes, se défon­cer. Et surtout pass­er d’une tribu à l’autre — des zoulous sapés comme des princes aux jeunes rappeurs en survêt Adi­das, des soirées avec petits fours aux squats illé­gaux — mix­er le rap à la tech­no, le punk à l’acid house, à une époque où le mag­a­zine Actuel avait lancé le con­cept de Sono mon­di­ale, tout en mul­ti­pli­ant les looks (nu sous un man­teau de four­rure ou en total look cité et sports­wear) ou les coupes de cheveux les plus improbables.

À tra­vers Pat Ca$h, son côté extraver­ti et empathique, son culot insond­able et du drôle d’itinéraire de cet ovni noc­turne, c’est toute une époque qui se déroule à tra­vers images d’archives rares, fly­ers nos­tal­giques comme une madeleine de Proust, et témoignages pré­cieux (le dis­quaire Sal Rus­so, l’organisateur et fon­da­teur du label Rave Age Records Manu Casana, l’hal­lu­ciné psy­ché Juan Trip, le DJ Dee Nasty, l’animateur culte de radio FG Patrick Rog­nant, Christophe Vix, co-fondateur du pre­mier fanzine tech­no Eden, Loïk Dury, pro­gram­ma­teur, et bien d’autres).

Ex-Taz c’est avant tout une his­toire oubliée dans les mémoires du club­bing parisien, loin des légen­des établies, friquées et chic, que furent le Palace et les Bains Douch­es, une idée de la nuit qui court de la fin des années 80 au milieu des 90, quand une nou­velle forme de fêtes, plus libres, plus illu­minées, plus vision­naires, plus démoc­ra­tiques, plus alter­na­tives et plus sociales se met en route avec l’avènement des raves illégales.

C’est ain­si une pure jouis­sance de retrou­ver des images des pre­mières fêtes organ­isées à Mozi­nor ou celles qui se sont tenues dans le park­ing sous l’Opéra de la Bastille, au Fort de Champigny, à Bercy, dans le tun­nel de la Défense, de se rap­pel­er cette péri­ode mag­ique où les infos s’échangeaient par info­line, sur les ondes de Radio FG ou Nova, par le bouche à oreille quoi ! Cette époque mag­ique où les bou­tiques de dis­ques comme BPM de Sal Rus­so ou Rough Trade étaient l’épicentre de la house, de la tech­no, de l’acid, du break­beat, cette musique sor­tie de nulle part qui arrivait des Etats-Unis et d’Angleterre. Ces années où dans un ter­rain vague de Stal­in­grad, dont on enjam­bait le mur, Dee Nasty fai­sait tourn­er sur la tête les pre­miers danseurs de hip-hop, où Chez Roger Boite Funk au Globo toutes les tribus parisi­ennes dan­saient d’un même élan.

Ex-Taz Cit­i­zen Ca$h, ponc­tué de cita­tions per­ti­nentes de l’écrivain Hakim Bey (qui a con­cep­tu­al­isé le con­cept de TAZ pour “Zones d’Autonomies Tem­po­raires”), fait le point sur ce grand bor­del non organ­isé, sur cette poignée d’années où tout était pos­si­ble. Où les pou­voirs publics n’avaient pas encore légiféré sur ces fêtes illé­gales, où les poli­tiques n’avaient pas encore sor­ti leurs amende­ments pour empêch­er ce joyeux bor­del, où l’ecstasy deve­nait la drogue d’une généra­tion, où les médias, les mar­ques et les pro­duc­teurs véreux n’avaient pas encore mis la main sur ce qui allaient leur rap­porter par la suite beau­coup d’argent, où les DJ’s n’étaient pas les stars qu’ils sont devenus, où la mix­ité et le mélange étaient encore des valeurs d’espoir.

Le doc­u­men­taire, enfin disponible gra­tu­ite­ment sur YouTube, est le lieu rêvé pour se plonger dans un bol de sou­venirs pour les plus anciens, et de rêver à des jours meilleurs pour les plus jeunes. L’occasion de se rap­pel­er de cet âge d’or parisien qui à par­tir de 1994 cessera d’être un rêve. Alors qu’au même moment Pat Ca$h, vision­naire de génie épuisé par ce qu’était devenu cette utopie, ce qu’il avait con­tribué à faire naître, dis­parais­sait pure­ment et sim­ple­ment pour se réfugi­er en Israël et étudi­er la Torah. Comme une autre manière de rester dans la rave.

Retrou­vez le doc­u­men­taire Ex-TAZ Cit­i­zen Ca$h en inté­gral­ité sur YouTube
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