Album du mois : Gruff Rhys — American Interior

Gruff Rhys aime l’Histoire, la vraie, celle avec un grand H. Pour son doc­u­men­taire Sep­a­ra­do, le Gal­lois s’était déjà penché sur ses pro­pres racines, allant pour­chas­s­er son loin­tain aïeul Dafy­dd Jones jusqu’en Patag­o­nie. Cette fois, pour son qua­trième album solo, le chanteur des Super Fur­ry Ani­mals est par­ti sur les traces de John Evans, un explo­rateur du XVI­I­Ie siè­cle qui a quit­té son Pays de Galles natal pour Bal­ti­more en 1792, afin de retrou­ver les com­mu­nautés gal­lois­es des con­trées améri­caines. Voilà pour le cadre his­torique dans lequel se des­sine cet Amer­i­can Inte­ri­or haut en couleurs.

Un album en forme de road movie, conçu sur les routes de son ancêtre, et qui évoque autant de paysages sonores : on y patauge dans les marais du Sud (“The Swamp”), on trinque sur un air de coun­try craché par un vieux juke­box (“100 Unread Mes­sages”), on se promène avec nos­tal­gie au bord du Mis­sis­sip­pi (“Walk Into The Wilder­ness”). Sur la route de Saint-Louis, Gruff a d’ailleurs trou­vé un com­pagnon en la per­son­ne de Kliph Scur­lock, bat­teur des Flam­ing Lips, qui accom­pa­gne le Gal­lois dans ses cav­al­cades, entre petits con­certs et tra­ver­sées du Mis­souri, et jusque dans ses odes les plus épiques (“Lolo”). Puis, entre toutes ces Amérique racon­tées, on retrou­ve Gruff sur ses pro­pres ter­res, ça et là, au détour d’un refrain nos­tal­gique (“The Last Con­quis­ta­dor”), d’une bal­lade roman­tique (“Year Of The Dog”), ou d’un con­te, non pas de fée mais de tigre, avec la com­plainte lan­goureuse “Tiger’s Tale”. Piano et cordes de vio­lon sur­gis­sent avec grâce (“Lib­er­ty (Is Where We’ll Be)”), juste avant la bizarrerie de l’album : l’exotique “All­wed­del­lau All­wed­dol”, un titre en forme d’onomatopée qui débute sur des choeurs d’enfants dont on ne com­prend pas très bien la langue. Une mélodie entê­tante, hyp­no­tique, avec des change­ments de rythmes bru­taux, déli­rants, qui lais­seraient croire que Gruff Rhys aurait ingéré de drôles de plantes pen­dant ce voy­age dans l’Amérique pro­fonde. Après Yr Atal Gen­hed­laeth (2005), Can­dylion (2007), et Hotel Sham­poo (2011), le Gal­lois con­tin­ue sa quête intro­spec­tive et sem­ble se faire plaisir avec Amer­i­can Inte­ri­or. Et quand il se fait plaisir Gruff, ça nous fait plaisir.

Amer­i­can Inte­ri­or (Caroline/Universal)