© Catharina Gerritsen

Altin Gün : “on n’a jamais eu l’intention de faire passer notre musique à la radio”

À l’oc­ca­sion du fes­ti­val Rock en Seine, qui fêtait ses vingt ans cette année, on a ren­con­tré Jasper, mem­bre de Altin Gün. On s’est retrou­vé un same­di après-midi, en plein cagnard à quelques heures de leur pas­sage sur la grande scène. On a pu par­ler de leur expéri­ence des fes­ti­vals, des inspi­ra­tions musi­cales du groupe, des objets qu’on leur jette par­fois sur scène…

 

Vous allez donc jouer dans quelques heures avec le groupe, com­ment tu te sens ?

Jasper (Altin Gün) : Bien ! Le temps a l’air d’être au beau fixe.

 

Le temps est-il impor­tant pour vous ?

Jasper : Bien sûr, oui. S’il n’y a que de la pluie et des orages, ce ne sera pas la même ambiance. Mais oui, et puis c’est super, on joue sur une grande scène et on la partage avec des légen­des comme Cypress Hill et Chem­i­cal Broth­ers. Quand on com­mence à faire de la musique, on ne s’at­tend jamais à partager la même scène que ce genre de noms. C’est très excitant.

 

Cypress Hill et The Chem­i­cal Broth­ers vous ont-ils inspirés à un moment donné ?

Jasper : Pas néces­saire­ment, mais leur musique a tou­jours été présente depuis qu’on est adolescents.

 

Ce n’est pas la pre­mière fois que vous jouez à Paris. Vous êtes venus en mai dernier pour un con­cert au Cabaret Sauvage. J’aimerais savoir ce que tu ressens à l’idée de revenir ici, à Paris ?

Jasper : C’est génial, parce que la France en général, et Paris en par­ti­c­uli­er, ont tou­jours été accueillants.

 

Tu veux par­ler du pub­lic, par exemple ?

Jasper : Tout ! Les salles, le pub­lic, les sta­tions de radio… Tu sais, notre musique est un style très par­ti­c­uli­er. On n’avait jamais eu l’in­ten­tion de la faire pass­er à la radio, ce n’é­tait pas un objec­tif quand on a com­mencé. On voulait juste ren­dre hom­mage à cette musique folk­lorique turque. Et puis, je pense que la France a été l’un des pre­miers pays qui l’a vrai­ment reprise et qui a com­mencé à la faire pass­er en radio. L’un de nos pre­miers gros con­certs était aus­si en France, à Rennes, aux Trans­mu­si­cales. C’est tou­jours une bonne chose pour nous de revenir en France !

 

Votre dernier album est sor­ti en mars. Tu dirais qu’il y a une dif­férence entre l’ex­péri­ence du fes­ti­val et celle dans les salles comme juste­ment au Cabaret Sauvage ?

Jasper : Oui, le fes­ti­val c’est tou­jours par­ti­c­uli­er… Tu sais, il y a beau­coup de gens dans la foule qui ne vien­nent pas for­cé­ment que pour toi. Quand tu joues dans une salle, tu sais que tout le monde est là pour toi. Ils ont acheté un bil­let pour te voir. C’est donc tou­jours un peu plus plaisant, d’une cer­taine manière, on est par­fois un peu plus nerveux avant un grand con­cert comme celui-ci parce qu’on ne sait pas com­ment va être le pub­lic. Parce qu’on ne sait pas com­ment le pub­lic va réa­gir. Mais c’est bien qu’on fasse les deux. J’aime vrai­ment faire des fes­ti­vals mais aus­si des con­certs dans des salles.

 

J’ai lu quelque part que vous aimiez jouer dans les mêmes salles quand vous faites des tournées, c’est vrai ?

Jasper : Ça dépend, surtout depuis qu’on a com­mencé. Dans la plu­part des pays, les salles sont plus grandes qu’elles ne l’é­taient il y a quelques années. Mais par exem­ple, on a déjà joué au Tri­anon, et la pre­mière fois on l’a fait une fois… puis quand on est revenus, on a fait deux con­certs d’af­filée. Et c’est quelque chose qu’on aime vrai­ment faire, car on peut choisir de jouer dans une salle deux fois plus grande, mais on peut aus­si faire deux con­certs dans une salle plus petite.

 

Et c’est ce que vous préférez ?

Jasper : On préfère ça oui ! Parce que c’est agréable d’être dans une ville pen­dant un cer­tain temps et de ne pas sim­ple­ment y aller en voiture, de jouer ton con­cert et de par­tir pour la ville suiv­ante. C’est aus­si plus facile de com­mu­ni­quer avec le pub­lic, de sen­tir l’am­biance de la salle quand l’en­droit est plus petit.

 

Vous préférez les petites inter­ac­tions avec le pub­lic, mais com­ment pouvez-vous le faire pen­dant un fes­ti­val ? C’est plus difficile ?

Jasper : On le fait tou­jours, bien sûr ! Quand on joue pour un pub­lic et qu’on voit un pub­lic qui nous regarde, il y a tou­jours une inter­ac­tion. Mais c’est un peu plus facile quand il y a au max­i­mum 2 000 per­son­nes ! Ça dépend tou­jours, par­fois on joue dans un fes­ti­val et on remar­que que l’a­vant est très ent­hou­si­aste… et que l’ar­rière, moins. Mais par­fois ça a aus­si à voir avec le son. Quand tu joues à l’ex­térieur et que le son n’est pas par­fait, ou qu’il y a une autre scène où les gens à l’ar­rière enten­dent deux choses en même temps… C’est plus dif­fi­cile d’at­tir­er la foule.

 

 

Pen­dant la tournée, avez-vous/prenez-vous le temps de composer ?

Jasper : Oui, par­fois on fait des démos. On les com­mence par exem­ple sur ordi­na­teur, et on con­tin­ue à tra­vailler dessus quand on est dans le van, en route pour le prochain con­cert. Par­fois, on essaye même des nou­veaux titres pen­dant le sound­check. Et si ça arrive plusieurs fois, on se dit : “Ok, main­tenant c’est assez bon, on peut l’in­clure dans le set.

 

Avez-vous déjà pen­sé à faire quelque chose de totale­ment dif­férent, comme un autre genre de musique ?

Jasper : Je pense que ce que nous jouons, c’est déjà un mélange de plusieurs gen­res, mais c’est tou­jours turc. Et beau­coup de chan­sons sont de vieilles chan­sons folk­loriques turques. Pen­dant la pandémie, on avait fait deux albums. Le sec­ond n’est sor­ti que sur Band­camp. On ne l’a jamais sor­ti physique­ment. Et tout l’ar­gent qu’il a rap­porté était des­tiné à une asso­ci­a­tion car­i­ta­tive, pour la pro­tec­tion de la nature. Cet album a été réal­isé presque entière­ment de manière élec­tron­ique et presque entière­ment à la mai­son. Dans ce monde de la musique folk­lorique turque, ana­toli­enne, on peut vrai­ment expéri­menter en la com­bi­nant avec beau­coup d’autres gen­res. Mais oui, je pense que pour le prochain album, on com­mence douce­ment à tra­vailler sur de nou­velles idées. Il pour­rait être moins folk­lorique. Nous pour­rions essay­er d’écrire plus d’o­rig­in­aux, d’u­tilis­er moins de chan­sons folk.… On ne sait pas encore. On n’est pas très con­ceptuels, on voit sim­ple­ment où l’in­spi­ra­tion nous mène.

 

Mais y a‑t-il quelque chose qui vous inspire en ce moment ? Quelque chose que vous écoutez ?

Jasper : Tou­jours, oui. On est six dans le groupe, on écoute un peu la même musique, mais cha­cun a des goûts dif­férents. Mais on prend générale­ment de petits aspects des choses qui nous inspirent et on les com­bine avec ce que nous faisons déjà, ou ce que quelqu’un d’autre apporte. C’est tou­jours un mélange de toutes sortes d’in­flu­ences. En général, il n’y a jamais un musi­cien, un genre ou un album qui nous inspire tous au même instant. Ça peut être, je ne sais pas, du rock and roll des années 50 ou du rock­a­bil­ly, mais ça peut aus­si être du hip-hop des années 90… On n’est pas vrai­ment un groupe qui se con­cen­tre sur un genre musi­cal en particulier.

 

Et pour ter­min­er, quelles sont les choses les plus folles que vous ayez vécues en tant qu’artiste avec le pub­lic pen­dant les festivals ?

Jasper : Tu sais, on n’est pas vrai­ment un groupe punk ou quelque chose comme ça qui sauterait dans le pub­lic et plongerait sur scène.  Notre musique est plutôt douce d’une cer­taine manière. Il y a de l’én­ergie, mais ce n’est pas une énergie agres­sive, je sup­pose. Mais je pense que lorsque nous avons com­mencé à faire des con­certs plus impor­tants, c’é­tait incroy­able de voir que les gens com­mençaient à chanter avec nous et à par­ticiper à nos chan­sons. Il y a des chan­sons où, par exem­ple, Merve fait des claque­ments de doigts et demande au pub­lic de faire de même, et la pre­mière fois que tu vois des cen­taines de per­son­nes faire ça, c’est vrai­ment spé­cial. Par­fois même, les gens lan­cent des objets sur scène.

 

C’est vrai ? Comme quoi ?

Jasper : Des fleurs surtout.

 

Vrai­ment ? C’est mignon.

Jasper : Je veux dire, les fleurs, c’est bien. Ça pour­rait être pire. Ça pour­rait être une culotte.

 

Exacte­ment. Je pen­sais à ça en fait.

Jasper : C’est prob­a­ble­ment arrivé aus­si. Je pense qu’il y a eu quelques occa­sions. Nous ne sommes pas ce genre de per­son­nes (rires) Il y a tou­jours quelques bizarreries dans le pub­lic, mais c’est aus­si ce qui rend les choses agréables. C’est bien de voir que les gens se lais­sent aller, se décoif­f­ent et appré­cient sim­ple­ment la musique, mais il n’y a pas d’his­toire folle en par­ti­c­uli­er que je pense pou­voir vous racon­ter main­tenant, désolé. J’aimerais avoir une his­toire juteuse (rires)

 

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Si vous comptez les voir en Europe en 2023, il va fal­loir vous dépêch­er : Altin Gün jouera à Ham­bourg le 20 sep­tem­bre, puis passera par la Suède, la Norvège et le Dane­mark… avant de s’en­v­ol­er pour quelques dates aux Etats-Unis.