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Credit Photo : Quentin Caffier
8 mars 2019

Arnaud Rebotini, parrain du BPM Contest 2019 : « C’est celui qui le désire le plus qui y arrive à la fin »

par Pier-Paolo Gault

Que de bpm ! Après avoir reçu l’année dernière un César de la meilleure musique originale pour le film 120 battements par minute de Robin Campillo, Arnaud Rebotini est cette année le parrain d’honneur du BPM contest. C’est que cet artiste de musique électronique aujourd’hui incontournable connaît bien ça, les bpm … Commençant sa carrière en 1997 avec le groupe Black Strobe, il s’est illustré comme figure de proue du mouvement electroclash, avant de se lancer en solo, fonder son propre label, se frotter à des expérimentations autant visuelles que sonores, gagner les prix qu’on lui connaît et même être parrain de l’édition 2019 du Disquaire Day.
A l’occasion de la finale du BPM Contest qui aura lieu le 22 mars (avec Irène Drésel, Mila Dietrich, IA, et Yuma Guma pour finalistes) il nous en dit plus sur son statut de parrain, son rapport à l’évolution de la scène électronique, et donne des conseils pour la jeune création.

Et voici la BO du film, pour agrémenter la lecture !

Et si vous êtes plutôt Spotify …

Tu peux nous parler de ta participation en tant que parrain au BPM ?
C’est arrivé un peu comme ça. Mon tourneur m’a proposé de parrainer le tremplin et j’ai accepté par solidarité de la scène. Je pense que c’est important de participer à ce genre de choses, d’utiliser sa notoriété pour promouvoir ce genre d’événements, et aussi faire profiter un peu de mon expérience des machines et de la production auprès de jeunes artistes. Concrètement, ça s’est traduit par des discussions informelles avec les participants. J’en ai rencontré certains, on a discuté de leurs façons de faire, ils m’ont posé des questions. « Tu me conseilles quel synthé pour faire-ci, pour faire-ça, quelle posture, quoi, qui, comment… » ce genre de choses ! Ca me plaît bien de conseiller et de partager mon expérience avec des jeunes artistes. Je fais souvent des masterclass dans les conservatoires ou des séminaires de MAO.

La scène électronique contemporaine est-elle aussi créative qu’à ton époque ?
Aujourd’hui, il y a un renouvellement de la scène, notamment avec l’arrivée des filles. C’est vraiment une bonne chose. On n’est plus qu’entre mecs, et je trouve ça assez cool cette nouvelle diversité. En plus, ça donne une toute nouvelle visibilité à la musique électronique. Même si, musicalement, c’est vrai qu’il n’y a pas de grande révolution, comme on a pu en connaître dans les années 90. En fait, je pense qu’il est difficile d’avoir des changements importants en musique tant qu’il n’y a pas de nouvelles technologies ou de bouleversement sociaux. Là, avec l’arrivée d’internet, on a tout virtuellement dans son laptop : on est en fait dans l’aboutissement d’une tendance « home studio » qui remonte au début des années 80 avec la naissance de la house et de la techno. On est sur cette tendance, et on arrive au bout. La dernière nouveauté, c’était la drum and bass, très prometteuse au départ, mais qui n’a finalement pas vraiment décollé. Sinon, on peut aussi voir qu’il y a un gros revival de la fibre analogique en ce moment. Des métissages, mais qui ne sont pas fondamentalement une grande nouveauté. Tant qu’on a pas quelque chose de nouveau, que je ne peux pas prédire, je pense qu’il sera très difficile d’avoir une révolution.

Dans le magazine Tsugi de mars, Laurent Garnier disait qu’il se sentait particulièrement en phase avec cette scène. Et toi ?
Oui, c’est pareil pour moi. Musicalement, je ne me sens pas du tout en décalage avec la scène actuelle. Au fond, les influences restent les mêmes. Il y a finalement peu d’évolutions, donc c’est assez naturel, je pense, pour des gens de la génération de celle de Laurent ou de la mienne d’être en phase avec ce qui se passe actuellement. Je joue un peu avec Cabaret Contemporain qui sont plus jeunes que moi, et je partage aussi souvent des soirées avec de jeunes musiciens.

Comment un jeune artiste électronique peut-il percer en 2019, selon toi ?
Aujourd’hui, c’est très difficile de surfer sur des courants de manière pérenne. Alors je pense que seules les vraies personnalités vont se dégager. Il faut arriver avec une personnalité forte, quelle qu’elle soit, autant dans sa musique que dans son image, qui permettra de sortir du lot, par rapport à toute cette masse de gens qui peuvent produire dans leur chambre. Avoir un peu de caractère, donc. Ensuite, j’aurais tendance à dire qu’il ne faut pas hésiter à se réduire le champs des possibles. Eviter de tout faire avec son laptop, éviter d’avoir tous les sons de la terre jamais créés à portée de main et plutôt se créer un petit set-up pour se donner une personnalité en termes de son, de production et de composition.

Tu penses que la contrainte peut aider à se forger une identité ?
C’est dans la contrainte qu’on trouve la créativité. La liberté absolue, c’est quelque chose d’extrêmement anxiogène. Avoir des barrières et quelques repères, c’est important. L’Humain a été conçu pour gérer le manque et maintenant il faut qu’on gère l’abondance. Je pense que c’est aussi en faisant des choix parfois radicaux qu’on peut trouver une créativité plus facilement et éviter de se perdre dans les possibilités infinies qu’offrent aujourd’hui internet et les ordinateurs. La profusion des sons et du matériel c’est une difficulté en moins, mais ce n’est pas ça qui va te propulser vers une proposition artistique géniale. En fait, tout ça, c’est une histoire de désir, et non de d’accessibilité à du matériel. En fin de compte, c’est celui qui le désire le plus qui y arrive à la fin. Et ça, c’était la même chose à mon époque ! C’est intemporel. Si tu as cette énergie, la volonté et l’envie – une personnalité – je pense que ça ne devrait pas être difficile de surnager cette quantité de propositions amateures.

Les tremplins comme le BPM peuvent-ils aider à percer ?
Evidemment, tout est bon pour avoir de la visibilité ! Le BPM permet en plus de donner une certaine crédibilité au gagnant. Dans toute l’histoire du rock et de la pop il y a des tonnes d’exemples de gens qui ont participé à des tremplins et qui sont devenus des groupes importants. Ca me semble être une bonne voie !

Quels sont tes prochains projets personnels ?
Je suis en train de monter une petite tournée autour de la BO de 120 battements par minute. Je la ferai avec mon nouveau groupe, le Don Van Club, composé de huit musiciens : un violon, un violoncelle, une flûte, une clarinette, un marimba/vibraphone, un clavier, une harpe, et moi-même au synthé. Je travaille à de nouveaux arrangements, et cette tournée donnera suite à un nouvel album. Et je sors aussi le 13 avril un autre album : sept titres, uniquement électroniques cette fois, que j’ai faits pour Fix Me, le spectacle de danse contemporaine d’Alban Richard.

J’ai remarqué qu’il y avait plus d’instruments acoustiques dans tes productions récentes !
J’ai des périodes comme ça ! Avec Black Strobe, par exemple, je cherchais à frotter l’electro à quelque chose de plus rock. Maintenant, je suis dans une période où j’ai envie de m’ouvrir des perspectives, faire ce que j’ai pu faire pendant plusieurs années en live avec des synthés mais en utilisant d’autres instruments. Pour arriver à quelque chose d’un peu plus posé, et aussi de plus mature, sûrement.

Tu as un nombre de bpm préféré ?
En fait, mes bpm préférés, c’est pas 120. C’est 123 ! En réalité, le morceau « 120 battements par minutes » est lui-même à 123 bpm (rires). J’aime bien 123 ! J’ai fait plusieurs morceaux comme ça. Déjà, ça fait « 1, 2, 3 » et puis c’est un tempo ni trop lent ni trop rapide. Plus house que techno d’ailleurs. Même si en live, je suis souvent un peu au dessus !

 

La finale du BPM Contest se tiendra le 22 mars au Badaboum à Paris.

Arnaud Rebotini sera quant à lui en concert le 16 mars à Atabal à Biarritz, le 17 mars à l’Auditorium-Orchestre National de Lyon.

Le spectacle Fix Me d’Alban Richard avec Arnaud Rebotini se déroulera le 26 mars à l’Opéra de Rouen et le 6 avril au Théâtre Louis Aragon à Tremblay-En-France en banlieue parisienne.

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