Skip to main content
Crédit : Nicolas Grosmond
23 avril 2019

Brice Coudert directeur artistique du Weather Festival : « L’envie de véhiculer des messages à travers notre programmation »

par Lolita Mang

J-5 avant le Weather Festival. Qu’importe le temps qu’il fera, l’évènement prendra place à la Seine Musicale ce samedi 27 avril dès 20 heures et jusqu’à 10 heures du matin. Après deux ans sans lui, on ne tient plus en place. D’autant plus depuis qu’on a discuté des évolutions de la scène techno et des meilleures horaires pour enflammer le dancefloor avec Brice Coudert, directeur artistique du festival, de Concrete et du label Concrete Music (oui, c’est un homme occupé).

Pour ce retour du Weather, vous avez prévu une programmation avec beaucoup de noms très pointus, ce que l’on n’a pas vraiment l’habitude de voir. Quelle était la volonté derrière ce line-up ?

La volonté était de faire quelque chose de vraiment dans l’ère du temps. La musique électronique est devenue tellement populaire ces dernières années et les festivals tellement nombreux qu’on ne voyait pas l’intérêt de faire jouer des artistes que les gens ont déjà eu l’occasion de voir partout. Contrairement au début de la décennie, une grosse partie du public est beaucoup plus informée, exigeante, et en demande de nouveautés. On le voit à Concrete, mais également dans les nombreuses fêtes en Warehouse qui attirent beaucoup de monde avec des programmations très underground et plus portées sur la musique que sur la popularité des artistes.

Une autre particularité de cette programmation, sur 21 artistes, 10 sont des femmes. En outre, les pays représentés sont très variés parmi les producteurs : Corée, Portugal, Maroc… C’était important pour toi cette diversité là ?

Outre le coté purement artistique, on avait envie de véhiculer des messages à travers notre programmation. Même si le vivier d’artistes masculins issu des grandes villes comme Berlin ou Londres est énorme, on voulait que notre line up fasse passer un autre message, et montre qu’il était possible de proposer une programmation variée en terme de genre et de provenance des artistes, sans forcement baisser en qualité. Il y a aujourd’hui des artistes incroyables partout dans le monde et de tous genres. On voulait le montrer.
 Notre culture est censée rassembler les gens de tout horizons. Les line ups doivent donner l’exemple.

C’est un combat que tu as toujours défendu, d’éduquer les gens et de leur ouvrir l’esprit….

J’ai toujours une idée derrière la tête quand je fais une programmation. Eduquer est un grand mot, mais disons que j’essaie de faire passer des messages avec mes line ups. Le message pour le 27 avril est résumé dans le manifeste qu’on a publié au lancement de l’event. On aimerait que le public change ses habitudes dans sa manière d’envisager les festivals et ne tombe pas bêtement dans l’appât des line ups à gros headliners qui offrent à peu près tous la même chose un peu partout en Europe. Le festival Dekmantel à Amsterdam l’a bien compris d’ailleurs et a également réduit drastiquement le nombre de gros noms sur son affiche. Il reste malgré cela un des évènement les plus courus en Hollande. Ça marche à Amsterdam, il n’y a aucune raison que ca ne marche pas à Paris!

Et concernant le lieu, la Seine Musicale, cet espèce de vaisseau spatial posé sur le fleuve en dehors de Paris depuis 2017, comme s’est-il imposé ?

Un simple coup de foudre lors de notre première visite. Non seulement la qualité du lieu en terme de technique et d’accueil du public nous a séduits, mais surtout, on s’est directement projeté et on a imaginé tout ce qu’on allait être capable de faire pour le transformer en un lieu propice à une grosse rave de 14h comme on a l’habitude de les organiser.

C’est un phénomène assez éloquent en ce moment : la techno investit des lieux où on ne la verrait pas d’habitude. On pense notamment à l’Expo Electro à la Philharmonie de Paris…

On avait déjà organisé des fêtes Hors Série dans la gare St Lazare ou au vélodrome de St Quentin en Yvelines. We love exploitait pas mal de lieux de ce type dans les années 2000. Ce n’est pas forcement si nouveau que ca, mais l’expo à la Philharmonie montre quand même que notre culture a finalement été acceptée et plus ou moins comprise.
 Par contre, investir ce genre de lieu n’est pas forcement une fin en soi pour nous. Si on va à la Seine musicale, c’est vraiment parce que le lieu nous a inspiré de belles choses. Exploité de la façon dont on va le faire, elle correspondra complètement à notre ADN.
 Mais il est vrai qu’après avoir pratiqué les hangars du Bourget ou du Paris Event Center, se retrouver dans un lieu aussi confortable techniquement et en terme d’accueil du public, c’est plutôt agréable.

Revenons maintenant sur la pause du Weather, qui fait son retour après deux ans d’absence. A quoi ce temps vous a-t-il servi ? Que s’est-il passé ?

Il s’est passé plein de choses. Après la dernière édition du Weather, on voulait absolument trouver un nouveau lieu. Un lieu qui soit confortable, un lieu qui soit rentable. C’est le problème majeur des lieux à Paris, ils sont souvent très chers et très difficile à exploiter. On ne voulait pas se mettre la pression, donc on s’est simplement dit que l’on reviendrait une fois que l’on aurait trouvé un lieu adéquat. Entre temps on a perdu un de nos collègues, Renaud Gay et ça a été un gros coup dur pour toute l’équipe. On a donc préféré faire une petite pause et bien réfléchir. Ça nous a permis de regarder ce qui se faisait ailleurs et voir comment évoluait la scène à Paris. Si on était revenu directement, on aurait sans doute continué sur notre lancée avec de très gros évènements. Avec cette pause de deux ans, on a pu voir ce que faisaient les festivals à côté comme Peacock ou Marvellous qui s’engageaient dans ce schéma d’accumulation de gros noms sur l’affiche. Evidemment je ne critique pas, nous-même l’avons fait aussi, mais on s’est demandé s’il était vraiment judicieux de revenir sous cette forme. A titre personnel, ce qui me plaît vraiment ce sont les évènements plus mesurés en jauge, avec des programmations plus pointues. C’est vers ce modèle qu’on a décidé de se diriger.

Cette soif de nouveauté du public parisien, tu la ressens à Concrete ?

Oui complètement. Aujourd’hui on peut aussi bien faire une grosse nuit avec un newcomer intéressant qu’avec un grand nom. Le public cherche l’expérience et la claque musicale. Malgré tout le savoir faire des gros noms, le public sait qu’un jeune artiste émergent peut faire tout aussi bien car  il est plus frais musicalement, et souvent plus investi car il a plus de choses à prouver.

Et au niveau des horaires, est-ce que la fréquentation de ce public a évolué, notamment depuis que vous avez obtenu la licence 24 heures en 2017 ? Est-ce que ça invite le public à s’ouvrir à des horaires moins fréquentes ?

On a lancé Concrete avec des formats alldaylong en ouvrant les portes à sept heures du matin, puis quand on a commencé les nuits on ouvrait les portes à 20 heures. Puis nous avons obtenu la licence 24 heures qui nous a permis d’organiser les samedimanche et de proposer des formats de quasiment 28 heures non stop.

 Pour Weather, on s’est posé la question de revenir à des horaires plus habituels pour un festival. Rares sont ceux qui restent ouverts toute la nuit alors que nous on pousse en général jusqu’a tard le matin. On s’est vite dit que ces formats marathon poussant la fête jusqu’a 10h du matin faisait vraiment partie de notre ADN. Je pense que c’est ce qui fait la différence : le public aime vraiment ça. Quand tu paies le prix d’un billet de festival, tu aimes bien pouvoir rester longtemps. Et puis la partie matinale, à partir du moment où le jour se lève, c’est un peu la cerise sur le gâteau. Enfin moi c’est mon moment préféré.

Tu prends de court ma dernière question ! Entre 20h et 10h, et pour faire un clin d’oeil aux trois sous-labels de Concrete, 3AM, 4AM et 7AM, c’est donc le lever du soleil que tu préfères ?

Ouais le lever de jour, le début du matin c’est vraiment mon moment favori. D’autant plus avec un évènement comme le Weather, parce que c’est le moment où j’arrête de travailler, là où je vais pouvoir prendre mon premier shot. C’est un moment que j’adore. Et puis dans une fête, c’est le moment où l’énergie est la meilleure. Les gens qui sont toujours là à sept heures du matin, ce sont les gens qui veulent vraiment rester. Ceux qui sont venus un peu par hasard pour voir à quoi ça ressemblait sont déjà repartis. Il y a plus de place sur les dancefloors. C’est aussi le moment où les gens se lâchent vraiment. Et nous aussi!

Le Weather, c’est ce samedi 27 avril à la Seine Musicale. Retrouvez plus d’informations sur la page Facebook de l’évènement

Visited 29 times, 1 visit(s) today