Chronique : Shed — The Killer

 

On ne con­naît pas de musique plus berli­noise que celle de René Pawlowitz. Ou du moins, sa tech­no ample, puis­sante et men­tale, ressem­ble à mer­veille à l’image que l’on peut se faire de la cap­i­tale alle­mande. Ses per­cus­sions réver­bérées, ses ambiances dis­ons con­finées, évo­quent en effet toute la mytholo­gie under­ground de la ville : ses clubs en forme de block­haus ou de cen­trale désaf­fec­tée ; ses murs de béton sur lesquels réson­nent les rythmes 4/4 de la tech­no la plus brute ou enfin, ses ter­rains vagues, figés en hiv­er, qui sem­blent dis­pers­er l’espace l’urbain au-delà du centre-ville. Cepen­dant, il serait mal­hon­nête de réduire sa musique à ce seul imag­i­naire de frich­es, de beats et de béton. Sa tech­no essen­tielle, intem­porelle, sou­vent aus­si mar­tiale que lanci­nante, syn­thé­tise de nom­breux autres gen­res musi­caux. Sans jamais les singer, Pawlowitz con­voque la pesan­teur du dub, les martelle­ments du hard­core, les atmo­sphères noc­turnes du dub­step, les cli­mats et les mélodies liq­uides de l’ambient afin de créer une musique aux tex­tures et aux richess­es infinies, tout à fait unique au sein du paysage élec­tron­ique actuel. D’ailleurs, au fil de l’album, l’Allemand délaisse les beats biaisés qui ont fait le suc­cès de ses deux pre­miers excel­lents albums (Shed­ding The Past, 2008 et The Trav­eller, 2010), pour plonger peu à peu dans une forme de coma éthéré, loin de la gri­saille et de la fer­veur des clubs berli­nois. (Jean-Yves Leloup)

 The Killer (50 Weapons/La Baleine)