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16 juin 2016

Comment 1D Touch invente le streaming équitable

par rédaction Tsugi

Extrait du numéro 93 de Tsugi (juin 2016)

À côté des colosses Spotify, Deezer ou Apple Music, un petit acteur ambitieux tente de remettre l’artiste au coeur des préoccupations de la planète streaming. 

Au cours d’un Skype avec Cédric Claquin, directeur général adjoint et cofondateur d’1D Touch, on s’étonne que personne dans le milieu de la musique ou presque n’ait vent de l’existence de son projet. « Je suis consultant en communication à côté, et je sais que nous sommes très mauvais en communication, mais c’est délibéré : le concept devait d’abord faire ses preuves. » Une prudence qui s’explique par la longue expérience de cet homme de 44 ans dans le milieu de la musique indépendante. À l’origine du label Aïlissam (Massilia à l’envers, ndr) en 1997, il a cofondé en 2003 CD1D, plateforme de distribution musicale des petits indépendants. « En 2010, on a vu arriver les premiers relevés de nos revenus sur Deezer, un million d’écoutes étaient alors rémunérées 700 euros. 0,0007 euros pour une écoute ! Il fallait créer une alternative. » 

En 2012 est lancée l’association 1D Lab, transformée en coopérative en 2014 et créatrice d’1D Touch, la plateforme de streaming équitable, en 2013. « On n’entend pas remplacer Spotify ou Deezer, on connaît nos limites, mais on veut que pour les petits labels et artistes, 1D Touch constitue un revenu complémentaire qui compte. Qui est prêt aujourd’hui à payer pour écouter des inconnus en streaming ? Sûrement pas les utilisateurs, c’est pour ça qu’on a imaginé un système B to B to C (Business to business to consumer, ndr). » Plutôt que de vendre son service aux consommateurs, 1D Touch vend des abonnements (2000 euros les 1000 abonnements) à des collectivités territoriales, SMAC (Scène de Musiques Actuelles) ou bibliothèques, qui les offrent comme des plus produits attractifs à leurs usagers dans le cadre de leurs cartes de fidélité, souscriptions à l’année, etc. Ces clients – les bibliothèques constituant jusqu’ici 80 % des convaincus – peuvent par ailleurs éditorialiser la plateforme à l’envie. L’utilisateur qui se connecte grâce à un abonnement via sa bibliothèque locale tombe en première page sur une « capsule », des mises en avant proposées par la bibliothèque en question, playlist d’artistes locaux, etc. Aujourd’hui, un utilisateur ne peut d’ailleurs pas utiliser 1D Touch sans passer par une structure locale, un « défaut » qui assure que chaque stream est payé et rémunérateur pour le musicien.

En 2012 est lancée l’association 1D Lab, transformée en coopérative en 2014 et créatrice d’1D Touch, la plateforme de streaming équitable, en 2013. “On n’entend pas remplacer Spotify ou Deezer, on connaît nos limites, mais on veut que pour les petits labels et artistes, 1D Touch constitue un revenu complémentaire qui compte. Qui est prêt aujourd’hui à payer pour écouter des inconnus en streaming ? Sûrement pas les utilisateurs, c’est pour ça qu’on a imaginé un système B to B to C (Business to business to consumer, ndr).” Plutôt que de vendre son service aux consommateurs, 1D Touch vend des abonnements (2.000 euros les 1.000 abonnements) à des collectivités territoriales, SMAC (Scène de Musiques Actuelles) ou bibliothèques, qui les offrent comme des plus produits attractifs à leurs usagers dans le cadre de leurs cartes de fidélité, souscriptions à l’année, etc. Ces clients – les bibliothèques constituant jusqu’ici 80 % des convaincus – peuvent par ailleurs éditorialiser la plateforme à l’envie. L’utilisateur qui se connecte grâce à un abonnement via sa bibliothèque locale tombe en première page sur une “capsule”, des mises en avant proposées par la bibliothèque en question, playlist d’artistes locaux, etc. Aujourd’hui, un utilisateur ne peut d’ailleurs pas utiliser 1D Touch sans passer par une structure locale, un “défaut” qui assure que chaque stream est payé et rémunérateur pour le musicien.

VOEU DE TRANSPARENCE 

Devant la difficulté technique de négocier en direct avec les petits labels leur catalogue, 1D Touch a pioché chez les distributeurs digitaux. « On a négocié avec les principaux, Believe, auprès duquel on fait une sélection et Idol, dont on doit prendre tout le catalogue. » Pour un artiste, être diffusé sur 1D Touch nécessite donc, à regret de ses fondateurs, d’avoir un distributeur digital, ou de rejoindre le catalogue de CD1D. Aujourd’hui la plateforme compte 860.000 titres, 75.000 artistes, 105.000 albums et 12.200 labels. Fin 2014, après 18 mois de service de la V1, 1D touch a fait un premier versement de 50.000 euros aux labels et artistes, avec un taux de 29 centimes par stream. Depuis, la V2 est apparue et 1D Touch a encore versé 40.000 euros, à un taux moyen deux fois plus bas de 14 centimes, mais toujours très supérieur à ses concurrents, les versements survenant désormais tous les trimestres. « Ces sommes peuvent paraître ridicules, mais des labels comme Chinese Man Records ont reçu 5.000 euros. Pour des petites structures, ça compte. » 1D Touch fait voeu de transparence. « Dès qu’on vend un abonnement, on retire la TVA et l’argent à verser à la SACEM. Sur le reste, on prend 20% pour la coopérative, 15% supplémentaires qu’on réinjecte dans la recherche et développement. Ensuite 10% serviront à partir de 2017 à un fond de développement solidaire pour des artistes qui veulent mener à bien un projet, clip, etc. Pour l’instant ils sont reversés dans le projet. Les derniers 55% sont reversés aux distributeurs et artistes avec quelques subtilités. On estime que quelqu’un qui fait de l’opéra expérimental sera forcément moins écouté que quelqu’un qui fait de la pop, alors 15% de ces 55% sont reversés de manière à favoriser les moins écoutés. Et le reste est reversé en fonction du nombre d’écoutes, avec une dernière nuance. Les morceaux de moins de trois ans sont rémunérés sur une base de 100, tandis que les plus anciens sont rémunérés sur une base de 80 ou 90, le reste revenant aux nouveautés.” 

A LA RECHERCHE DE RELAIS DE CROISSANCE 

Aujourd’hui 1D Touch compte 25 collaborateurs, dont certains comme les dirigeants ne sont pas payés, d’autres étant salariés, autoentrepreneurs, etc. Les 50.000 utilisateurs inscrits passent une moyenne de douze minutes par session sur le site : « Nous avons un gros travail à faire là-dessus, il faut améliorer le catalogue et l’interface. » Tous travaillent d’arrache-pied à progresser de tous les côtés. D’abord en trouvant de nouveaux partenaires en France. « Si l’on passait de 10% à 70% des 8.000 bibliothèques françaises convaincues, on aurait déjà un chiffre d’affaires de quelques millions d’euros. » L’entreprise ambitionne aussi de s’acoquiner avec les opérateurs de transport locaux, qui feraient d’1D Touch un plus produit de leurs abonnements. Sur les 800.000 euros investis dans l’entreprise depuis ses débuts, 80% sont des fonds publics, ID Lab cherche aujourd’hui à trouver de nouveaux investisseurs dans le privé, discutant notamment avec Vinci. Le soutien du projet de la commission européenne Creative Europe lui permet aussi de s’attaquer dans les prochains mois à d’autres marchés : Norvège, Allemagne, Espagne, Angleterre… Un autre grand axe de développement s’intéresse plutôt à l’expérience usager. Comme 1D Touch a toujours eu pour vocation de diffuser la musique des petits, la coopérative travaille avec des sociétés issues de l’institut de recherche IRCAM pour créer un vrai système de recommandation d’écoute, à la fois basé sur les appréciations de l’utilisateur et sur une analyse plus profonde des morceaux eux-mêmes (la langue, le tempo, le genre, etc.). Enfin, 1D Touch ne vise pas que la musique. Le catalogue s’intéresse déjà aux jeux vidéos et devrait un jour s’élargir à d’autres médias. Et proposer à un auditeur de tel musicien de s’essayer à tel jeu vidéo parce que ces deux oeuvres au médium si différent partagent pourtant des références. Si le projet est si grand qu’on peine à en distinguer les contours, il n’a déjà plus rien d’utopique.

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