Skip to main content
Crédit Photo : Pooneh Ghana
18 mai 2018

Courtney Barnett, la femme qui tombe à pic

par Violaine Schütz

Rencontre avec Courtney Barnett extraite du numéro 112 de Tsugi, à retrouver en kiosque ou sur notre boutique en ligne.

À 30 ans, la sensation indie rock australienne qui avait mis le music business en émoi avec un premier album fougueux, génial et ironique en 2015, riposte avec amboyance. Tell Me How You Really Feel donne le ton du printemps 2018: engagé, virulent et teinté de désinvolture 90s. Barnett partage définitivement avec une autre Courtney, Love, l’art de balancer à son époque ses quatre vérités.

« Mettez-moi sur un piédestal, et je ne ferais que vous décevoir. » C’est ainsi que Courtney Barnett se présentait à nous, déguisée en clown triste, dans l’accrocheur et désabusé “Pedestrian At Best”, tiré de son premier album. Sauf que la jeune Australienne nous avait menti. Depuis, elle a beau être restée assez débraillée dans sa dégaine, elle n’a jamais démérité. En 2015, tout le monde s’emballait pour sa pop-garage mélodique aux textes mordants, sa fraîcheur désarmante et ses sarcasmes jouissifs d’un premier essai-coup de maître, Sometimes I Sit And Think, Sometimes I Just Sit. Nommée aux Grammys et aux Brit Awards en 2016, elle était surnommée la “Bob Dylan au féminin”. Courtney débarquait dans le paysage du rock indé comme une anomalie attachante. Sur les pochettes, elle dessinait des gribouillis DIY. Dans ses paroles, elle racontait de manière touchante une enfance ennuyeuse dans la banlieue de Sydney. Mais aussi des histoires de clochard suicidaire, de gentrification, de manque de confiance et d’attaque de panique. La dextérité de son jeu de guitare en picking, un style venu des Appalaches au début du XXe siècle, typique du blues et de la country, ne gâchait rien à l’affaire. Sa frange qui lui mange le visage cache le même talent, frontal, bouleversant, renversant qu’une Cat Power. Puis vint la confirmation avec Lotta Sea Lice, enfanté avec l’un des héros du rock indé US actuel, Kurt Vile, sorte de croisement entre Bruce Springsteen et Neil Young à l’ère Pitchfork. Son tout nouveau disque s’appelle Tell Me How You Really Feel et on y découvre une fille toujours ironique et nonchalante, encore plus colérique et électrique. Son mantra ? Une citation de Carrie Fisher reprise dans le morceau d’ouverture, “Hopefulessness”: “Take your broken heart, make it into art.” (“Prends ton cœur brisé, fais-en de l’art”) Elle avoue: “Je pense que cette colère a toujours été là. Il y a plein de raisons d’être en colère dans ce monde. Mais j’essayais de la masquer un peu par le passé. Ce n’est pas ‘l’album de la maturité’. Je n’ai jamais eu trop confiance en moi. J’ai eu le syndrome de l’imposteur. Je me suis longtemps sentie triste, frustrée, vulnérable, pas à ma place. Et puis je me suis dit : ‘Qu’est-ce qui se passerait si je prenais un peu confiance en moi ?’ Le résultat est que j’ai l’air plus énervée.” (rires)

Ni mère, ni chienne

Les années supplémentaires n’ont pas entaché l’attitude punk, la gouaille et le doigté. Courtney a certes trouvé un refuge aux affres du monde : une maison tranquille à Melbourne avec jardin et chat où elle vit avec sa copine, Jen Cloher, elle aussi musicienne et partenaire de crime puisqu’elle l’aide à tenir son label, Milk! Records. Mais sur disque, les sonorités punk grunge aussi urgentes que traversées d’une humanité et d’une mélancolie intenses s’accompagnent de textes tranchants. Première victime? La masculinité toxique. Marchant sur les traces de Courtney Love et des riot grrrls, elle éructe sur le véhément et irrésistible “I’m Not Your Mother, I’m Not Your Bitch”: “Je ne suis pas ta mère, je ne suis pas ta chienne.” Un hymne qui colle à l’ère du temps où les femmes n’hésitent pas à balancer leurs porcs sur Twitter.

… La suite en kiosque sur notre boutique en ligne !


Si vous êtes plutôt Spotify :

 

 

Visited 23 times, 1 visit(s) today