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2 septembre 2016

Crayon, le talent au bout de la mine

par rédaction Tsugi

Pigalle, début août. Gaspard et Xavier de Justice tentent de se balader – mais sont régulièrement abordés par des fans avides de selfies. Attablé à la terrasse de la Fourmi, Crayon regarde la scène d’un air amusé : on ne l’arrête jamais dans la rue, et c’est tant mieux. Car Crayon, membre de la belle maison Roche Musique et auteur (entre autres) de Flee, un EP sorti il y a deux mois, ne courra jamais après le buzz : c’est bien trop fatigant. On se moque gentiment, mais le jeune homme de 25 ans a ce côté adulescent des grands flemmards, et il en rajoute. Pourtant, quand il se traite de feignasse, l’attaché de presse du label lève les yeux au ciel : Crayon est un bourreau de travail. Il compose constamment, sans pour autant dévoiler les morceaux – à part dans son nouveau live, que les veinards du Positiv Festival marseillais ont pu découvrir il y a quelques semaines.

Mais ne le cherchez pas en studio. « Le studio, ça m’angoisse », nous confie-t-il. Trop formel, pas assez dans son élément : Crayon est un bedroom producer. « Tout l’aspect ‘professionnel’ me gave. Et quand je fais de la musique chez moi, je peux voyager tout en restant au fond de mon pieu, comme quelqu’un qui se fait un week-end entier à regarder Breaking Bad« . Un attachement aux méthodes de ses débuts que l’on retrouve jusque dans le nom de l’EP, Flee, « la fuite ». C’est aussi le titre d’un des morceaux du maxi. « Je vais avoir 25 ans, et ça m’a fait hyper chelou de sentir d’un coup que cet EP était quelque chose que j’avais à faire, que ça rentrait dans le cadre de mon job et de mes obligations d’adulte. J’aurais fait de la musique que j’en vive ou non, parce que c’est un besoin, mais c’est terrible de me dire que je dois composer car c’est un produit qui va être reçu ». Elle est là, la fuite. Il s’était imposé une deadline pour finir son EP, mais n’avait aucune envie d’aller au studio. « J’étais chez ma copine qui habite sur une petite île paumée en région parisienne, et je ne voulais pas rentrer à Paris. J’avais envie de fuir mes responsabilités et vivre pieds nus comme un putain de hippie bio », s’amuse-t-il. « J’ai trouvé ça marrant de finir par nommer l’EP comme ça, mais ce n’était pas prévu : le texte de cette chanson raconte plutôt une relation, du type ‘fuis moi je te suis, suis moi je te fuis’. Mais j’y ai trouvé mon petit sens à moi ! ».

Il faut croire que cette petite île où il fait bon de vivre pieds nus l’inspire. Du granuleux « Dorian’s Dream » à « Flee » accompagné de la belle voix profonde d’Ann Shirley, on pense à Cotton Claw ou encore à… Eh bien on donne notre langue au chat : avec cet EP, agrémenté de beaucoup de sons enregistrés à l’iPhone (des petits crépitements, des cliquetis de clés, des oiseaux…) et de samples Freesound, Crayon refuse de s’inscrire dans un genre défini. Adios la nu-disco, la « French Touch 3.0 » de ses débuts dans laquelle il ne se retrouve plus. « A l’époque, je n’aimais vraiment pas ce que je produisais. J’écoutais très peu de nu-disco mais des millions de trucs différents, voire carrément à l’opposé de ma musique : mes premières amours, c’est le post-punk, la new-wave. Si tu étais fan de ce que je faisais il y a quatre ans, tu risques d’être un peu déçu par ce nouvel EP… ». Non, ça va. Car tout de même, Crayon ne saute pas du coq à l’âne : il y a toujours cette chaleur dans ses sons, une couleur typique de son écurie Roche Musique et de ses petits camarades du label (FKJ, Darius, Cezaire…). Son fantasme ? « Réussir à prendre la froideur d’un James Blake pour y ajouter la chaleur de Flying Lotus« . Un objectif ambitieux mais pas inatteignable quand on écoute Flee. Il n’a plus qu’à enlever ses pompes, retourner dans sa chambre et nous pondre un album. Et là, plus jamais on ne traitera Crayon de feignasse.

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