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6 mai 2019

DJ-sets de légendes et conférences : BUDX réussit sa première édition française

par Pier-Paolo Gault

Pour la première fois en France, la plateforme culturelle de la marque Budweiser, BUDX, s’est donné pour mission de célébrer et faire résonner les histoires d’artistes et de mouvements issus de la culture urbaine. Retour sur ces trois soirées placées sous le signe de la techno, de la house et du hip hop.

« Honnêtement, je n’y croyais pas. Kevin Saunderson et Richie Hawtin en live gratuit dans une petite salle à Montreuil ?! Impossible !« . C’est ce qu’on a pu entendre à plusieurs reprises lors dela soirée d’ouverture, consacrée aux légendes de la techno. Impossible, mais pourtant bien vrai !

Conférence « Les soirées club LGBTQ+ célèbrent la liberté d’expression »

Lorsque l’on débarque à la Marbrerie, on est en effet impressionné par l’aspect intimiste du lieu, dans lequel règne une ambiance assez artisanale et conviviale. Dès 17h, on s’assoit dans des canapés typés rustiques pour écouter une série de conférence : sur l’émergence de la scène rave DIY, d’abord, sur la visibilité des communautés LGBTQI+ ensuite, pour finir avec une interview de Kevin Saunderson en personne, pionnier de la techno de Detroit.
A peine le temps de passer au coin restau en sortant, que les DJs de D.KO Records lâchent le kick. Comme prévu, il s’agit bien de techno pour ce premier soir, mais celle-ci est assez rock, en fait, new wave et acid. La salle est définitivement chauffée lorsque Sama prend la relève, et envoie, quant à elle, un son plus abrupt, avec une tendance noise et indus à faire vibrer les entrailles du public. Tonnerre d’applaudissement, lorsque Kevin Saunderson s’avance ensuite derrière les machines. Il s’installe alors avec aisance dans la continuité de la musique de Sama, avant de l’épurer de tout aspect bruitiste et la transformer en quelque chose d’encore plus punchy : une techno qui s’élance à corps perdu sur les temps forts, tout en développant avec les contre-temps un groove à la fois puissant et calibré. Si la soirée atteint alors un pic de sensualité et de chaleur humaine, c’est sans compter le bouquet final avec Richie Hawtin. Le producteur canadien de légende refroidit immédiatement le set pour nous plonger dans son univers si particulier, dénudé et minimal. Très peu d’accords – deux au surplus – mais beaucoup de sons bruts, de grooves acerbes et de drops plus qu’efficaces, alors que le dancefloor se change en une masse humaine extatique et robotique.

 

Le lendemain, nouvelle descente par l’escalier exigu de la Marbrerie. Au programme : des conférences sur le lien entre la mode et les contre-cultures artistiques et musicales, l’évolution du voguing et l’histoire du label Ed Banger. Les flashs crépitent tandis que Kiddy Smile et Mother Steffie s’installent face à une foule adulescente éparpillée dans une mer de coussins. Au détour de quelques plaisanteries, l’un et l’autre dépeignent la scène ballroom comme un univers de compétition et d’amusement qui permet à des gens de se chercher, de s’exprimer et de faire face à la violence. La parole est ensuite donnée à Busy P et Myd. Le membre de Club Cheval nous raconte comment les sons acoustiques ont peu à peu remplacé les samples dans ses productions, tandis que Pedro Winter explique l’importance de s’ouvrir à de nouvelles audiences, sans pour autant se conformer aux tendances. Applaudissements.
Sur les coups de 20 heures, les spectateurs se déportent vers la salle principale où résonnent des beats puissants et fédérateurs. Bien vite, le peak-time est atteint avec l’arrivée de Kiddy Smile aux platines. Le producteur parachève sa conquête du public grâce à une déferlante de house électrique aux effets immédiats. Les regards hypnotisés se lèvent vers la scène où se déhanchent des danseurs en tenue léopard, sous un ballet de lumières lasers. À peine le temps de reprendre son souffle que retentissent des cordes stridentes. Il s’agit d’un inédit de SebastiAn, parfait pour introduire le B2B de Ed Banger entre Myd et Busy P. Pendant près de deux heures, la french touch bat son plein, entre du bon vieux Oizo, du Myd tout neuf et un détour anglais par les Chemical Brothers. Aux alentours de minuit, le ton change avec la techno de Madben, puis celle plus noire de Maceo Plex. On quitte le dancefloor devenu brûlant pour découvrir les animations disséminées dans la soirée, comme un stand de t-shirts sérigraphiés et un photocall.

Kiddy Smile

Vendredi, place au hip-hop. Au programme, des talks qui retracent l’histoire du genre, ainsi que sa récente explosion. A cette occasion, différents acteurs sont conviés : les rappeurs Dinos ou Myth Syzer ouvrent le bal en témoignant de l’influence actuelle du rap sur les autres domaines artistiques. Après, place aux hommes qui sont derrière la caméra : Fifou, Ousmane Ly ou encore Kim Chapiron s’interrogent sur « la connexion essentielle entre la musique et les arts visuels« . Les budgets dédiés aux clips ont largement augmenté en seulement quelques années — on pense au dernier clip de PNL, « Au DD », dont le coût s’élevait à plus de 200.000 €. Une course au clic et à faire le plus de vus ? La question restent ouverte. Pour clôturer les talks de 2019 sur une note plus légère, Salif Lasource et OhPlai se prêtent au jeu, car tous deux doivent tout justement leur notoriété au phénomène du « buzz ». Tandis que l’un s’est retrouvé dans l’émission américaine de Ellen DeGeneres après une simple vidéo de danse, le second confie ne plus pouvoir traverser Châtelet sans être reconnu, depuis la célébrité éclaire de ses snaps. Une conversation qui se termine dans les rires, avant que Salif Lasource ne nous offre une performance improvisée.

Kim Chapiron, sur « la connexion essentielle entre la musique et les arts visuels »

Du côté des concerts, Sônge est la première à monter sur scène. La jeune musicienne sait rassembler et chauffer un public encore timide. Et quand Laylow arrive, la foule prend définitivement forme, celle d’une véritable marée humaine. Seuls les plus braves peuvent alors accéder aux devants de la scène, car il faut pour cela affronter les quelques dizaines de pogos qui se sont ensuivis sans répit. Dinos a lui peiné à rassembler la même énergie. Un public déjà éreinté, à 22 heures ? Loin de là. Dès l’arrivée d’Hamza, c’est un concerto de pogos et de mains levées qui reprend, sans aucune trace de fatigue. Et cela malgré les 50°C de la salle ! La soirée s’est terminée sur un DJ-set tranquille de Myth Syzer. Un peu plus de place sur le dancefloor et la voix de Lolo Zouaï ont suffi à radoucir les moeurs.

Pour sa première édition française, BUDX livre une programmation éclectique, et réunit les tendances majeures de la techno, de la house et du hip-hop actuels. Le tout placé sous le signe du débat et de la conversation, pour réfléchir aux scènes de demain, en entrée libre. Une réussite.

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