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Les Spi en 2019 / ©Jacob Khrist
6 mai 2019

Tsugi 122, avec Spiral Tribe en Une et un CD mixé par Julien Jabre en cadeau, en kiosque le 8 mai !

par Patrice BARDOT

Comme un symbole de la pertinence intemporelle des Spiral Tribe. Qui a été la personne au sein de notre rédaction la plus motivée pour placer à la une la “tribu” techno britannique ? Notre talentueuse benjamine, Clémence Meunier, 25 ans. Elle a d’ailleurs eu gain de cause, puisqu’elle nous raconte avec brio dans ces pages la saga extraordinaire des Spi qui s’étend sur près de 30 ans d’activisme, largement aussi politique que musical : des raves pionnières anglaises jusqu’au premier teknival sur notre sol. Loin de s’être rangés des caravanes, ces vétérans, éternels smicards et fiers de l’être, ont conservé la même fougue pour défendre les idéaux d’une scène dont ils ont vécu de l’intérieur l’inexorable dérive mercantile, mais sans que leur discours ne suinte aujourd’hui d’un rance “c’était mieux avant.” Quant à Shaun Ryder, lui non plus ne laisse transparaître nulle frustration aigrie, même si nous n’aurions jamais pu reprocher à l’immense chanteur-poète des Happy Mondays d’éprouver ne serait-ce qu’un soupçon de nostalgie à l’évocation du Madchester de la fin des années 80, dont il fut l’une des figures de proue. Son interview sans filtre, où il raconte aussi bien ses jeunes années de “lad” délinquant, son fructueux trafic d’ecstasy à l’époque glorieuse des Mondays que sa passion actuelle pour les ovnis, se place déjà au sommet des rencontres publiées dans ce magazine. Hallelujah, hallelujah !

Vous trouverez également dans ce numéro Spiral Tribe un voyage temporel retraçant les sons qui ont marqué la free, un retour sur les nuits montréalaises de la pleine lune animées par les soirées Moonshine de Pierre Kwenders, des interviews révoltées avec Amon Tobin, ou Loyle Carner  avant de se plonger en fin de mag’ dans les années 80 qui voient naître l’EBM, Julien Jabre se racontant en images, une rencontre avec S3A, ou la pianiste classique Vanessa Wagner jouant au blindtest. Et puis bien sûr de nombreuses chroniques, reportages de concerts, des tests de matériel, des bons plans pour sortir… En kiosque (ou sur notre boutique en ligne) ce mercredi 8 mai, avec, en cadeau, un CD mixé par l’excellent producteur et DJ techno Julien Fabre ! En attendant, vu qu’on est sympa, voici le début de notre épopée avec Spiral Tribe par Clémence Meunier :

Catalyseur du mouvement free au Royaume-Uni puis en Europe au tout début des années 90, Spiral Tribe a vécu une histoire qui se confond avec celle, troublée, des free parties. Trente ans après ses débuts londoniens, le collectif bat toujours le pavé de l’underground, désormais réincarné en SP23. L’histoire d’une famille d’artistes qui a toujours refusé de se soumettre à l’ordre établi.

Au commencement était l’acid-house : “d’incroyables et massives basses qui te frappaient dans le plexus, jusqu’au fond de toi”, se souvient Mark. Nous sommes en Angleterre, au tout début des années 90, Debbie, Simone, Mark et son frère Zander sont squatteurs à Londres. Le prix au mètre carré ambe déjà dans la capitale, et une sombre affaire de corruption immobilière et politique exproprie les pauvres de plusieurs quartiers pour que les nouveaux occupants soient de riches électeurs conservateurs – laissant dans l’entre-deux de nombreux logements vides. Ils s’installent à Westbourne Park, dans l’ouest de Londres, qui ne manque pas d’appartements abandonnés. La culture sound-system existe dans le coin, mais concerne plutôt les communautés jamaïcaines, avec leur reggae, leur dub et leurs shebeens, ces bars clandestins où picolent les gens des quartiers, forcément populaires. Des sortes de poches de liberté petit à petit fermées par les autorités, Margaret Thatcher, alors au pouvoir avec ses gants de fer, n’étant pas très fan de tout ce qui ne marche pas droit. Et ce que les Anglais rangés ne voient pas, c’est que tous les ingrédients sont réunis pour une explosion. Le détonateur acid-house va faire sauter la poudre à canon autoritaire. Une étincelle en forme d’ecstasy et ça y est : quelques irréductibles tentent l’attentat sonore.

Des shebeens à la free

À l’époque, Mark, passionné de graphisme, travaille pour une imprimerie. Il tombe sur une image d’ammonite, ce coquillage en spirale, et s’amuse à la photocopier et la triturer avec une Canon Laser, une machine alors à la pointe de la technologie. “Je ne réfléchissais pas encore à un concept de free party. Mais les mots en eux-mêmes et l’image de la spirale suggéraient déjà ça. Quand j’ai soufflé ‘Spiral Tribe’ à mes amis, ils ont instantanément compris l’idée, parce qu’il y a de la poésie dans ces mots, un symbolisme sous-entendant que nous sommes tous connectés. Ça collait parfaitement à notre mode de vie.” À Westbourne Park, la tribu installe des studios d’artistes, commence à fédérer une communauté libre. “On ne voulait pas être enfermés, et on créait notre propre société. On s’est retrouvés entre artistes, musiciens, DJs, rappeurs… Des gens qui avaient cette capacité d’imaginer des choses en dehors du récit très strict dans lequel nous avons tous été élevés, au milieu de cette architecture de béton qui évidemment ne rendait personne heureux. Dans le même temps, les drogues psychédéliques sont soudainement apparues, ainsi que la musique électronique. C’était un moment historique.” Vient rapidement l’envie d’organiser des soirées autour de cette musique et de ces idéaux. La première des Spiral aura lieu au coin de leur rue, dans un shebeen fermé quelques années plus tôt par la police – faire renaître un lieu de fête, un lieu d’échange communautaire, un lieu opprimé : tout un symbole pour les Spi. Puis c’est la découverte des “free festivals”, ces festivals gratuits portés par les travellers, descendants spirituels des hippies. Et même si dès 1989, Thatcher s’y attaque, le sound-system prend le maquis et fait le tour de ces festivals libres. Tous les week-ends. On top non-stop. “Depuis des années, les free festivals des punks, des hippies et des travellers étaient arrêtés les uns après les autres, parfois militairement, parfois violemment. On ne savait pas. On était naïfs. On se sentait totalement investis d’une mission, on était peut-être même assez évangéliques, super enthousiastes en tout cas. Plus le gouvernement essayait de nous écraser, plus on le faisait. Je pense que ça a vraiment énervé la scène commerciale et le lobby de l’alcool – on raconte qu’à l’époque des raves, il y a eu une chute de 30 % des ventes ! Et nos fêtes étaient meilleures que n’importe quelle nuit en club proposée à cette époque”, raconte Mark, l’œil brillant, tout en rappelant avoir grandi à quelques mètres de l’Haçienda, “un endroit incroyable, un aimant à créativité, qui m’a beaucoup inspiré”.

… La suite à découvrir en kiosque ou sur notre boutique en ligne dès ce mercredi 8 mai !

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