DJ Travella, star montante du singeli | PORTRAIT
DJ Travella est l’étoile montante du singeli. Ce genre musical est né, au début des années 2010, dans les ghettos surchauffés de Dar Es-Salaam, en Tanzanie. Sa particularité ? Un rythme effréné entre 180 et 300 BPM à en faire pâlir le gabber et le hardstyle.
Paroles saccadées, kicks frénétiques, samples glitchés, et une cadence si rapide qu’elle ferait suer un dancefloor berlinois avant minuit : bienvenue dans l’univers du singeli. Cette musique est née dans les faubourgs populaires de Dar Es Salaam, en Tanzanie et parmi ses jeunes producteurs, il y a un nom qui résonne déjà au niveau mondial : DJ Travella.
Origines : du matelas au mythe
Dar Es Salaam, ce n’est pas seulement la capitale économique de la Tanzanie : c’est une fourmilière musicale. Un carrefour culturel ouvert sur l’océan Indien, traversé par des influences africaines, arabes et indiennes. C’est là, au détour de quartiers populaires comme Manzese ou Tandale, que le singeli a vu le jour au début des années 2010.
À l’origine, il s’écoute sur des enceintes trafiquées, dans des kigodoro, des rassemblements festifs nocturnes. Des MCs, souvent floqués de la particule « dogo » (« petit »en kiswahili) se relayent pour poser sur ce rythme endiablé.
Mais qu’est ce que c’est le singeli ? C’est un terme de base attachée aux danseurs. Le Singeli boy est celui qui trouve le meilleur mouvement qui sera recopié par le reste des danseurs. Le genre est donc indéfectible à la danse. On y pratique généralement la chura (cousin tanzanien du twerk à même le sol), mais surtout, on y danse jusqu’à l’épuisement, avant de se jeter sur des matelas posés au sol. Rien que ça.
Musicalement, le singeli est un collage de traditions tanzaniennes et de mutations électroniques. Il pique aux chants polyrythmiques vanga du peuple Zaramo, s’abreuve de taarab de Zamzibar, passe par le soukouss congolais, frôle le kwaito sud-africain, attrape le hip-hop et le mchiriku local pour digérer tout ça à 180, 200, voire 300 bpm.
De Sisso Studio au Palais d’État
Si le singeli se diffuse via les Kigodoro, les hauts parleurs des bus publics ou la myriade de bodaboda (taxi-moto), c’est le légendaire Sisso Studio, installé à Mburahati, qui a servi de catalyseur au mouvement. Sisso, ancien vendeur de DVD, commence à produire sur son ordi portable, bientôt rejoint par toute une scène : Bamba Pana, Jay Mitta, Rehema Tajiri, MCZO, Duke… Grâce au soutien du label ougandais Nyege Nyege Tapes, leurs tracks s’exportent au-delà de l’Afrique de l’Ouest.
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Le singeli quitte la rue pour conquérir l’Europe… mais aussi les hautes sphères de la Tanzanie. D’abord réticent, le régime Magufuli, autoritaire, commence par freiner les blockparties, avant de complètement adopter le genre. Aujourd’hui, on entend du singeli dans les meetings politiques. La musique est jouée sur FM Radio et devient aussi populaire que le bongo flava. Les grands artistes de cette musique pop d’Afrique de l’Ouest s’encanaillent même avec des artistes du singeli. Ça donne des collaborations entre Kidene et Chege Chigunda, star du bongo flava.
DJ Travella, étoile dorée du singeli
DJ Travella, de son vrai nom Hussein Said Abdallah, est né au tournant des années 2000. Il grandit à Mbeya, loin de Dar Es-Salaam. Mais son son est immédiatement identifiable. En quelques tracks, ce jeune prodige s’impose comme la figure montante de la scène singeli. Il a à peine 19 ans quand Nyege Nyege Tapes sort son album Mr Mixondo en 2022.
DJ Travella, c’est du singeli 2.0, ou plutôt post-singeli. Là où ses aînés jouaient la transe punk, lui pousse encore plus loin la dématérialisation du son. Il sample tout : grésillements radio, voix pitchées, jeux vidéos, rires d’enfants, bruits de rue, glitchs numériques.
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Ses morceaux comme « Crazy Beat Music Umeme 2 » ou « Tambasana » ne laissent pas indemne. Les beats s’entrechoquent, changent de forme toutes les deux secondes, mais gardent un groove fou. Résultat ? On le voit aujourd’hui produire des lives hallucinants à Keep Hush, Rinse ou Boiler Room
Singeli pour tous, singeli partout
Vous l’aurez compris, le singeli est une musique très jeune. Peu étonnant pour un pays où la moitié de la population à moins de 15 ans. Ces textes parlent à la jeunesse. Ils racontent la rue, l’école, l’amour, la galère, mais aussi l’espoir.
DJ Travella du haut de ses 24ans, regarde déjà plus loin. Quand il parle de ses influences, il cite « la vie« . Il rêve de jouer partout, de créer son propre son, hors tempo, hors case.
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Dj Travella est en tournée pour la période estivale et son rythme est tout aussi effréné : Rotterdam, Berlin, Londres, Melbourne, Hobart, Oslo, Brussels, Paris, Bordeaux… Une chance de peut-être goûter à un furieux set entre 180 et 300 BPM
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