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7 novembre 2013

En direct de Death in June (Le Réservoir, Paris)

par rédaction Tsugi

Peu de concerts aussi confidentiels peuvent se targuer de générer le même lot de tensions que ceux de la tournée française des bons vieux Death In June. Son annonce en septembre faisait déjà frétiller le milieux cold/post-punk : des events facebook à liste privée, un prix étonnamment élevé (40€) pour la date parisienne (selon la rumeur pour financer un service de sécurité en conséquence au Petit Bain), et des rumeurs d’annulation qui semblaient quelque peu démesurées pour un groupe qui ne concerne vraiment que quelques centaines de personnes par ville.

Qu’est-ce qui justifiait donc une si sulfureuse aura ? Début 80, Death In June est né joyau noir de la scène post-punk anglaise, proposant une musique sévère et solennelle, et jouant dès leurs débuts avec des thématiques totalitaires et militaires, jusqu’à flirter avec l’imagerie du troisième reich. Le fait que l’un de leurs anciens membres, Tony Wakeford, soit passé par le National Front (FN anglais, mais en pire) n’aide pas. Après un passage par l’électronique en 85, DIJ est alors devenu le one-man-band de son leader gay Douglas Pearce exilé en Australie, et enchaîne les albums de dark-folk traitant autant de guerre que d’Europe perdue, le tout dans une ambiance médiévale, un brin fétichiste et non dénuée d’humour.

Cette ambiguité, subtilement entretenue par Pearce, n’aura pas échappé à des groupes antifas locaux qui ont eu vent du concert. Suite à une campagne de pression sur internet, le programmateur du Petit Bain qui accueillait le groupe se retrouva acculé (son adresse mail avait été rendue public), au point de voir la mairie du 13ème le sommer d’annuler la date (ce qui lui vaudra également le harcèlement de die-hard fans de DIJ le condamnant pour sa lâcheté…). Réactions en chaîne et articles dans la presse obligent (même le Figaro et Ouest France s’en mêleront), d’autres dates hexagonales se voient interdites. Après plusieurs communiqués outrés des organisateurs et du Douglas lui-même, la date parisienne (la première de DIJ en 17 ans) est maintenue secrètement, dans un lieu qui sera dévoilé par texto quelques heures avant le concert, avec « interdiction d’en parler publiquement d’ici là ».

Pas d’opulent système de sécu à l’entrée du Réservoir, salle du 11ème accueillant normalement les lives sessions d’Arte, et lieu de repli du concert de DIJ ce soir. Malgré le décor cossu et quelque peu décadent de la salle, pas non plus d’ambiance de société secrète à l’intérieur, et excepté 2 ou 3 goths qui se permettent des blagues vaseuses (« je suis sûr qu’il y en aura un d’entre eux qui se sera payé sa place rien que pour venir faire chier »), personne ne fait de référence ostentatoire au contexte. Pas non plus de gros faf à recenser comme se l’imaginait probablement le lecteur de Ouest France, mais un public assez lambda. Le groupe de première partie, The Enchanted Woods, aurait d’ailleurs sa place sur la programmation de France Inter, c’est dire.

La soirée prend une tournure plus folklorique lorsque Miro Snejdr, éphèbe en tenue militaire évoquant un John Balance sorti d’un film de Derek Jarman, monte sur scène partiellement masqué et muni d’un accordéon pour accompagner sur quelques morceaux un Douglas Pearce fanfaronnant. L’homme par qui le scandale arrive n’est ni plus ni moins qu’un petit moustachu anglais qui porte lunettes noires et béret, et s’exclame en riant : « dire que tout ceci a failli ne pas arriver ! Il y a tant de soi-disant humanistes de nos jours… ». S’ensuit la séquence la plus Portier de Nuit de la soirée : Pearce repart et laisse le Miro nous gratifier d’un récital de piano assez pompier pendant 30 minutes.

Combinaisons camouflage et masque-signature qu’il quittera tout de même après trois morceaux, Douglas revient avec un John Murphy aux airs de croque-mort aux percussions, et délivre un set d’1h30 exclusivement acoustique. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, de folk songs exécutées avec une grande décontraction et un certain charisme, dans une ambiance de bonne franquette – Douglas incite même à faire des requests. Ritournelles servies par une voix ronde et profonde qui rappelle celle d’un Michael Gira, les morceaux défilent rapidement, et tout le folklore (les symboles panzers, la tête de mort dorée en fond, « All Pigs Must Die », etc) fait office de bonne blague perverse. On s’amuse même que des conseillers municipaux se soient affolé pour un bonhomme de 57 piges venu pousser la chansonnette en petit comité. Quant à savoir si DIJ est un groupe de nazis nostalgiques ou de « nationalistes bolchéviques » comme ils l’ont déjà clamé, cela semble hors de propos face à ce petit concert que nombreux trouveraient anecdotique (un Marilyn Manson ou un Chris Cunningham ont utilisé Hitler de manière beaucoup plus frontale, et n’ont jamais fait l’objet d’aucun procès). En rappel, le duo se permet un morceau délicat, « C’est un rêve », connu pour son « où est Klaus Barbie ? » en français dans le texte, qui donne son titre à la tournée (sur une affiche aux couleurs du drapeau homosexuel, histoire de cumuler les mandats). Lorsque Douglas y rajoute les lignes « où est Kadhafi ? où est Ben Laden ? », on se dit finalement qu’il s’agit d’une affaire bien politiquement correcte…

Meilleur moment : le contexte intimiste et vaguement glamour du Réservoir pour une telle manifestation, finalement préférable au Petit Bain.

Pire moment : une partie du public, visiblement plus excitée par le fait d’être là que par le concert en lui-même.

Par Thomas Corlin

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